RDC : Obtenir réparation pour les préjudices subis, un parcours du combattant pour les victimes

Palais de justice/Ituri

AVOCATS SANS FRONTIERES, TRIAL INTERNATIONAL ET RCN JUSTICE ET DEMOCRATIE POUR UNE REFORME DE LA PROCEDURE D’EXECUTION DES JUGEMENTS ET ARRETS ORDONNANT DES REPARATIONS EN FAVEUR DES VICTIMES DES CRIMES DE MASSE  COMMIS EN RDC

Environ 52 dossiers ont été tranchés par les juridictions congolaises, essentiellement militaires entre 2005 et 2020. L’Etat congolais a été condamné dans 38 jugements, tous niveaux de juridictions confondus, au paiement des dommages-intérêts en solidarité avec les autres condamnés, essentiellement militaire des FARDC… Les réparations ordonnées par ces jugements ne sont pas exécutées. C’est ce que révèle l’étude « L’urgence pour la RDC de solder sa dette envers les victimes de crime de masse et revoir sa politique de réparation » réalisée par Avocat sans Frontière Belgique, TRIAL International et RCN Justice et Démocratie ».

A ce jour, seul l’arrêt  rendu dans l’affaire Songo Mboyo Cour Militaire de l’Equateur (7 juin 2006, RPA 014/2006) où l’Etat congolais a été reconnu civilement responsable et solidairement condamné, avec 7 membres des FARDC, au paiement des dommages-intérêts de 165 317 USD au profit de 33 parties civiles.

Un autre jugement rendu et confirmé au degré d’appel dans l’affaire MULENGE/LEMERA dans le Sud Kivu en 2010 a condamné cinq soldats des FARDC et l’Etat congolais, civilement responsable au paiement des dommages-intérêts de 50.000 USD à chacune des sept femmes victimes de crime contre l’humanité par viol ; les victimes, par le biais de leurs avocats ont  suivies  toute la procédure d’exécution mais la réparation tarde à venir plus de 9 ans après renseignent certaines sources.

Les causes de l’inexécution systématique de l’Etat congolais sont selon les ONG, auteurs de l’étude, la complexité et le coût de la procédure de réparation, mais aussi  le manque de volonté politique et l’insuffisance des ressources.

OBTENIR REPARATION DES PREJUDICES SUBIS, UN VERITABLE CHEMIN DE CROIX POUR LES VICTIMES !

Il n’est pas du tout aisé d’obtenir réparation pour les préjudices subis par les victimes des crimes de masse en RDC comme en témoigne Maître Sylvestre BISIMWA, avocat au barreau du Sud Kivu et l’un des avocats des victimes dans l’affaire MULENGE ayant mené la procédure d’exécution des réparations jusqu’au bout sans obtenir gain de cause.

Dans une interview nous accordée, Me BISIMWA revient sur les préalables avant de parler de la procédure de réparation proprement dite : « il nous a fallu d’abord signifier à l’état sa condamnation au 1er degré tout comme au second degré en solidarité avec les prévenus au paiement de 50.000 $ à chaque victime, pour qu’il n’en prétexte ignorance. Nous avons par la suite respecté les délais de recours prévus par la loi  étant donné que l’état n’était pas partie au procès ; nous avons obtenu le certificat de non pourvoi en cassation, un document qui montre que les décisions obtenues sont définitives et inattaquables, l’état congolais n’ayant pas fait de pourvoi (recours) » ; nous avons par la suite initie la procédure d’exécution « en saisissant la direction des contentieux du ministère de la justice, une requête a été adressée à ce bureau pour déclencher la procédure de paiement et plusieurs démarches ont été menées à ce niveau pour amener l’Etat à s’acquitter des sommes dues aux victimes. Bref nous avons suivi toute la procédure requise en droit congolais, mais contre toute attente l’Etat congolais ne s’acquitte pas de ses obligations » s’indigne me BISIMWA qui estime que l’Etat n’a pas encore levé l’option de s’inscrire dans la phase de réparation.

 Pour lui tout comme pour les victimes qu’il représente, il est impérieux que la RDC revoie sa politique de réparation pour qu’enfin les victimes recouvrent leurs droits, un avis qu’épousent Avocats Sans frontières Belgique, TRIAL International et RCN Justice et Démocratie. Dans l’étude réalisée par ces 3 organisations engagées dans la promotion et la défense des droits humains dénommée  « L’urgence pour la RDC de solder sa dette envers les victimes de crime de masse et revoir sa politique de réparation  »,   un état de lieux des réparations ordonnées par les juridictions nationales est dressé, la procédure de réparation telle prévue en droit congolais est décrite et des recommandations sont formulées notamment au Ministère de la justice, au législateur, au Conseil supérieur de la magistrature et aux autres organisations accompagnant les victimes de crimes de masse dans le seul objectif de permettre aux victimes de crimes de masse de rentrer effectivement dans leur droit à la réparation.

ET SI LA RDC OPTAIT POUR  D’AUTRES FORMES DE REPARATION ET POUR UN FONDS AU PROFIT DES VICTIMES DEJA EXPERIMENTE PAR LA CPI

Approché, le Bureau de la Cour Pénale Internationale à Kinshasa nous a parlé de l’expérience de la Cour Pénale Internationale en la matière tout en précisant que la Cour ne fait pas de recommandations sur la manière dont les Etats doivent conduire les procédures nationales en matière de réparation.  « Les Etats peuvent s’ils le souhaitent, s’inspirer des dispositions du statut de Rome concernant les réparations et de la pratique devant la CPI. C’est le cas par exemple du fonds au profit des victimes. La mission de ce fonds consiste à appuyer et mettre en œuvre des programmes qui prennent en charge les préjudices découlant du crime de génocide, des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et crimes d’agression. Il est chargé de mettre en œuvre les ordonnances de réparation par la cour et fournir aux victimes et à leur famille un appui physique, psychologique et matériel ». A confié Patrick TSHIBUYI, responsable de la sensibilisation au bureau pays RDC de la Cour pénale internationale.

Rappelons que c’est dans les toutes prochaines heures que l’étude «L’urgence pour la RDC de solder sa dette envers les victimes de crime de masse et revoir sa politique de réparation » sera publiée.

Rosy MUTELA