Une marche de protestation contre la force est-africaine déployée dans l'est de la République démocratique du Congo a été violemment dispersée et des journalistes ciblés par la police mercredi à Goma, chef-lieu du Nord-Kivu, selon une équipe de l'AFP présente sur place.
Une centaine de manifestants, répondant à l'appel de mouvements citoyens, s'étaient rassemblés près d'un rond-point pour marcher contre cette force de l'EAC (East African Community) qu'ils jugent inefficace.
Plusieurs milliers de soldats du Kenya et du Burundi ont été récemment déployés en renfort de l'armée congolaise et des Nations unies pour lutter contre les groupes armés dans l'est de la RDC. Quelque 750 militaires sud-soudanais sont attendus prochainement.
"La population est fatiguée de voir cette force inutile de l'EAC se transformer en une mission d'observation qui regarde comment on nous massacre", a déclaré Espoir Mwinuka, un militant de la Lucha, un groupe de jeunes activistes, co-organisateur de la marche.
"Sur le terrain, ils ne font rien à part servir de bouclier à l'ennemi, donc cette force n'a pas sa raison d'être chez nous", a ajouté Josue Wallay, un autre militant de la Lucha, présent dans le cortège.
Aux termes d'un accord conclu le 23 novembre à Luanda, cette force est chargée de s'assurer du désengagement des rebelles du M23 des zones qu'ils ont conquises ces derniers mois dans le Nord-Kivu. En décembre, en Tanzanie, les chefs militaires de l'EAC avaient fixé au 15 janvier la date limite pour un retrait complet de ces positions.
Mais ces dernières semaines, on pouvait entendre dans Goma des insultes lancées par des habitants au passage de véhicules des troupes kényanes de l'EAC.
La frustration monte après que les militaires kényans ont organisé des cérémonies de retrait du M23, et de reprise de contrôle par l'EAC, dans deux localités au nord de Goma, fin décembre et début janvier. Ce retrait a été dénoncé comme "un leurre" par l'armée congolaise et contredit par des témoignages.
- "Par tous les moyens" -
Dans un communiqué signé du ministre des Affaires étrangères Christophe Lutundula, Kinshasa a déploré mercredi que les rebelles du M23 "et les autorités rwandaises qui les soutiennent" n'aient pas, "une fois de plus, respecté leurs engagements".
Interpellant la communauté internationale, le gouvernement congolais affirme dans ce texte sa détermination à "sauvegarder l'intégrité territoriale" de la RDC qui, dit-il, "se défendra par tous les moyens".
A l'arrivée dans le centre-ville de Goma, la marche a été stoppée par des grenades lacrymogènes tirées par la police au milieu des manifestants.
Les journalistes ont été menacés par la police et un agent a lancé en direction du groupe de reporters une grenade lacrymogène qui a atteint un correspondant de l'AFP à la tête.
Un journaliste s'est blessé en s'enfuyant. Deux autres ont été interpellés avec six manifestants et relâchés après trois heures de garde à vue.
La rébellion majoritairement tutsi du M23 a repris les armes fin 2021 et s'est emparée de vastes pans du territoire de Rutshuru, au nord de Goma. Malgré les annonces de cessez-le-feu, elle continue d'affronter l'armée congolaise et des groupes armés.
Par ailleurs, dans la province voisine de l'Ituri, trois jours d'opérations "ville morte" ont démarré mercredi, notamment dans le chef-lieu Bunia, pour dénoncer les tueries répétées de civils par des milices communautaires.
"Depuis début janvier, plus de 80 civils ont été tués", s'est alarmé Dieudonné Lossa, coordonnateur de la société civile de la province.
Comme le Nord-Kivu, l'Ituri est depuis mai 2021 sous "état de siège", mesure qui a remplacé les administrateurs civils par des militaires et des policiers, mais n'est pas parvenue à mettre fin aux violences.
AFP avec ACTUALITE.CD