RDC : la démarche du Ministère des Finances et de la DGDA visant à faire payer aux entreprises le timbre fiscal va provoquer l'augmentation des prix sur le marché, insiste la FEC (Leny Ilondo)

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M. Leny ILONDO, Administrateur à la FEC et Président de la Commission Nationale Industrie, à la radio Top Congo. Ph. FEC.

Invité de l'émission "Parlons-en" à la radio Top Congo FM, Monsieur Leny ILONDO, Administrateur à la FEC et Président de la Commission Nationale Industrie a répondu aux questions lui posées pour éclairer la lanterne de la population congolaise sur le danger que représente la démarche du ministre des Finances, Nicolas Kazadi et de Mme Jeanne Blandine Kawanda, DG de la DGDA, qui cherchent à appliquer le système de traçabilité des produits d'accises en violation flagrante des lois qui régissent cette matière.

Par rapport à la surchauffe observée actuellement sur le marché avec l'augmentation des prix, le Président de la Commission Nationale Industrie de la FEC a insisté sur la nécessité pour le Gouvernement d'accorder aux entreprises plusieurs avantages fiscaux à impact réel, au-delà de la suppression de la TVA sur certains produits, afin d'atténuer la structure des prix durant cette période difficile caractérisée par la crise de la Covid-19 et de la guerre Russo-Ukrainienne.

S'agissant du système de traçabilité des produits d'accises, la Fédération des Entreprises du Congo (FEC) tient mordicus au retrait de l'arrêté du Ministre des Finances, Nicolas Kazadi, signé le 26 novembre 2021, portant mise en application du système de traçabilité des droits d'accises (STDA), qui conditionne l'acquisition des vignettes fiscales pour marquer les produits fabriqués localement, les produits importés, les tabacs et monitorer les services de la téléphonie mobile.

Qu'est-ce qu'il faut savoir du système de traçabilité des produits d'accises ?

Leny Ilondo : C'est un système que l'Etat met en place pour contrôler l'effectivité du paiement des droits d'accises. Ce système permet à l'Etat de s'assurer du flux constant des revenus des impôts, droits, redevances et taxes qui sont payés par les entreprises, pour lui permettre de financer sa politique comme payer les enseignants, les militaires, construire les routes, etc.

Le paiement des droits d'accises est universel et normal. En RDC, la perception des droits d'accises a été confiée à la DGDA et les entreprises s'acquittent régulièrement.

Le système de traçabilité est une bonne chose pour éliminer les produits impropres à la consommation ou issus de la fraude ou la contrebande. 

Mais ce système ne doit pas être la mamelle qui nourrit le prestataire de la DGDA en faisant payer doublement aux consommateurs les frais des vignettes "fiscales" alors qu'ils supportent déjà les droits d'accises contenus dans la structure des prix des produits qu'ils achètent sur le marché.

C'est quoi le problème que pose le timbre fiscal ?

Leny Ilondo : Notre problème avec l'Etat se trouve au niveau de l'article 52 du Code des Accises, qui donne au Ministre des Finances le pouvoir d'instaurer le timbre fiscal qui est la preuve de paiement de la taxe (droit d'accises). Nous voulons juste que ce timbre fiscal qui n'est qu'une preuve de paiement du droit d'accises soit gratuite. Cette preuve est la même que la vignette qu'on remet aux propriétaires des véhicules lorsqu'ils payent la taxe ou le timbre qui est apposé sur le passeport, dans d'autres pays, qui atteste sa valeur. Cette figurine ne peut pas être payée ni par les entreprises ni supportée par les consommateurs.

La DGDA veut faire payer doublement les entreprises : payer les droits d'accises et payer la preuve de paiement de ces droits sous forme de timbre fiscal.

En quoi la DGDA est-elle fautive en percevant les timbres fiscaux comme recettes ?

Leny Ilondo : En 2020, le Ministre des Finances, en signant l'arrêté instituant le système de traçabilité des produits d'accises, avait donné le pouvoir à la DGDA de fixer les prix des timbres fiscaux à charge des entreprises sous forme de la redevance. Or, selon la Constitution et la nomenclature des droits, taxes et redevances du pouvoir central, ni le Ministre des Finances ni la DGDA n'a le droit de fixer les redevances, les impôts, les taxes. Cette prérogative relève uniquement du parlement qui légifère par la Loi. 

L'autorité budgétaire qui est le parlement n'a jamais autorisé la perception des timbres fiscaux comme recettes. 

Lors de l'examen de la Loi des Finances 2022, la commission ECOFIN du Parlement avait demandé que ce système soit mis en place au taux zéro, c'est-à-dire sans paiement d'aucun frais par les entreprises ou les consommateurs.

Aussi, pendant que le dossier est toujours en attente de la décision finale du Conseil d'Etat, on avait fait signé au Ministre des Finances, le 26 novembre 2021, un autre arrêté qui a abrogé celui pris en 2020 alors que l'article 151 de la Constitution sépare le pouvoir législatif et exécutif. Le Ministre ne peut pas statuer sur un différend en cours au niveau de la justice.

C'est étonnant que le Gouvernement s'oppose à la recommandation de l'autorité budgétaire jusqu'à ce jour, a-t-il dit.

Si nous payons cet argent, il ne partira jamais dans la caisse de l'Etat mais plutôt dans le compte du partenaire de la DGDA. Seuls les revenus issus des droits d'accises vont dans la caisse du Trésor et figurent dans le budget et non la rémunération de ce prestataire.

C'est quoi la plus grande conséquence de la perception du timbre fiscal comme recette?

Leny Ilondo : C'est avant tout l'augmentation des prix. Si on impose le timbre fiscal, les produits vont coûter plus chers et les consommateurs ne sauront plus les acheter. Les ventes des entreprises vont baisser également et la production locale va diminuer. Les revenus de l'Etat vont diminuer aussi. Est-ce une bonne chose ! 

Avec ce système par exemple, si la DGDA impose ces signes, une bouteille d'eau minérale produite localement va coûter plus cher qu'une bouteille d'eau importée.

Les droits d'accises sont fixés par la Loi mais le timbre fiscal ne peut jamais être facturé car il s'agit d'une preuve de paiement. Il revient à la DGDA de payer son prestataire SICPA TRACE et non faire payer aux entreprises les frais des timbres fiscaux. Lorsqu'on a déjà payé la DGDA, les droits d'accises, on ne peut plus payer le timbre fiscal.

Le Gouvernement a suspendu temporairement la perception de la TVA sur certains produits de première nécessité. Est-ce suffisant comme avantage fiscal pour permettre une bonne respiration de l'économie congolaise face aux secousses de la guerre Russo-Ukrainienne?

Leny Ilondo : Le Gouvernement doit accorder des avantages fiscaux aux entreprises pour leur permettre de bien fonctionner afin de stabiliser les prix sur les marchés. Le gouvernement a pris juste la mesure de la suppression de la TVA. Cela n'est pas suffisant. Il faut avoir une approche beaucoup plus globale pour prendre des mesures dans l'optique d'atténuer la structure des prix et évaluer les impacts. N'oubliez pas que nous sommes un pays qui est plus importateur que producteur.

Le pays doit investir en capital suffisant pour augmenter la production afin d'impacter sur la structure des prix des produits. Plus il y a des producteurs au pays, plus les prix auront tendance à baisser mais il faut également que les importations des matières premières baissent pour atténuer la tension sur notre économie.

Notons également que le Président de la Commission Nationale Industrie de la FEC a fustigé le fait que le Gouvernement impose plusieurs taxes et timbres pour marquer les produits. Il y a le Ministre des Finances, celui de l'Industrie, du Numérique tout comme la ville de Kinshasa. La multitude des signes qui seront mis sur une seule bouteille ne permettront même pas de voir le nom du produit, son label. Il faut une cohérence de la part du Gouvernement en fusionnant toutes ces initiatives pour mettre en place un système unique, a-t-il martelé. 

Il s'est, par ailleurs, dit prêt pour un débat public entre la FEC, le Ministère des Finances et la DGDA autour de ce dossier.

Il est resté optimiste pour la promesse du Premier Ministre, Sama Lukonde, de convoquer les concertations entre toutes les parties en vue de trouver une solution à ce problème.

Propos recueillis par Jordan MAYENIKINI