Sur les périlleuses mais excitantes pistes de Kibumba: à la découverte de la famille de Bageni, l’imposant gorille de montagne du Parc national des Virunga - épisode 4

Parc des Virunga, Kibumba, secteur des gorilles
Parc des Virunga, Kibumba, secteur des gorilles

Les pas deviennent pesants, le souffle court et les conversations rares. Deux heures déjà que nous marchons dans cette forêt à Gugo Zamiyaho dans le secteur de Kibumba avec les écogardes du Parc National des Virunga. Les voies ne sont pas toutes taillées, les traces laissées par ces gorilles de montagne sont parmi les précieux repères. Plantes vénéneuses, fourmis rouges et risques de chute sur des parfois glissantes pistes rendent à ce parcours sa saveur d’aventure. 

Katoto Jacques est chargé du monitoring au PNVi. En clair, il suit régulièrement les gorilles de montagne. Il fait ce travail tous les jours. Il répartit ses hommes en groupe de dix pour suivre les dix familles de ces gorilles dans la zone.

« On a fait deux heures, mais parfois on fait toute une journée. C’est notre travail », dit-il le sourire aux lèvres. 

Nous allons visiter la famille Bageni composée de 44 individus. Nous avons de la chance. La communauté s’est agrandie cette nuit avec une nouvelle naissance.  L’heureuse maman s’appelle Shukuru. Elle a donné naissance à son premier bébé mâle. ⁠Shukuru avait migré de la famille Wilungula en mai 2019. Aujourd’hui, elle est parmi les nombreuses femmes de Bageni.

 « C’est une grande joie. Cela prouve que nos efforts paient. C’est le fruit de notre travail au quotidien. Nous faisons un des plus beaux métiers au monde en conservant cette espèce », explique Katoto.

Les écogardes sont présents dans le Parc des Virunga pour assurer la sécurité des hommes et des bêtes
Les écogardes sont présents dans le Parc des Virunga pour assurer la sécurité des hommes et des bêtes 

On marche encore. Rivières traversées, obstacles contournés, la sueur perle. Le point de chute n’est plus loin, mais les corps répondent à peine. Les chants d’oiseaux nous accompagnent, les écogardes aussi. Ils sont gentils. Ils rigolent, mais ils sont extrêmement prudents. Ils veulent que tout se passe bien. Ils sont armés. Leur mission, c’est de nous protéger. Oui, nous protéger contre les milices ou d’autres personnes qui exercent des activités illégales sur les terres du parc. 

Encore quelques kilomètres. Le bout du tunnel. Ils sont là. Les plus petits grimpent dans les arbres et les moins jeunes font la sieste.

Cette famille est impressionnante. Elle est composée notamment de 3 dos argentés, 15 adultes et 12 bébés. Le mâle dominant Bageni est le frère de la célèbre Ndakasi dont le selfie a fait le tour du monde. Leur maman avait été tuée par des braconniers. Ndakasi est morte à 14 ans à la suite d’une maladie. De son côté, Bageni a fondé sa propre famille. Ce matin, ce mâle dominant est particulièrement tendu. Il protège le nouveau-né et la maman.  

« Quand on est avec les touristes, le mâle dominant est toujours vigilant. Il protège sa famille. S’il constate que quelqu’un dans le groupe a peur, il aura tendance à venir l’intimider. Quand c’est comme ça, le guide doit avoir le bon réflexe », prévient Katoto. 

Bageni est aidé dans sa mission de papa-protecteur par Katoto:  « Nous faisons au quotidien un suivi régulier. Nous devons nous rassurer que la maman est observée chaque jour. Ce n’est qu’après mois qu’on pourra se dire que le pire ne pourra probablement pas arriver ».

Bageni et sa famille font partie de 225 gorilles habitués à la présence humaine (sur les plus de 350 individus qu’on retrouve en RDC) , une vraie aubaine pour le parc et une chance pour les touristes:  « Il faut environ deux ans pour habituer une famille de gorilles. C’est un travail difficile. Il faut beaucoup d’effort. Parfois on se fait mordre ». 

Les bébés gorilles sur les arbres dans le Parc des Virunga
Les bébés gorilles sur les arbres dans le Parc des Virunga 

Nous ajustons nos masques. La consigne doit être respectée par tous: « il faut absolument éviter les contaminations entre l'homme et l'animal ».

Katoto a du travail: « Les défis, il y en a beaucoup. Nous craignons par exemple que les bébés gorilles tombent dans des pièges. Nous faisons des patrouilles dans ce sens ». 

Les photos sont prises. Les yeux sont rassasiés et les souvenirs se gravent déjà dans nos mémoires. La visite est terminée et nous devons quitter Bageni et sa famille. 

« Nous ne tolérons qu’une heure de visite par famille et le nombre de visiteurs ne peut dépasser six personnes. Aussi chaque famille ne peut être visitée qu’une seule fois par jour », explique Katoto. 

Cette zone est soigneusement gardée par les écogardes: « Le secteur Mikeno garde encore ses limites. Il n’y a pas d’occupation illégale des activités humaines. Les limites sont renforcées par une clôture électrique », explique pour sa part Méthode Uhoze, spécialiste de la démarcation du parc national des Virunga (PNVi).

Gorille de montagne, famille Bageni
Gorille de montagne, famille Bageni

Ces gorilles de montagne constituent la première attraction touristique du PNVi. Les touristes viennent de partout. Certains préfèrent passer la nuit au Campement de Kibumba, site féerique qui donne à voir la vallée des volcans. La vue sur le mont Mikeno ou sur les volcans Karisimbi, Nyiragongo et Nyamulagira est impressionnante. 

Pour accroître la population de gorilles de montagne, il faut notamment préserver leur habitat naturel. C’est le grand défi du PNVi. La gestion de ce parc est délicate entre la pauvreté de la population locale et la présence des groupes armés. Elle nécessite une implication de la communauté, de la société civile, du secteur privé et de l’Etat. D’où la mise en place de l’alliance Virunga qui fera l’objet d’un autre article de cette série.

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