La mobilisation pour demander la libération du journaliste Stanis Bujakera, en détention depuis deux mois, ne faiblit pas. Ce vendredi, le comité de soutien #FreeStanis a tenu une conférence de presse à Bruxelles (Belgique) en présence de l’Association des journalistes professionnels (AJP) et Amnesty international Belgique francophone.
Au cours de cette activité, tenue dans les locaux de Amnesty international, les panelistes, membres du comité de soutien FreeStanis, se sont montrés unanimes en demandant la libération, à titre provisoire, de Stanis Bujakera car, soutiennent-ils, il n’y a aucun indice sérieux de culpabilité à l’encontre du journaliste. Cette décision aura ainsi pour conséquence la comparution de Stanis Bujakera en homme libre.
Parmi les panélistes, il y a eu Patient Ligodi, directeur de publication de Actualite.cd, François Soudan, directeur de la rédaction de Jeune Afrique, Henri Thulliez, un des avocats de Stanis, Jimmy Kande, enquêteur et membre du réseau Congo n’est pas à vendre ou encore François de l’AJP.
« En aucun cas, il est acceptable qu'un journaliste qui n'a commis aucun délit soit incarcéré depuis plus de 8 semaines. Tout ce que nous demandons, c'est qu'il puisse comparaître libre parce qu'il présente toutes les garanties de représentation et qu'il est lui-même déterminé à démontrer son innocence et sa bonne foi », a déclaré François Soudan, qui appelle à maintenir la pression pour obtenir la libération de Stanis Bujakera.
Le directeur de la rédaction de Jeune Afrique a également révélé sa conversation avec le président de la République Félix Tshisekedi, il y a quelques semaines, à Brazzaville, autour de ce dossier.
« J’ai expliqué au président Tshisekedi que la situation de Stanis entrait en contradiction avec le nouveau code de la presse récemment publié par son gouvernement (…). Cette détention ne lui fait pas plaisir, m’a-t-il dit, et qu'il n'était pas le donneur d'ordre de cette détention. Il avait certes le pouvoir de faire libérer Stanis, a-t-il reconnu devant moi, mais qu’il était buté pour cela à deux obstacles. Le dossier lui présenté, selon lui, contenait des éléments à charge graves (…) et qu'on risque de dire qu'il fait pression sur la justice », a expliqué François Soudan.
Fragilité des accusations
Dans son intervention, Patient Ligodi est revenu en détail sur les préventions retenues contre Stanis Bujakera et dont les deux premières, le faux en écriture, et la fabrication du sceau de l’ANR, qui ont été au centre de la dernière instruction. Une occasion pour le nouveau membre du collectif de Stanis, maître Henri Thulliez de noter certaines fragilités dans ces chefs d’accusations.
« Il était allégué que la note de l'ANR était un faux. Mais le parquet refuse de produire le vrai sceau de l'ANR, qui permettra de comparer les deux sceaux, tout comme il refuse de produire le spécimen de signature qui aurait été soumis à l'expertise. Pour l'instant, le contradictoire n'est pas du tout respecté et est complètement foulé au pied. S'il n'y a pas de contre-expertise ordonnée par le tribunal, on se dirige véritablement vers une parodie de justice », a dit l’avocat, avant de marteler sur la nécessité de lui accorder la liberté provisoire.
« Stanis a toutes les garanties de représentation qui suffisent et qui démontrent qu'il ne va pas se soustraire à l'autorité judiciaire. Le parquet allègue que le fait d'être résident américain, il est susceptible de fuir, c'est du n'importe quoi. On connaît tous Stanis et s'il allait à l'aéroport ou à une quelconque frontière, il serait immédiatement reconnu ».
Jimmy Kande, enquêteur sur des faits de corruption et membre du réseau le Congo n’est pas à vendre, rappelle que le cas de Stanis n’est pas isolé et qu’il y a des lanceurs d’alerte et bien d’autres journalistes dans ces mêmes conditions, certains même condamnés à mort.
« Nous avons voulu joindre notre voix à cette campagne pour dénoncer cette arrestation arbitraire, et rappeler que les journalistes ne sont pas des criminels tout comme les lanceurs d'alerte. Ils mettent juste avant les faits qui touchent à l'intérêt public et qu'ils doivent être protégés. Non pas pour dire qu'ils sont au-dessus de la loi mais je pense que les procédures qui sont engagées montrent très clairement que les intentions ne sont pas celles de pouvoir aboutir à la vérité mais plutôt d'éteindre toutes les voix. Nous demandons la libération de Stanis et rappelons que son cas n'est pas isolé. Il y a des lanceurs d'alerte et d'autres journalistes qui continuent de subir le même sort », a déclaré Jimmy Kande.
François de l’AJP indique, pour sa part, que cette détention préventive est une manière de faire pression pour que Stanis révèle ses sources. Et ça, dit-il, c'est totalement inacceptable dans notre profession. Le secret des sources est une garantie fondamentale digne d'une information indépendante, ajoute François, qui précise que « c’est un climat d'intimidation et de menace à tous les journalistes à la veille des élections ».
Une nouvelle demande de remise en liberté provisoire de Stanis Bujakera a été rejetée le 7 novembre dernier. C’est la quatrième demande de mise en liberté provisoire en moins de deux mois. La Cour militaire va se prononcer le lundi 17 novembre sur la demande de contre expertise formulée par la défense de Stanis Bujakera.