Journée internationale de la femme rurale : focus sur les héroïnes de la sécurité alimentaire à Kinshasa !

Journée internationale de la femme rurale :  focus sur les héroïnes de la sécurité alimentaire à Kinshasa !

Elles sont des centaines à travailler dans les champs, à  nourrir des familles, mais surtout, elles luttent contre l’insécurité alimentaire dans la capitale kinoise. Ce 15 octobre, la rédaction Femme de Actualite.CD est allée à la rencontre de Lucie, Hélène, Christine, Alphonsine et Adeline, cinq maraichères.

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Des bottes, une robe en pagne aux couleurs presque ternies, un filet sur la tête, Lucie Elonga est une sexagénaire. Cela va pratiquement faire dix neuf ans qu'elle tient une plantation des légumes dans l’enceinte de l’école primaire Saint Pierre à Kinshasa. « Cette terre nous a été confiée par le vicaire de la paroisse Saint Pierre. J’y plante des légumes  dont la pousse ne prend pas beaucoup de temps. Pour une terre bien préparée, trois jours suffisent pour que mes graines donnent des feuilles. Après deux semaines, je peux les cueillir et les vendre à mes clients,» explique Lucie.

« Nous n’utilisons pas d’engrais chimiques »

A défaut du fumier, les femmes utilisent des déchets organiques pour enrichir leurs productions. Les prix de leurs produits varient selon la quantité et les exigences du client. « 200, 300, 500, 1.000 Francs Congolais et plus, nous vendons nos produits selon les attentes des clients. Il y a des familles qui se nourrissent uniquement de nos légumes. Personnellement, je dépose une partie de mes productions aux domiciles de mes clients. Ensuite, nous livrons à certaines femmes qui parcourent la ville pour les vendre. Des couvents, des monastères catholiques aussi bénéficient de nos produits, » dit Christine Mujinga. Avant d’ajouter « Nous n’utilisons pas d’engrais chimiques. Notre terre est fertile, et les restes du Pondu (feuilles de manioc) nous servent pour avoir des bons produits ».

Pendant l’épreuve du Coronavirus, la vente avait augmenté pour certaines d’entre elles. C’est le cas d’Hélène Anankoyi, maraichère depuis 2010. « Nous avons observé des mesures barrières et cultivé nos champs. Ceux qui étaient confinés et qui habitent des avenues avoisinant notre lieu de travail passaient régulièrement se procurer les produits de nos champs. De cette façon, nous avons reçu beaucoup de demandes » dit Hélène.

Lucie avait fait quelques dons à ses voisins au cours de la période de confinement. « Je ne voulais pas tout vendre, je savais que certaines personnes avaient besoin de nos produits. Mais,à cause de la crise financière due au coronavirus, ils ne pouvaient s’en procurer. C’est ainsi que j’ai saisi cette opportunité pour offrir à d’autres personnes».

Des maladies qui accompagnent ce métier

Adeline Musodi souffre de l’asthme depuis plusieurs années. 6 jours sur 7, elle quitte son domicile situé à Ndjili (une commune du district de la Tshangu) pour Kinshasa (centre-ville), aux premières heures de la matinée. « Je prends mon transport au plus tard à 4h45 à Ste Thérèse pour rentrer à 15 heures. J’ai trois enfants, un seul est encore aux études. J’ai installé un autre commerce des biscuits, des jus et autres accessoires pour les élèves du primaire. Cela me permet d’avoir un équilibre financier, » explique-t-elle, entre deux souffles,  la maraichère dans l’enceinte de l’école Kabinda, appartenant à l’Armée du Salut.

Journée internationale de la femme rurale :  focus sur les héroïnes de la sécurité alimentaire à Kinshasa !

C’est à peu près dans la même situation que se trouve Alphonsine Makanda, habitante de Kimbanseke. « J’ai fait une semaine à la maison avant de reprendre mon métier. Mes pieds, mes bras, mes yeux, …bref, tout mon corps était souffrant. Cela était dû aux infections. Certaines personnes ne considèrent pas notre métier, ils jettent de la salive et même des ordures sur nos plantes. Je ne me sens pas encore en forme mais, je dois me battre pour nourrir ma famille. Mon époux n’a pas une profession très consistante, il se débrouille aussi (…) mais, je fais du mieux que je peux », confie-t-elle.

Par jour, elle gagne au moins 5.000 francs congolais. « Je me suis lancée dans ce métier par manque des moyens financiers. J’ai 6 enfants, seuls trois d’entre eux sont allés à l’école. Le cadet a actuellement 18 ans. Quand la vente est bonne, je gagne 6.000 francs congolais par jour. Quand les temps sont difficiles, je quitte ce lieu avec seulement 2500 Fc. Au début, l’école nous demandait de payer 500 francs à la fin du mois. Mais depuis un temps, cette mesure a été abolie ».

En dehors des maladies, ces maraichères connaissent également pour difficulté, le vol de leurs produits. « On peut se réveiller un matin et trouver que nos produits ont été emportés. Il n’y a pas de sécurité, nous vivons avec cette réalité. » dit Adeline. Christine souhaite que « Les autorités de la ville et même celles du pays construisent un canal près de leurs plantations (à l’école Saint Pierre) de sorte que les eaux de pluies ne détruisent pas leurs produits ». Ces femmes manquent également des outils de travail. La plupart d’entre elles travaillent pieds nus et des mains non gantées.

Pour rappel, Diego Zorrilla, Coordonnateur humanitaire adjoint en RDC, et aussi Coordonnateur humanitaire par intérim, avait soulevé, le 16 septembre dernier, le contraste entre la fertilité du sol congolais et le nombre des personnes en situation d’insécurité alimentaire aigue.

Selon l’Organisation des Nations Unies, « il s’agit d’une des pires situations d’insécurité alimentaire au monde ». 21,8 millions de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire aiguë en RDC selon le dernier IPC ((Integrated Phase Classification), une mesure menée par un consortium d’agences UN et ONG. 5,7 millions de personnes sont en phase d’urgence. La situation est davantage inquiétante pour les enfants étant donné que près de 4 millions d’enfants en RDC souffrent de malnutrition aigüe, dont plus de 1 million de malnutrition sévère.

A Relire : RDC : 21,8 millions de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire aiguë

Dans une interview sur l’insécurité alimentaire accordée au Desk Femme de Actualite.cd le 14 juin 2019, Aimé Kazika, expert agronome et représentant de Ypard en RDC avait précisé que le pays possède près de 90% de terre qui chôment.