L’art et le numérique : complémentarité ou perte de sensibilité ? les convergences et divergences

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Numérique...

A l’ère du numérique, bien de choses dans plusieurs domaines suivent les pas. Il existe pour ce faire des monnaies, boutique, archives numériques et bien d’autres. Dans ce mouvement, l’art se met également, permettant des expositions virtuelles et même des créations virtuelles quitte à remplacer, selon certains, la sensibilité tactile de l’artiste sur la matière. Le numérique constitue une menace pour certains artistes et une opportunité pour d’autres.

Dans la multiplicité de disciplines artistiques, il y en a qui marchent de pair avec l’évolution numérique telles que la photographie et le cinéma, et celles qui suivent timidement les pas, telles que la peinture ou la sculpture. Le numérique est aussi une question d’âge et de génération, peu importe la discipline. À ACTUALITÉ.CD, l’artiste dessinateur et écrivain, Bathy Asimba, sexagénaire, n’entend pas cesser avec le papier tout de suite.

« Numérique et art, je ne sais pas si ça rime, mais je crois que c'est une question de goût ou encore de couleur et aussi de positionnement. Moi, je suis de la génération de papier, j'ai connu le papier à ma naissance, j'ai grandi avec le papier, je fais avec le papier. Le numérique, ça ne me dit rien du tout, je ferai avec le papier jusqu'à la fin de ma vie », a-t-il dit.

Par rapport à la pérennité des œuvres, Bathy Asimba soutient qu’il existe des auteurs ayant publié des livres au 14ème siècle voire plus tôt, dont les œuvres sont lues encore à ces jours, non grâce au numérique, qui pour lui ne sert que de moyen de communication pour accéder aux livres en dur. Responsable d’une maison d’édition, il affirme qu’au moment d’éditer d’autres auteurs, il laissera le libre arbitre par rapport à la conviction, à la façon de faire ou à l’influence des uns et des autres.

Même son de cloche pour l’artiste plasticien Freddy Tsimba. Il adore palper la matière et avec le numérique, il estime qu’il y a une perte de sensibilité.

« Je pense que pour le faire, il faut aimer ça. Il faut vivre et baigner dans ça. Moi, je suis plus technique, j’adore toucher la matière. Je sens les choses, j’ai besoin de l’odeur. Chacun a sa façon, on ne discute pas trop sur la sensibilité. J’aime travailler sur la matière qui parle, qui questionne. Je ne me vois pas faire ça. Je pense que ce n’est pas pour moi », a-t-il expliqué.

De l’autre côté du miroir

Dans une autre facette, il y a une bonne frange artistique qui voit dans le numérique, une opportunité, un chemin obligatoire ou même un des leviers de la lutte contre le réchauffement climatique tant il permet de moins utiliser, les papiers, les bois, et bien d’autres matières censées, à ces jour, être moins utilisées pour le bien de la planète.

Le numérique permet aussi d’éviter les moyens qui contribuent à l’émission de gaz à effet de serre, nous dit Augustin Bikale, administrateur national programme culture de l’UNESCO.

« La migration vers le numérique contribue effectivement à lutter contre le réchauffement climatique. Dans le sens où le numérique facilite le partage de l’information. Très rapidement, elle atteint une grande partie de la cible. Ce qui est nécessaire pour obtenir des outils de lutte contre le réchauffement climatique », a-t-il dit.

Côté Cinéma, cet art a toujours marché de pair avec l’évolution du numérique, grâce auquel, une révolution cinématographique est en cours. C’est le point de vue que soutient Tshoper Kabambi, initiateur du Festival International de Cinéma de Kinshasa.

« Le cinéma a toujours suivi l'évolution de la technologie. L'arrivée du numérique a révolutionné le cinéma partout dans le monde. Parce qu'il faut se dire que quand le numérique n'existait pas, on était en analogie, le cinéma appartenait à une certaine élite puisque les pellicules coûtaient très cher. Pour faire le cinéma, il fallait avoir beaucoup d'argent », explique-t-il.

Et d’ajouter :

« Mais aujourd'hui, voyez le miracle que font, pas seulement les africains, mais tous les jeunes cinéastes à travers le monde. C'est grâce au numérique qu'ils ont pu exprimer leur talent de faire autant de films et on voit la magie du numérique. Pour dire que le cinéma a toujours été quelque part dépendant du numérique ».

L’artiste visuel, Paul Malaba, est sélectionné dans la discipline création numérique aux neuvièmes jeux de la francophonie pour représenter la RDC. Interrogé à ce sujet, il s’est dit partagé entre le numérique qui a pris plus de place dans la société actuelle, et le danger de mettre dans une oubliette les artistes à l’ancienne.

« La société dans laquelle nous vivons maintenant dépend presque du numérique. Sur tous les plans. C’est le numérique qui prend beaucoup de place. Même dans les guerres, le numérique prime. Je me dis que si l’art est là pour lancer des messages, il peut aussi le faire à travers le numérique. Mais je reste assez amoureux de l’ancien mouvement. Je voudrais que la main d’un peintre ne disparaisse pas », souhaite-t-il.

La cohabitation numérique

La meilleure approche serait de faire cohabiter les façons de faire des uns et des autres. A l’image de certains musées européens ou même le Musée national de la RDC, où des œuvres d’art sont accompagnées d’une explication par un petit écran numérique à côté. Une fois devant, pas besoin d’une explication de quelqu’un.

En mai 2022, l’ancien directeur général de l’Institut des Musées nationaux du Congo, Placide Mumbelembele, avait rencontré le ministre du numérique, Désiré-Cashmir Kolongele, pour entamer le processus de création d’un musée virtuel et la numérisation du patrimoine culturel congolais. Ce processus devrait permettre de mieux contrôler et conserver les œuvres d’art et de visiter les richesses des musées à distance.

« Entre le musée, les œuvres d’art, le patrimoine et le numérique, il n’y a qu’un pas », affirmait le professeur Placide Mumbelembele au sortir de l’audience avec le ministre.

Avant d’ajouter :

« C’est l’un des moyens qui puissent nous permettre de mieux conserver nos objets, mais en même temps de faire connaître notre patrimoine, non seulement en interne mais aussi sur le plan international à travers des visites virtuelles ».

A ACTUALITÉ.CD, l’ancien DG de l’IMNC avait précisé que le musée virtuel sera ouvert à tous alors que la numérisation concerne la gestion interne des objets, permettant de suivre leur traçabilité. En cas de perte, il y a possibilité de retracer leur historique.

Emmanuel Kuzamba