L’intelligence artificielle, véritable moteur d’innovations mais aussi source d’inquiétudes, s’est invitée au cœur des débats lors de la deuxième édition des Rencontres congolaises de recherche sur le journalisme. Ce jeudi 8 mai, le Laboratoire de recherches en sciences de l’information et de la communication (LARISCOM), en partenariat avec l’Association des médias d’information en ligne de la RDC (MILRDC) et l’Institut national des arts (INA), a organisé un colloque autour du thème : « Le journalisme face à l’intelligence artificielle : entre méfiance et révérence ».
Le débat s’est articulé autour de la table ronde intitulée : « Vérité, fiction et savoir à l’ère de l’IA : quels repères pour les citoyens ? ». Un moment de réflexion qui a réuni journalistes, chercheurs, étudiants et professionnels des médias.
Trois experts sont intervenus, Axel Gontsho, expert en communication numérique et institutionnelle ; Madimba Kadima-Nzuji, professeur de droit à l’Université des sciences de l’information et de la communication (UNISIC), vice-président du LARISCOM ; et Félix Malu, formateur en IA générative et en prompt engineering.
Parmi les préoccupations soulevées, la méfiance croissante face à l’usage de l’IA dans la production journalistique a dominé les échanges. Des exemples de fausses informations générées ou amplifiées par des outils d’intelligence artificielle ont été évoqués, soulignant l’importance d’un regard critique sur les contenus.
Mais l’IA ne suscite pas que des craintes. Certains professionnels y voient un outil révolutionnaire. Axel Gontsho, depuis Marseille, a rappelé l’enthousiasme qu’elle génère dans les rédactions.
« Le développement de l’intelligence générative permet d’automatiser certaines tâches chronophages. Par exemple, près de 90 % des journalistes que nous avons interrogés continuent de retranscrire manuellement leurs interviews. Pourtant, plusieurs outils existent pour convertir automatiquement la voix en texte », explique -t-il.
De son côté, le professeur Kadima-Nzuji a mis en lumière les limites de la créativité assistée par IA, en évoquant trois points dont l’intangible : le vécu personnel, la conscience, les émotions, l’intention humaine ; l’aspect technique : l’IA reste « bête », car tributaire de ses données d’entraînement et des modèles dominants ; la problématique de l’émergence ou de la disruption.
Il a également soulevé des enjeux juridiques majeurs autour de la propriété intellectuelle tels que le droit d’auteur et la contrefaçon, l’originalité et la titularité des œuvres générées par IA, le droit des bases de données et des licences, le droit à l’image et à la personnalité.
Félix Malu a pour sa part évoqué les risques de l’IA en milieu éducatif. Il a évoqué notamment l’érosion des capacités cognitives, la dépendance des jeunes et l’atrophie de la pensée critique, la perte d’autonomie intellectuelle chez les adultes.
À la clôture de la journée, certains étudiants ont réagi à ACTUALITE.CD sur la pertinence de ces assises.
« On nous a expliqué que l’IA a des avantages, comme le gain de temps. Mais aussi des désavantages, notamment le fait qu’elle pousse les jeunes vers la paresse. Il faut l’utiliser avec responsabilité », indique Dan Mbuyi, étudiant en deuxième licence à l’UNISIC.
Même son de cloche chez Rose Ngalula, également en deuxième licence, qui alerte sur son utilisation précoce chez les enfants.
« Quand nous étions enfants, on nous encourageait à chercher dans les livres. L’IA peut limiter la réflexion. Il faut la tenir éloignée des plus jeunes », affirme-t-elle.
Ce colloque, qui s’est tenu jusqu’au samedi 10 mai, a été présidé, à l’ouverture, par le ministre de la Communication et Médias, Patrick Muyaya, réaffirmant l’importance d’un débat national autour des mutations du journalisme à l’ère de l’intelligence artificielle.
Marianne Enungu, stagiaire UCC