Procès Kamerhe et co-prévenus : la chronique en quatre points en rapport avec la deuxième audience

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Le lundi 25 mai 2020, le tribunal de grande instance de Kinshasa/Gombe a tenu sa deuxième audience foraine dans l’affaire MP et PC c/ V. KAMERHE et csrts. D’entrée de jeu il sied de rappeler que le procès pénal est un procès très technique et très difficile, soumis au respect de plusieurs règles et garanties constitutionnelles, à plusieurs principes généraux du droit dont les plus importants sont la présomption d’innocence, la légalité de l’infraction et de la peine, la charge de la preuve, le droit à un procès équitable, le droit de la défense, le droit à être jugé dans un délai raisonnable, le caractère limité et proportionné des mesures de contrainte, la garantie des droits des victimes.

L’opinion ne devrait pas être pressé à établir un jugement avant  avant même l’instruction du tribunal. Ci-dessous le résumé de l'audience de ce lundi en 4 points.

1.    Pour le ministère public : le procès pénal est le procès du ministère public. On a eu l’impression que l’affaire n’avait pas été correctement instruite, que le ministère public a fixé l’affaire sous pression, sans avoir réuni suffisamment d’éléments de preuve lui permettant de soutenir son ou ses accusations, sans avoir préalablement entendu toutes les parties dont l’audition était utile, sans avoir confronté toutes les parties avec des pièces à l’appui. Il n’est pas normal du tout, dans un procès d’une telle envergure, que les prévenus ne s’ignorent mutuellement, qu’ils demandent cette fois-là au tribunal de leur dire pour quelle raison ils se retrouvent en détention, qu’ils prennent connaissance de certaines pièces qu’au jour de l’audience, ou même que certaines personnes utiles pour l’instruction ne soient entendues pour la première fois que par le tribunal à la troisième audience.

Cela dénote de l’impréparation préjudiciable et de la précipitation qui pourraient profiter aux accusés car, il suffit pour les prévenus de réussir à créer le moindre doute dans les accusations portées contre eux (comme d’ailleurs cela a été le cas à l’audience d’hier), pour qu’ils soient acquittés (le doute profite à l’accusé). Une affaire de détournement de ce genre demande, pour le parquet, plus de temps et de confrontation que ce qui « aurait » été le cas.

Avant de décider de la poursuite et de la saisine du tribunal, le ministère public devait procéder à plusieurs enquêtes même en Turquie et au Liban par voie de commission rogatoire, il devait procéder à la saisie des comptes de toutes les personnes impliquées de loin ou de près dans cette affaire, et même procéder à des perquisitions domiciliaires, puisqu’il y a aussi eu blanchiment des capitaux. Apparemment, la difficulté du parquet au moment de soutenir ses accusations à l’audience partait d’un travail (excusez-moi) bâclé.

2.    Les prévenus ont été sereins et parfaitement préparés pour la deuxième audience. Ils ont répondu à toutes les questions du tribunal, du ministère public et de la partie civile. Le prévenu ne vient pas à l’audience pour prouver son innocence. Ce qui compte, ce n’est pas la vérité absolue qu’on attend du prévenu, qui est impossible à arracher, mais sa prédisposition intellectuelle à repousser les accusations, à créer le flou et le doute dans le chef du tribunal à qui il s’adresse. Je pense personnellement que les prévenus ont réussi ce challenge à l’audience d’hier.

3.    La partie a été très costaude et très percutante dans ses interrogatoires et dans la démarche entreprise. En effet, si en théorie la partie civile doit plutôt et simplement se greffer à l’action du ministère public pour obtenir réparation du préjudice subi, il y a eu inversion des rôles ; on a assisté à une audience où la partie civile, représentée par des avocats dont la qualité n’est plus à démontrer, a plutôt joué le rôle que devait jouer le ministère public au cours de cette scène prétorienne, afin d’en arriver à démontrer, au moment des plaidoiries, la faute pénale à charge des prévenus, et par conséquent postuler aux dommages-intérêts. Une démarche scientifique et professionnelle à louer.

4.    Le tribunal quant à lui est loin d’être éclairé. Il faudrait pour cela encore plusieurs autres audiences. Cependant, il sied également de rappeler que les membres de famille ne peuvent être entendus qu’en qualité de renseignant, et non de témoin. Mais aussi, les personnes invitées à comparaître pour fournir au tribunal des témoignages ou renseignements utiles à l’instruction, ne sont-elles pas elles-mêmes impliquées dans les faits faisant l’objet des poursuites ? Qu’en est-il de la corruption et du blanchiment des capitaux autrefois indiqués dans l’acte d’accusation ?

Wait and see.

Graces MUWAWA L./DESK JUSTICE