Feminicides en RDC : ce qu'en pense le sociologue Gauthier Musenge Mwanza

Photo/ Droits tiers
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Charline Kitoko Safi, Anne Marie Buroho, Jacqueline Mwankani... Ces femmes ont perdus la vie suite aux coups qui leurs ont été assénés par leurs époux. Les faits se sont déroulés au courant du mois de janvier. Comment expliquer ce regain de violences conjugales?  Que faire pour éviter que ces drames ne se reproduisent,  éléments de réponses avec le sociologue Gauthier Musenge Mwanza. 

" Il faudrait en premier lieu se demander s'il s'agit, pour tous ces cas, d'une union reconnue par l'Etat congolais. Je parle d'un mariage officiel (qui se passe devant l'officier de l'État civil, qui a un régime matrimonial). Pour ce qui est des unions libres, il est difficile de déterminer qu'il s'agit d'une violence conjugale dans le contexte congolais. Car, il s'agit des relations occasionnelles, il n’y a ni engagements, ni vœux, les gens s'y mettent et s'en détachent librement ", précise-t-il. 

Et de renchérir, " En ce qui concerne les époux, ils ont signé un pacte, celui de se supporter dans le bonheur comme dans le malheur. Ils acceptent au même moment de se rendre disponibles et de respecter leur engagement « sur le plan sexuel ». Mais il arrive que la femme, pour des raisons financières, matérielles ou par simples caprices, refuse d'avoir des rapports sexuels avec son partenaire. C'est vrai qu'il existe plusieurs autres formes de violences. Mais, ce refus est aussi une forme de violence vis-à-vis de l'homme. Même si cela ne justifie en rien le fait qu'un homme puisse ôter la vie à sa conjointe ".

Une confrontation entre Ego masculin et intransigeance des activistes ? 

L'autre particularité de ces violences est que l'une d'entre elles implique une activiste des droits humains. Pour expliquer cette réalité, le sociologue aborde la question de l'égo masculin et  celle de l'intransigeance des activistes.

"Les femmes activistes des droits humains sont parfois jugées très exigeantes, je dirais parfois intransigeantes, dans le respect des droits qui leur sont dus et même dans la compréhension de ces droits. Mais, l'homme a aussi un égo naturel qu'il voudrait privilégier ou imposer. L'incompréhension peut être née à ce stade et la dispute a dégénéré " souligne le sociologue. 

Trois cas de féminicide pour le seul mois de janvier, cette période est également soulevée et analysée par M. Gauthier Musenge.   " Janvier est un mois des festivités. Au cours de cette période, les sollicitations sexuelles sont très fréquentes à cause de l'ambiance qu'entraînent les fêtes. Les 4, 16, 17 èmes jours de ce mois sont également des jours fériés, ce qui augmente la fréquence des rapports sexuels. C'est aussi le mois de l'augmentation des dépenses pour l'achat des cadeaux et des vivres, (...) ces éléments peuvent justifier ces cas de violences", avance-t-il. 

Des recommandations 

Deux cas sur trois impliquent des officiers militaires. En mai 2021, un militaire a tué par balle une jeune femme qui a décliné ses avances à Djugu (Ituri). Au cours du même mois à Beni, un autre militaire avait tué ses deux enfants et sa femme avant de se donner la mort par balles. Gauthier Musenge estime que les cas impliquant l’armée se multiplient. Pour y mettre fin, il donne quelques recommandations. 

Relire : https://actualite.cd/index.php/2021/05/13/beni-un-militaire-tue-trois-membres-de-sa-famille-avant-de-se-donner-la-mort

"Étant donné que ces cas deviennent fréquents, il va falloir que les responsables de l'armée sensibilisent les officiers à la lutte contre les violences conjugales et sur les objectifs assignés aux militaires dans l’usage des armes mis à leur disposition. Il faut aussi que des moments de causeries familiales soient créés entre hommes en uniformes, accompagnés de leurs partenaires pour développer une culture de paix au sein de leur foyer", suggère-t-il. 

À l'Etat congolais, le sociologue propose de se conformer à la loi congolaise pour juger les auteurs de ces actes. "Le cadre juridique congolais statue sur les coups et blessures, le meurtre et quelques autres infractions. Mais, il n'aborde pas spécifiquement certaines violences telles que les autres formes de violence conjugale. En dehors de cela, l'État doit mener des campagnes de sensibilisation sur l'impact des violences conjugales sur le partenaire, la famille et la communauté".

Prisca Lokale