Rwanda: prison à vie requise contre le héros du film "Hôtel Rwanda"

Paul Rusesabagina, président du Mouvement rwandais pour le changement démocratique (MRCD) lors d'une conférence de presse, le 18 juin 2019 à Bruxelles/AFP

La prison à vie a été requise contre Paul Rusesabagina, héros du film "Hôtel Rwanda" jugé depuis mi-février pour "terrorisme" à Kigali dans un procès qualifié de politique par la défense et la famille de cet opposant au président Paul Kagame.

Paul Rusesabagina a été rendu célèbre par ce film hollywoodien sorti en 2004, qui raconte comment l'ancien directeur de l'hôtel des Mille Collines à Kigali, un Hutu modéré, a sauvé plus de 1.000 personnes au cours du génocide de 1994 qui a fait 800.000 morts, principalement des Tutsi.

Féroce critique du régime du président Paul Kagame, il est aujourd'hui visé par neuf chefs d'accusation, dont celui de terrorisme, pour son soutien présumé au Front de libération nationale (FLN), groupe rebelle accusé d'avoir mené ces dernières années des attaques meurtrières au Rwanda. Il est jugé avec 20 autres co-accusés.

Aujourd'hui âgé de 67 ans, M. Rusesabagina a participé à la fondation en 2017 du Mouvement rwandais pour le changement démocratique (MRCD), dont le FLN est considéré comme le bras armé. Mais il a toujours nié son implication dans des attaques menées en 2018 et 2019, qui ont fait neuf morts.

"Nous avons vu que chaque acte de Rusesabagina était de nature criminelle, avec l'intention de commettre des actes de terrorisme", a déclaré l'un des procureurs, Jean Pierre Habarurema, lors de l'audience jeudi. "En tant que dirigeant, soutien et partisan du MRCD/FLN, il a encouragé et permis aux combattants de commettre ces actes terroristes contre le Rwanda. Même s'il n'a pas participé activement à ces attentats, il est considéré comme ayant joué un rôle simplement en étant un soutien de ces combattants".

"Il était le président du MRCD/FLN lorsqu'ils ont attaqué et tué des gens à Nyaruguru en 2019, la personne qui a donné les ordres", a affirmé un autre des procureurs, Bonaventure Ruberwa.

- "Prisonnier politique" -

Les quatre mois de procès ont vu des témoignages contradictoires sur les responsabilités de M. Rusesabagina.

Un de ses co-accusés, l'ancien responsable et porte-parole du FLN Herman Nsengimana, a déclaré qu'il n'a "pas donné d'ordres aux combattants du FLN". Auparavant, un autre, Callixte Nsabimana, avait, lui, affirmé que tous les ordres venaient de M. Rusesabagina.

Paul Rusesabagina et ses avocats n'assistent plus aux audiences depuis le mois de mars, jugeant que ses droits à la défense ont été bafoués et qu'il est victime de mauvais traitements.

"Le gouvernement rwandais n'a présenté aucune preuve" de son implication dans les attaques du FLN durant ce procès, qui a été une "farce du début à la fin", a réagi jeudi la porte-parole de la Fondation Hotel Rwanda, Kitty Kurth, dans un communiqué fustigeant "un spectacle mis en place par le gouvernement rwandais pour faire taire un critique et refroidir toute dissidence future".

"Mon père Paul Rusesabagina est un prisonnier politique. Il est visé par des accusations inventées et ZERO preuve contre lui ont été présentées devant le tribunal", a affirmé sa fille Carine Kanimba sur Twitter: "Il a été kidnappé, torturé et privé de tous ses droits humains. Paul Kagame veut le faire taire - ça ne marchera pas".

Les soutiens de M. Rusesabagina accusent le régime rwandais de l'avoir fait enlever. 

Paul Rusesabagina vivait en exil depuis 1996 aux Etats-Unis et en Belgique, pays dont il a obtenu la nationalité. Il a été arrêté fin août au Rwanda dans des circonstances troubles, à la descente d'un avion qu'il pensait être à destination du Burundi.

Dans une interview à la chaîne Al-Jazeera fin février, le ministre rwandais de la Justice avait indiqué que le gouvernement avait financé l'opération.

Ce procès a suscité de nombreuses réactions internationales: les Etats-Unis, qui ont décerné à Paul Rusesabagina la médaille présidentielle de la liberté en 2005, ont demandé un procès équitable et le Parlement européen a réclamé sa libération. 

La ministre belge des Affaires étrangères, Sophie Wilmès, a appelé fin avril à "un procès juste, équitable et transparent" pour son ressortissant, faisant part de ses "inquiétudes quant au fait que M. Rusesabagina n’ait manifestement pas été en mesure de préparer correctement sa défense".

ACTUALITE.CD avec AFP