Conséquences économiques de la guerre du M23: la ville de Goma asphyxiée, les denrées sont rares et les prix ont doublé sur le marché

Les poivrons au marché Kahembe à Goma
Les poivrons au marché Kahembe à Goma

Depuis l’occupation de plusieurs villages par la rébellion du M23 dans les territoires de Rutshuru, Nyiragongo et récemment dans le Masisi, le prix des denrées alimentaires a sensiblement grimpé sur le marché. En effet, les routes Goma-Rutshuru et Goma-Kitshanga par lesquelles la ville de Goma est approvisionnée en vivres sont coupées au trafic en raison de la présence rebelle. 

Un sac de 100 kg de haricot qui se vendait à 132 000 FC est passé à 220 000 FC. La mesure de haricot est passée de 2500 FC à 3500 FC. Les choux et la carotte cultivés à Kibumba, dans le territoire de Nyiragongo n’arrivent presque plus sur le marché de Goma.  

« Je vends les poivrons, la carotte et les choux qui provenaient de Kibumba. Aujourd’hui on s’approvisionne difficilement, il y a des taximen-moto qui fraudent et nous ramènent la marchandise, malheureusement le prix a doublé. Avant, j’avais facilement un sac des poivrons à 60 000 FC, aujourd’hui ce même sac revient à 100 000 FC. Que nos autorités trouvent une solution car nous souffrons énormément », explique Kabuo Penina, vendeuse d’épices au marché Kahembe à Goma.

Les rares marchandises qui proviennent encore territoires de Rutshuru, Lubero voire Beni sont soumises à des multiples taxes car les rebelles du M23 ont érigé plusieurs barrières sur la RN2.

« C’est tellement compliqué, je viens de Rutshuru avec ces sacs d’oignons, il y a d’autres marchandises qui proviennent de Lubero, Kirumba, Kitsumbiro et même dans le fond vers Kaina. Nous sommes obligés de payer une taxe à toutes les barrières érigées par les combattants du M23. Nous apportons une petite quantité parce qu'avec la moto c’est difficile de prendre plusieurs sacs, c’est pourquoi il y a carence au niveau à Goma », renseigne un taximan-moto en provenance de Rutshuru, zone occupée par les M23.

D’autres vendeurs sont obligés de s’approvisionner au Rwanda. « Mais beaucoup de gens n’aiment pas les produits de nos voisins parce qu’ils utilisent l’engrais chimique dans la culture», ajoute Kabuho Penina.

Cette situation préoccupe l’association « Bas peuple », une structure qui encadre les petits commerçants à Goma.

« C’est un calvaire que nous traversons depuis les affrontements entre les rebelles du M23 et les FARDC. Toutes les routes sont coupées et il n’y a pas de vivres qui arrivent dans la ville de Goma. En tant que Bas peuple nous cherchons comment obtenir des vivres en provenance d’autres pays mais les prix ne sont pas les mêmes. Par exemple un sac de 100 kg  de pomme de terre est passé de de 65 USD à 100 USD, un sac de haricot de 100 kg qui se vendait à 70 USD aujourd’hui se négocie à 110 USD, le maïs n’en parlons même pas. Voilà pourquoi nous voulons que cette guerre puisse finir. Que les autorités nous aident à ramener la paix, il y a une crise financière parce que la ville est asphyxiée aujourd’hui », plaide Tumaini Lucien, contrôleur de la structure Bas peuple à Goma.

Goma est de plus en plus asphyxiée alors qu’elle a accueilli des déplacés dont la situation risque de se détériorer par manque des vivres.   

« L’axe nord est bloqué, l’axe nord-ouest également sur la route Kitshanga est bloqué. Cela signifie que la ville de Goma va faire face à deux urgences majeures : la première c’est qu’il y aura une rareté des marchandises de première nécessité et la deuxième urgence on va maintenant voir une consommation qui monte en puissance parce qu’avec des déplacés qui sont déjà dans la ville de Goma, le peu de marchandises ne suffiront pas pour servir toutes ces personnes. Cette rareté va influer sur le prix parce que celui qui sera en possession de sa petite quantité de marchandise sera dans l’obligation de vendre au prix qu’il veut », fait savoir Johnson Ishara, analyste économique.

Le M23 continue d'occuper plusieurs localités dans les territoires de Masisi, de Rutshuru et de Nyiragongo dans la province du Nord-Kivu. Une situation qui n'a pas épargné le panier de la ménagère au niveau des marchés à Goma.

Yvonne Kapinga