Pas une semaine sans entendre parler, dans les médias, de l'Inspection Générale des Finances (IGF) de la RD Congo. Tout récemment, après les services des artistes comédiens, des musiciens, pas de moindre renommée, ont été mis à contribution dans des opus de "conscientisation de la population sur la malversation financière" dans le pays. Tout à l'honneur, indubitablement, de Monsieur l'inspecteur général des finances - chef de service dont la montée vertigineuse de la popularité a suscité des interrogations dans divers sens.
Dans une vidéo sur la toile, il a fait la promesse de ne pas briguer un mandat électif en 2023.
En a-t-il été contraint ? Le chef de service sait que ses propos dans les médias rompent avec des mauvaisetés managériales en RD Congo où tout le monde, ou presque, est averti : « Faites donc et observez tout ce qu'ils vous disent ; mais n'agissez pas selon leurs oeuvres. Car ils disent, et ne font pas ».
Une évidence : depuis 2019, l'IGF a revu sa doctrine dans la perspective de sa revitalisation. Jadis tenue à l'extrême discrétion sur les rapports de ses activités, sauf fuite d'extraits, cette structure, placée sous l'autorité du Chef de l'État, a bénéficié de la latitude de communiquer publiquement. Sans nul doute, cette liberté est soumise au "politiquement correct".
Considérant que ce qui compte n'est pas seulement ses rapports, souvent annoncés de manière tonitruante, mais bien plus leurs effets réels sur le système de gouvernance de l'État.
Jacques Ménier n'a pas eu tort de dire à ce propos que « si les travaux des Inspecteurs généraux n'ont pas de suites, ils sont un corps inutile ... (et) s'ils interviennent directement dans le fonctionnement de l'administration, ce ne sont plus des contrôleurs » (Les inspections générales, Paris, Collection l'administration nouvelle, 1988).
En RDC, l’IGF a réussi à faire bouger les lignes. Ne serait-ce que sur le plan de la symbolique.
En effet, elle dit souvent ce que veulent entendre les populations, flouées, depuis des décennies, par de hautes technologies de corruption, de détournement de deniers publics, attestant un niveau effrayant de méchanceté à la base de l'exacerbation de l'appauvrissement du petit peuple par une infime minorité. Sur son compte tweeter et dans les médias classiques, l'inspecteur général - chef de service en parle de manière très active. Au point d'afficher une intensité de communication d'un contraste accusateur du défaut de dynamisme du site internet de l'IGF dont les mises à jour, notamment celles des "Brèves", suscitent étonnement et déception.
Pourtant, le respect du droit à l'information des citoyens relève de b.a.ba de la bonne gouvernance.
« RDC : La bonne gouvernance fait partie de notre culture et de notre vécu quotidien. Elle n'est pas une simple déclaration d'intention comme le font les prédateurs qui manquent de sommeil du fait de la redynamisation de l'IGF et de la Cour des Comptes. » « Il n'y a pas de bonne Gouvernance sans contrôle. Confondre le contrôle concomitant à la cogestion relève soit de l'ignorance, soit de la mauvaise foi, ou encore de la détermination de perpétuer le pillage de nos entreprises d'État. », peut-on lire sur tweeter.
Des observateurs pointilleux gardent à l'esprit que le chef de service avait promis, sur les antennes d'un média congolais, de communiquer, en août 2021, une année déjà écoulée, sur les résultats du contrôle effectué par ses services à la Présidence de la République. Très longue attente ...
Ceci fait dire à de mauvaises langues qu'au-delà de ses objectifs d'une noblesse incontestable, l'IGF, rattachée à la Présidence de la République, est, dans ce contexte politique de lutte contre l'influence de l'ancien régime et d'éventuels concurrents, un outil de règlement des comptes. Ce, aux dépens de son indépendance fonctionnelle. Au fond, si ceci est avéré, l'IGF n'en serait qu'une victime.
Malgré sa détermination de jouer pleinement sa partition pour faire avancer le chantier du changement des mentalités et des pratiques de gestion très rigoureuse des finances et des biens publics.
Pour attester véritablement sa volonté de promouvoir la bonne gouvernance, dont il est un chantre non moins talentueux, l'IGF doit, au-delà des mots, en donner assez d'exemples concrets. D'autant plus qu'en vertu de ses missions, « elle bénéficie également, en sus des crédits budgétaires lui alloués à cet effet et émargeant aux budgets annexes de l'État, d'une quotité de 10% des pénalités recouvrées pour ses dépenses d'investissement. »
En acceptant d'être contrôlée par un tiers, l'IGF aura réussi à appliquer à elle-même la transparence et l'exemplarité de bonne gouvernance qu'elle exige des administrations publiques. Elle doit, par exemple, se soumettre régulièrement au regard de ses pairs. Il s'agit d'une appréciation externe qui pourrait se faire dans le cadre de plusieurs instances de coopération internationale, au niveau africain ou mondial, dont elle est membre ou pourrait en devenir. Elle a la latitude de faire appel, entre autres, au Vérificateur général du Canada (VGC) ou aux services de la Commission européenne, particulièrement l'Office européen de Lutte anti-fraude (OLAF) et l'Office d'aide extérieure (AIDCO). Le bon résultat qui en serait attesté, malgré les faiblesses qui pourraient y être épinglées, confortera sérieusement l'inspecteur général - chef de service dans ses campagnes médiatiques sur la bonne gouvernance. Ne pas promouvir le contrôle de l'IGF par un tiers l'aura privée de l'heureuse opportunité de prêcher par l'exemple. A tout rompre.
Lembisa Tini (PhD)