Le 20 septembre, 23h40. Le journaliste Sosthène Kambidi, correspondant d’actualité.cd et d’AFP au Kasaï, est arrêté par des militaires en civil, à son hôtel à Kinshasa, la veille de son retour à Kananga. Le lendemain, on découvre qu’il est détenu par l’auditorat militaire à Kinshasa, sans avocat, dans le cadre de l’enquête sur la mort des experts des Nations unies tués au Kasaï en mars 2017, lors de l’insurrection dite « Kamuina Nsapu ». Pourquoi avoir arrêté ce journaliste qui a tant contribué à l’établissement de la vérité dans le double assassinat des experts et à la compréhension des violences survenues au Kasaï en 2016 et 2017 ?
Bonjour ! Je m’appelle Joshua Walker--je suis le directeur de programme du Groupe d’étude sur le Congo, centre de recherche basé à l’Université de New York. Nous sommes le vendredi 1er octobre. Vous écoutez le 33e épisode de Po na GEC, notre capsule audio qui tente d’éclairer les sujets d’actualité en RDC.
En effet, Sosthène Kambidi, depuis son arrestation la semaine passée, a été auditionné deux fois, dont la deuxième séance a fini à 1h30 du matin, par les magistrats de l’auditorat militaire et les représentants du mécanisme de suivi mis en place par les Nations Unies pour assister la justice militaire dans le cadre de ce procès. Privé de ses téléphones et de son ordinateur portable, coupé de tout contact avec sa famille, Sosthène Kambidi est détenu pendant 36h avant d’être autorisé à être assisté par un avocat. Il est inculpé et mis sous mandat d’arrêt le vendredi 24 septembre. Le mardi 28 septembre, il est transféré à Kananga. À son arrivée, il y a une certaine confusion sur son statut puisqu’il est aussi renseignant aux yeux de la cour militaire. Son avocat sollicite par écrit la copie de son dossier et la clarification sur son statut le même jour. Son client est finalement entendu ce jeudi 30 septembre comme simple témoin.
Quatre ans après la mort des experts de l’ONU, le procès sur leur meurtre à la cour militaire de l'ex-Kasaï Occidental tarde à se clôturer. L’instruction se poursuit avec l’assistance du mécanisme de l’ONU. Le contenu de cette enquête, qui se déroule en parallèle avec le procès, est inconnu. Mais avec l’arrestation du journaliste Sosthène Kambidi, l’une des pistes suivies a été révélée. Cette instruction s’intéresse à la vidéo du meurtre et ceux qui ont pu y avoir accès. Quatre ans après les faits, ce sont des journalistes qui ont été les premiers visés, accusés d’avoir tenté de marchander la vidéo par une des autorités locales. En plus de Sosthène Kambidi, un autre journaliste, Israël Ntumba, arrêté depuis juillet, à Kinshasa, est lui aussi transféré à Kananga depuis le début de semaine. Mais il n’a jamais pu être confronté à son accusateur.
Sous la menace d’une accusation de terrorisme, ces journalistes ont été contraints de révéler leurs sources. Parmi elles, l’avocat Prospère Kamalu arrêté ce lundi 27 septembre alors qu’il s’était présenté spontanément. La détention de tous ces individus et les conditions dans lesquelles ils ont été auditionnés soulèvent des questions sérieuses sur le respect des procédures par la justice militaire et sur l’implication du mécanisme de suivi des Nations Unies dans ses auditions. En réponse aux critiques, un porte-parole du secrétaire général de l’ONU a assuré que toutes les procédures avaient été respectées.
L’autre question posée par l’arrestation du journaliste Sosthène Kambidi et les récents développements autour du procès sur le meurtre de Michael Sharp et Zaïda Catalan, c’est l’absence de justice pour les milliers de Kasaïens qui ont souffert en 2016 et 2017 pendant la rébellion dite « Kamuina Nsapu ». Si le procès des assassins présumés de deux experts étrangers piétine, des milliers de victimes congolaises attendent, elles, l’ouverture des procès. Dans un communiqué de presse publié le 16 septembre, l’Association des victimes du Grand Kasaï a marqué sa défiance envers la justice militaire congolaise : elle annonce avoir déposé une plainte auprès du bureau du procureur de la Cour pénale internationale. De surcroît, elle cite des autorités politico-militaires de l’époque, jusqu’au point de tenir comme responsable l’ancien chef de l’État, Joseph Kabila.
Jusqu’à quand les victimes au Kasaï devront-elles attendre pour obtenir justice ?
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