A l’occasion de la fête de l’Europe célébrée dimanche à Kinshasa, Jean-Marc Châtaigner, ambassadeur de l’Union européenne en poste à Kinshasa, a réservé une bonne partie de son allocution à la situation dans l’Est de la RDC.
Il a rappelé notamment les assassinats au début de février près de Goma de l’ambassadeur d’Italie Luca Attanasio et de ses deux accompagnateurs, son garde du corps Vittorio Iacovacci et son chauffeur Congolais du Programme alimentaire mondial, Mustapha Milambo.
« Luca était un collègue, un ami, marié à une femme époustouflante, Zakia, père de trois petites filles adorables. Je ne t’oublierai jamais mon ami Luca, ton sourire, ta conviction, ton enthousiasme au service de l’amitié entre l’Italie et la République démocratique du Congo, ton implication avec Zakia au service des plus démunis, des enfants pauvres et des orphelins de Kinshasa », a t-il dit.
Une minute de silence a été observée en mémoire de toutes les victimes des violences meurtrières dans les provinces de l’Est du pays.
« Le retour à la paix durable, préalable indispensable au développement et à l’amélioration des conditions de vie des populations, doit être, plus que jamais, notre priorité absolue ».
Il s’est également étendu sur la complexité de la situation dans cette partie du pays.
« Contrairement aux commentaires hâtifs, les « yakafokon », je crois qu’on dit ici les « bilobaloba », qui fourmillent dans les réseaux sociaux, il n’existe pas de solution simple et rapide, il n’existe pas de baguette magique pour éliminer le système de conflit qui s’est établi et enraciné depuis un quart de siècle. Cette situation complexe est caractérisée notamment par des discours de haine et de stigmatisation, par la brutalisation des communautés qui crée un habitus de violence, par l’ampleur des violences sexuelles et l’utilisation – horrible - du viol comme « arme de guerre » (si justement dénoncées par le Prix Nobel de la Paix, le Dr Mukwege) », a t-il souligné.
Cette situation, a t-il poursuivi, est aussi caractérisée par le dangereux recours aux milices d’autodéfense, l’installation d’intérêts politico-mafieux qui profitent de l’affaiblissement de l’Etat pour piller les ressources naturelles. Pour lui, la complexité de cette situation appelle donc une réponse intégrée, globale et coordonnée du Gouvernement et des autorités nationales, de tous les partenaires internationaux et, last but not least, des pays voisins.
Jean-Marc Châtaigner a proposé également quelques pistes.
« Nous devons mieux conjuguer nos actions nationales et internationales, militaires et civiles, et tous nos instruments d’intervention pour éradiquer l’économie de guerre, redonner confiance aux communautés, rendre justice pour tous les crimes commis, prévenir les conflits fonciers et pastoraux, et donner l’opportunité aux combattants de renoncer aux armes et se réinsérer dans la vie civile, pour autant qu’ils n’aient pas commis de crimes de guerre ».
L’UE a pris acte de la décision souveraine de la République démocratique du Congo de promulguer l’état de siège dans les deux provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu. La déclaration de l'état de siège s'est fait accompagner notamment d'une nouvelle mise en place au sein de l'armée avec la nomination de nouveaux commandants.
« L’état de siège ne portera ses fruits que s’il respecte les règles fondamentales du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’Homme. Il doit aussi être une occasion décisive de renforcer la synergie de nos approches politique, de sécurité et de développement », a ajouté Jean-Marc Châtaigner.