Affaire plaque au Nord-Kivu : « sur les 25 Usd, seuls environ 10 reviennent au gouvernement... Nous devons continuer à nous battre pour que le prix puisse baisser (député Promesse Matofali)

Photo ACTUALITE.CD.

Vendredi 8 janvier 2021, la tension était vive dans les trois villes du Nord-Kivu (Goma, Butembo et Beni). L'on a assisté à des heurts entre des forces de sécurité et des conducteurs de moto, essentiellement des taxi-motos qui s'opposent au paiement des plaques minéralogiques exigées par le gouvernement provincial aux détendeurs de Moto. En instituant cette taxe, le gouvernement provincial dit vouloir lutter contre la criminalité, en identifiant les détenteurs de motos, mais aussi mobiliser les recettes.  Mais les taxi-motos jugent le prix de cette pièce trop cher et le moment de son recouvrement, inopportun, au vu de la situation de "guerre, insécurité et de la maladie liée au coronavirus" qui les affecte. Le député provincial Promesse Matofali suit la question. Cet élu de Butembo juge l’opération légale, mais critique le prix ainsi que le contexte de son recouvrement. Il a initié une question écrite adressée au ministre provincial de finances pour exiger plus d'éclaircissements. Interview.

Le week-end dernier, les villes du Nord-Kivu ont connu des tensions suite à l'opération de blocage des  motos qui ne détiennent pas de plaque. D'après vous, qu'est-ce qui fait que l'État peine à convaincre ses citoyens à se doter de ces pièces ?

Nous avons tous suivi ce qui s'est passé au Nord-Kivu, par rapport au recouvrement forcé de la plaque pour moto. Cette plaque est, d'abord, une obligation, parce que c'est contenu dans la loi, pour tout détenteur de moto. Malheureusement, la façon de la recouvrer a  été mal faite. Mais aussi, il y a des circonstances, notamment les massacres de Beni, l'insécurité presque partout dans les villes, également la présence de la maladie liée au coronavirus qui ne facilitent pas aux populations de se procurer la plaque fixée à 25 dollars.

25 Usd, une plaque. Les détenteurs de motos jugent le prix trop cher. Comment êtes-vous parvenu à voter cela sans vous rendre compte que vos électeurs ne sauront pas se la procurer ?

Cette plaque était d'abord, dans le temps, délivrée par la Direction générale des impôts (DGI) entre 50 et 75 dollars américains. Puis, le gouvernement a rétrocédé la plaque moto aux provinces. C'est ainsi que, pour ce qui est du Nord-Kivu, la législature passée a budgétisé la plaque d'immatriculation pour moto à 40 dollars. Pendant la campagne électorale, les conducteurs de moto taxi (de Butembo, Ndlr), m'ont demandé qu'on puisse revoir à la baisse le prix de la plaque d'immatriculation pour moto, mais aussi celui de l'attestation tenant lieu de permis de conduire, parce qu'en dehors de ces 15 usd de permis, il y a aussi des frais connexes fixés par le service de transcom (transport et voies de communication, Ndlr). Ce qui rend difficile le recouvrement. Une fois à Goma, nous nous sommes battus, pour la réduction du prix de la plaque mais aussi celui du permis. Nous voulions que la plaque soit à 20 dollars, et l'attestation tenant lieu de permis de conduire soit à 10 usd. Ça n'a pas été possible, et on s'est plutôt arrêté à 25 Usd pour la plaque d'immatriculation, et 15 le permis. Nous nous battons pour que  la volonté de la population puisse primer, mais tout se fait par vote. Vous pouvez avoir une proposition, par exemple de 20 usd la plaque, mais si ça ne passe pas, ça tombe. Mais cela ne nous empêche pas de continuer à plaider pour la réduction du prix. De 40 à 25, il y a un pas, mais nous voudrions aller en dessous de cela. Au niveau de l'Ouganda voisin, la plaque pour moto c'est 10 dollars, pourquoi pas ici?

Certaines sources indiquent que sur les 25 USD de l'achat de la plaque, seuls 10 reviennent au gouvernement provincial. Êtes-vous au courant de ces allégations ?

Le gouvernement provincial a fait un partenariat public privé quant à la production de la plaque pour moto. D'après nos informations, la production de la plaque coûterait entre 10 et 12 dollars. Et que le privé qui produit la plaque gagne entre 3 et 5 dollars. Donc le gouvernement provincial, dans le cadre de la sensibilisation et mobilisation (de recettes), prend 10 dollars, notamment entre 1 et 2 qu'il affecte dans la sensibilisation et mobilisation, et ce qui lui revient de droit, c'est 8 dollars. Voilà pourquoi nous pensons que le coût global est encore cher. Nous devons continuer à nous battre pour que le prix puisse baisser sensiblement. Nous allons continuer à nous battre pour que la population ne soit pas exploitée dans la production de plaques.

Au-delà de se doter des moyens pour sa politique, le gouvernement provincial dit vouloir lutter contre la criminalité, en identifiant les conducteurs ou détendeurs de motos. Ne faut-il pas soutenir cette action ?

Au-delà de la dotation de moyens, à la province, la plaque d'immatriculation facilite aussi l'identification. Oui, c'est sûr. Mais l'identification peut aussi se faire d'une manière gratuite, puisque ce n'est pas dit que pour identifier une moto on doit payer quelque chose. Non.  Aussi, pour exiger l'achat de plaque, vous devez vous assurer que la plaque est là. Nous avons appris aussi qu'en ce moment, il y a carence de plaques sur terrain. On ne doit pas exiger l'achat d'une plaque qui n'existe pas. Ça non.

Entretemps, la campagne fiscale n'est pas annulée. Qui doit faire quoi pour que tout se passe dans le calme ?

Je viens d'initier une question écrite au ministre provincial de finances pour expliquer ce qui se passe, pourquoi est-il passé au recouvrement forcé ? Est-ce que la sensibilisation s'est réellement passée ? Comment ? Nous allons aussi demander qui va payer le pot cassé : parce qu'il y a eu mort d'homme à Butembo, il y a eu des motos endommagées, des motos confisquées. Il faut qu'on sache comment cela va être réglé, parce que ça ne doit pas se faire comme ça. La demande pour que la population puisse se doter de plaques, n'est pas une guerre. On ne devrait pas déployer autant de policiers pour demander à la population de payer une plaque. Nous allons continuer à suivre jusqu'à ce que nous ayons gain de cause.

Propos recueillis par Claude Sengenya