C’est un tableau très sombre que peint Human Rights Watch (HRW) dans un rapport publié par ce jeudi. L’ONG a documenté au moins 170 kidnappings dans et aux alentours du Parc des Virunga entre 2017 et 2020. Elles notent particulièrement des viols commis par des bandes armées. L’organisation a recensé des témoignages des femmes et des filles souvent violées plusieurs fois par jour et parfois par plusieurs hommes.
Ces ravisseurs qui demandent des rançons parfois au-delà des capacités des familles opèrent dans un contexte marqué par la persistance de l’impunité résultant notamment d’un système judiciaire pour une large part dysfonctionnel.
« Ils nous ont violemment fouettées ; cinq coups de fouets … nous pouvions à peine nous tenir debout après cela. Nous implorions leur pitié, mais ils nous ont forcées à avoir des relations sexuelles avec eux…. [Un ravisseur] a pris son fusil et sa machette. Il s’est mis entre moi et une autre otage qui était ligotée et elle a été forcée de regarder pendant qu’il me violait. Si je bougeais, il menaçait de me couper la tête avec sa machette. Il nous a violées comme cela tous les jours », témoigne une ancienne victime, dans ce rapport.
Selon les autorités locales, les viols sont motivés par des intérêts économiques. « Ce que veulent les criminels, c’est de l’argent », a déclaré à Human Rights Watch l’administrateur du territoire de Rutshuru, Justin Mukanya.
L’ONG demande aux autorités de fournir aux victimes de violences sexuelles une assistance pour les aider à reconstruire leur vie, notamment des examens post-viol et d’autres soins médicaux, un soutien psychologique et social, une assistance juridique et financière. Elles devraient également œuvrer avec les communautés pour mettre fin à la stigmatisation et aux discriminations que subissent les survivantes de violences sexuelles, ajoute HRW.
« Human Rights Watch n’a connaissance d’aucune enquête judiciaire en cours sur les abus commis par ces bandes armées aux alentours du Parc des Virunga et les survivantes reçoivent très peu d’aide », a affirmé Thomas Fessy. « Les forces de sécurité congolaises devraient coopérer étroitement entre elles, ainsi qu’avec l’ONU et les gardes du parc, pour mettre un terme à ces enlèvements et ces violences sexuelles. »
Dans le même contexte, le Baromètre sécuritaire du Kivu, projet mené en coopération entre le Groupe d’étude sur le Congo et Human Rights Watch, a signalé que des agresseurs armés avaient kidnappé au moins 775 personnes depuis 2017 dans le seul territoire de Rutshuru, et 1 190 dans toute la province du Nord Kivu.
Selon les témoignages recueillis par HRW, ces plus petits groupes de kidnapppeurs font partie, sans doute, d’une structure plus vaste et coordonnée. La même source indique que les victimes ont déclaré que les ravisseurs, dont la plupart parlaient kinyarwanda, langue utilisée dans le territoire de Masisi et au Rwanda, étaient vêtus de haillons et portaient des bottes en caoutchouc. D’autres parlaient kinyabwisha, un dialecte kinyarwandais répandu dans le territoire de Rutshuru, ou swahili. D’anciens otages ont indiqué que leurs ravisseurs s’appelaient les uns les autres par des surnoms et connaissaient bien la région.