RDC-Kamako: le dilemme des autorités du Kasaï face au flux des refoulés congolais d'Angola

Photo d'illustration/ACTUALITE.CD

Deux cent personnes en moyenne sont refoulées de la province angolaise de Lunda Norte chaque jour et ce, depuis le début de cette année. Ces chiffres livrés par les services du consulat de la RDC à Dundo, capitale provinciale de Lunda Norte et à Moxico à Lunda Sul donnent l'idée sur l'ampleur du refoulement des congolais d'Angola. Le service congolais du programme national d'hygiène aux frontières basé à Kamako donne des statistiques de loin moins inférieures à celles avancées par les services consulaires. Depuis le début de cette année, le PNHF dit avoir enregistré 8879 personnes refoulées dont 2204 des retournés volontaires.

Quelles sont les raisons à la base de ce flux de refoulement ?

A cette question, les versions divergent. Selon les services consulaires, beaucoup de congolais expriment la volonté de retourner en RDC depuis l'avènement de Félix Tshisekedi au pouvoir. Mais les Angolais qui se servaient de la main d'œuvre bon marché des congolais ne veulent pas et en profitent pour ravir les biens des congolais obtenus en Angola et les sortir dans des conditions inhumaines pour donner l'impression que les congolais sont indésirables en terres angolaises.

Le gouverneur du Kasaï, Dieudonné Pieme Tutokot y voit plutôt les conséquences de l'immigration clandestine des congolais.

"La province du Kasaï partage 384 Km des frontières avec l'Angola. Beaucoup de nos compatriotes se rendent en Angola par des voies clandestines et les angolais ne supportent pas. Voilà qui justifie ce flux de refoulement", dit à ACTUALITE.CD le gouverneur du Kasaï. 

Pourquoi seulement ces dernières années alors que depuis la république du Zaïre, on a jamais connu ce taux de refoulement ?

Le gouverneur Pieme pense "qu'il y a un besoin pour les angolais de contrôler leurs mines de diamant souvent prises d'assaut par nos compatriotes". Point de vue renforcé par le service congolais du programme national d'hygiène aux frontières.

"Il nous a été rapporté que les autorités angolaises ont vendu les mines de la municipalité de Citolotolo (Angola) à des exploitants étrangers mais ces mines sont envahies par des creuseurs congolais et les acquéreurs ont demandé et obtenu des autorités angolaises le nettoyage des sites malheureusement nos compatriotes qui s'y trouvent n'ont pas des documents ni d'exploitation ni de séjour", explique Christian Mabedi, chef de service du programme national d'hygiène aux frontières basé à Kamako.

A l'opposé, Claudia Misenga, la quarantaine, mère de trois enfants, tous nés en Angola et qui affirme avoir vécu durant 9 ans à Lucapa et qui a été refoulée, ses effets ravis, rejette cette version des faits.

"Moi je suis détentrice de Billette, (carte d'identité angolaise), je ne travaille pas dans les mines de diamant. J'ai été arrêtée au marché où je vendais la friperie suite à la dénonciation des angolaises qui faisaient le même travail que moi et j'ai été embarquée avec mes enfants qui ne parlent que la langue portugaise et déposés au poste frontalier de Kamako. Je me retrouve ici sans aucun repère", témoigne la refoulée, en larmes.

Pour des cas des congolais ayant obtenu des pièces d'identité angolaises, le gouverneur Pieme prévoit de les refouler en Angola car ayant renoncé à leur nationalité.

"Nous avons placé des services aux frontières pour identifier tous les refoulés. Si nous tombons sur ceux qui ont des Billette, nous allons les renvoyer en Angola", précise le gouverneur qui dénonce les conditions de refoulement. 

Vos services aux frontières ont-ils les moyens de faire ce travail ?

Le gouverneur Pieme botte en touche : "Nous sommes conscients des défis liés à la logistique. Nous avons transmis un état des besoins aux autorités et nous espérons que bientôt nous aurons les moyens appropriés car cette frontière mérite un contrôle méticuleux", répond-t-il.

Au consulat congolais, on évoque les désordres dans l'attribution des cartes consulaires qui auraient décidé les autorités angolaises à refouler les congolais:

"Il a été trouvé sur les ressortissants ouest-africains des cartes consulaires congolaises. Cette situation a énervé les autorités de l'Angola qui ont décidé de refouler tout ressortissant de la RDC trouvé en situation irrégulière".

Selon les informations d'ACTUALUTE.CD, du 30 au 31 mars derniers s'était tenu à Lunda Norte, un forum régional transfrontalier sur la lutte contre la traite des êtres humains. Au cours de ce forum, la question des congolais en situation irrégulière en Angola a été évoquée en présence du ministre congolais des affaires étrangères. Il a été convenu que désormais les reconduits aux frontières se feront en présence des services consulaires pour limiter les graves violations des droits de l'homme.

Quant à la situation des refoulés à Kamako,  elle est décrite comme catastrophique. Kamako ressemble plus à un camp de réfugiés qu'à une cité normale. Pour vivre, les refoulés plus nombreux que les habitants de la cité se livrent au banditisme et à la prostitution. Ce qui fait craindre à la société civile la montée de l'insécurité et de la séroprévalence.

Lire: “Kamako devient un camp de migrants à ciel ouvert” (OIM) 

Sosthène Kambidi à Kananga