RDC: les communautés locales du Kongo Centrale s'opposent aux pollutions pétrole alors que Perenco tente d'avoir des nouveaux blocs pétroliers (Greenpeace Afrique)

Photo d'illustration
Photo d'illustration/Dr. Greenpeace Afrique

La compagnie pétrolière franco-britannique Perenco a déposé des manifestations d'intérêt pour deux des blocs du Bassin côtier proposés dans le cadre des appels d’offres pétrolier lancés par la République démocratique du Congo (RDC) en juillet dernier. Le ministre des Hydrocarbures Didier Budimbu s'est rendu dans la zone samedi dernier pour inaugurer de nouvelles installations de cette compagnie. Une récente visite de Greenpeace Afrique dans la région, où la compagnie est présente depuis près d'un quart de siècle, a révélé une forte opposition des communautés locales à toute nouvelle activité pétrolière, après des années de pollution et d'abus.

"Aucune élite politique de Kinshasa n'accepterait de vivre dans les écosystèmes gorgés de pétrole où Perenco effectue ses forages, ni d'accepter la pauvreté et l'intimidation qui constituent son héritage", a déclaré Patient Muamba, responsable de la campagne forêt de Greenpeace Afrique. "Le gouvernement de la RDC doit écouter son peuple et empêcher Perenco de faire une offre pour étendre son entreprise toxique dans le pays”, ajoute t-il.

Seule compagnie pétrolière en activité en RDC, Perenco est actuellement poursuivie en justice en France par les Amis de la Terre France et Sherpa afin de réparer les dommages causés à l'environnement. L’entreprise fait également l'objet d'une enquête du parquet national financier français pour "corruption d'agents publics étrangers" en Afrique. La multinationale a un passé sombre au Gabon, au Pérou et au Guatemala, et est récemment responsable d’une fuite sur un oléoduc au Royaume-Uni.

Les appels d’offres de blocs pétroliers au Congo ont fait l'objet d'une avalanche de critiques de la part de scientifiques et d'ONG congolais et internationaux, qui y voient un cataclysme potentiel pour les droits humains, l'État de droit, la biodiversité et le climat. Jusqu'à présent, ils semblent avoir été boudés par les grandes compagnies pétrolières, et les délais de soumission des manifestations d'intérêt ont été prolongés à deux reprises, sans explication. Les contrats d'exploration, censés être signés au cours de cette année électorale en RDC, exigent le paiement immédiat de juteux bonus de signature.

Le mois dernier, juste avant l’annonce des manifestations d’intérêt de Perenco, Greenpeace Afrique a visité les trois blocs du Bassin côtier, une zone riche en mangroves située dans les territoires de Muanda et Lukula (province du Kongo-Central), pour s'entretenir avec des pêcheurs.ses, des agriculteurs.trices, des chefs traditionnels, des jeunes et des ONG locales.

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Leur opposition à l'industrie pétrolière fait écho à celle des communautés locales visitées par Greenpeace Afrique lors de trois précédentes visites de terrain depuis juillet dernier dans six blocs pétroliers dans les provinces de l'Équateur, de la Tshuapa, du Haut Lomami et du Tanganyika.

Deux jours seulement avant notre arrivée, un gigantesque incendie s'est déclaré dans le parc national de Mangroves, dans une zone de stockage de carburant importé d'Angola. Le parc est un point chaud de la biodiversité reconnu internationalement, abritant des tortues de mer, des lamantins et des hippopotames. L'explosion pétrolière a réduit en cendres environ 500 m² de mangroves et a provoqué une importante pollution de l'eau. Bien que Perenco n'ait pas été impliquée dans l'incident, celui-ci démontre la vulnérabilité de cet écosystème au pétrole.

L'entreprise est tristement célèbre parmi la population locale. Le 19 avril, Muanda a été paralysée par des manifestations dans toute la ville, certaines avenues ayant été barricadées avec des pneus brûlés. Des manifestations similaires ont lieu depuis des années et sont souvent violemment réprimées. Depuis des mois, les habitants exigeaient qu'une somme de 10 millions de dollars US versée par Perenco soit investie dans l'électrification de la ville.

Les villages de Malela, Kimbanza et Malemba se trouvent dans le bloc Matamba-Makanzi II, pour lequel la société nigériane Century Energy Services et une certaine “Kebo Energy” ont déposé des manifestations d'intérêts. Perenco a déposé des manifestations d'intérêt pour les blocs Nganzi et Yema II.

Dans le village de Malela, un habitant déclare que personne n'est au courant de l'existence des appels d’offres pétroliers : "On ne comprend pas pourquoi le gouvernement doit nous traiter ainsi comme si nous n’existons pas et que nous n’avons aucun droit de savoir ce qui est prévu pour nos terres.”

Les restrictions imposées par l'Institut congolais de conservation de la nature (ICCN), chargé de protéger la biodiversité de la région, rendent déjà la vie difficile aux pêcheurs.ses. Certains craignent que l'exploration pétrolière n'impose de nouvelles restrictions.

Dans les villages de Kimbanza et Malemba, les habitants se sont plaints que personne du ministère des Hydrocarbures n'était venu les consulter. Ils savaient que leur région était à risque : il y a une dizaine d'années, la compagnie pétrolière Surestream y avait mené des études sismiques qui n'avaient pas abouti. Aujourd'hui, ils rejettent toute opération future de Perenco.

Un habitant, qui a travaillé pour l'entreprise pendant des décennies, s'interroge : "Pourquoi le gouvernement peut valider ce genre de projet sans rien nous dire ?"

Les habitants de Malemba travaillent sur un plan de gestion de leur concession forestière communautaire, attribuée en janvier, qui, espèrent-ils, empêchera tout accaparement de terres par Perenco et le gouvernement : "Personne ne viendra nous retirer nos terres, nous jouissons déjà des droits reconnus par la loi", déclare un membre de la communauté.

Les habitants de Matamba-Makanzi, situé dans le bloc Yema II, disent avoir reçu la visite d'individus se présentant comme des responsables du ministère des Hydrocarbures, mais ces derniers ne leur ont absolument rien dit au sujet d'un quelconque appel d'offres pétrolier. Ils cherchaient seulement des guides pour les accompagner jusqu'à la limite entre les blocs Yema II et Matamba-Makanzi II.

Ni les villageois ni les groupes de la société civile locale n'ont connaissance d'une étude d'impact environnemental de Perenco.

Les habitants de la région ont égrené les griefs à la base de l’action judiciaire que les Amis de la Terre France et l’association Sherpa ont initiée en France. Plusieurs études scientifiques, rapports d’associations congolaises et internationales et du Sénat congolais font état de l'installation de puits et de torchères à proximité des habitations et des champs, de fuites d'hydrocarbures, de l'incinération des déchets, du déversement de boues et de déchets toxiques dans les rivières, et de l'érosion des sols.

Un des militants locaux déclare : "L’exploitation du pétrole nous appauvrit et nous fait souffrir, les jeunes sont utilisés pour des travaux inutiles, moi je n’envisage pas travailler un jour chez Perenco même si ça sera la seule entreprise qui emploie au Kongo Central !”

Perenco n'a pas réagi au droit de réponse sur les questions soulevées par les communautés locales.