“Kamako devient un camp de migrants à ciel ouvert” (OIM) 

Photo d'illustration/ACTUALITE.CD

Alors que le rythme d’expulsions de Congolais par les services angolais de sécurité s’intensifie, ACTUALITE.CD a interrogé Fabien Sambussy, chef de mission de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) sur les raisons de ces expulsions, leurs conditions et ses recommandations pour mettre un terme à ce phénomène récurrent. 

Pourquoi des congolais sont expulsés en masse d’Angola ces derniers mois? Comment expliquer leur nombre? 

La frontière qui s’étend entre la RDC et l’Angola sur plus de 2464 km est extrêmement poreuse ce qui favorise les échanges transfrontaliers irréguliers. Le coût de la vie plus faible du côte angolais de la frontière, le meilleur accès aux services de base, mais surtout les opportunités économiques liés a une forte demande en main d’œuvre (principalement dans le secteur minier), sont autant de facteurs d’attraction pour les populations congolaises frontalières en manque de développement et qui peine à se relever économiquement du conflit de 2016-2017 qui a conduit au déplacement de plus d’un million de personnes.

Les autorités angolaises expulsent régulièrement des citoyens congolais en situation irrégulière. On observe cependant des périodes où le nombre de congolais reconduit à la frontière augmente fortement comme cela a été déjà le cas en 2011, 2013, 2015 et 2018. 

D’après les données collectées au point frontalier de Kamako, il y eu sur les 6 derniers mois près de 12,000 retours de migrants congolais avec les pics pouvant atteindre 300/400 individus par jours.  

Les congolais reconduits à la frontière sont généralement interceptés et arrêtés sur leur lieu de travail (mines artisanales, petits commerces, travailleurs à domicile…).

Ils sont reconduits à la frontière et arrivent tous à Kamako qui devient un camp de migrants à ciel ouvert. Les voies d’accès pour sortir de la cité de Kamako sont difficilement praticables et les migrants généralement dépourvus n’ont pas les moyens financiers pour regagner leurs zones d’origines. La majorité des migrants reconduits a la frontière ne passent que quelques jours à Kamako et retourne de façon irrégulière en Angola avec l’aide de passeurs/trafiquants.

Dans quelles conditions le sont-ils? 

Certains sont victimes d’abus ou de traitement inhumain et dégradants (vols d’effets personnels, violence, viols, séparations familiales, détention, etc…). Le non-respect fréquent des procédures de reconduite à la frontière (absence de manifeste, absence de notification, reconduite en dehors des heures d’ouverture etc…) est déploré par les autorités congolaises présentes au point frontalier de Kamako ainsi qu’au consulat congolais.  

Face à l’ampleur et au nombre de migrants en transit et dans l’incapacité de rejoindre leurs zones d’origine, nous, l’OIM, avions mené une opération d’assistance au transport de janvier à septembre 2019. Cependant due à des contraintes financières nous empêchant de soutenir cette opération et en l’absence de solution durable conduisant à un retour fréquent de migrants en Angola cette opération de désengorgement a pris fin en septembre 2019 après avoir assisté près de 15,000 personnes. 

Que faire pour venir en aide à ces congolais ? 

Schématiquement, ces mouvements migratoires sont le résultat du manque d’opportunité socio-économique dans les provinces du grand Kasai, et du besoin de main d’œuvre peu qualifiée côte angolais. Les Congolais font des travaux en Angola et à des conditions que les Angolais n’accepteraient pas. 

Les possibles pistes de solutions à explorer sont multiples et complémentaires. Il s’agit notamment de prévenir les mouvements migratoires transfrontaliers irréguliers par une meilleure gestion et un meilleur contrôle de la frontière, un renforcement des capacités de lutte contre les trafiquants, accentuer le développement des zones d’origines et notamment l’accès a l’emploi, la mise en application d’une politique transfrontalière et de documents de voyage spécifiques pour régulariser le statut des travailleurs transfrontaliers, accroitre la coordination entre les services concernés afin de garantir le respect du droit de ces migrants et la fourniture d’assistance en cas de besoins spécifiques.

Propos recueillis par Sonia Rolley