Des inventaires confirment l’importance cruciale du Parc national de la Salonga pour les bonobos et les éléphants de forêt

Photo Thomas Nicolon

Communiqué (WWF).

Entre 2015 et 2018, un groupe d’institutions de conservation de la biodiversité et de recherche a réalisé un inventaire écologique des 36 000 km2 du vaste Parc national de la Salonga (PNS), en République Démocratique du Congo (RDC). Plus grand parc de forêt tropicale humide d’Afrique, il se compose d’un secteur nord et d’un secteur sud, séparés par un couloir de 45 km de large non protégé. Les inventaires ont été réalisés par l’ICCN (Institut Congolais pour la Conservation de la Nature), l’Université Ludwig-Maximilians de Munich (LMU), l’Institut Max Planck de l’Anthropologie évolutive de Leipzig (MPI EVAN), la Wildlife Conservation Society (WCS), le Worldwide Fund for Nature (WWF) et la Zoological Society of Milwaukee (ZSM). Malgré des chiffres élevés d’indices de braconnage relevés dans l’ensemble du parc, les études confirment que Salonga est le bastion majeur de la RDC pour environ 15 000 bonobos et 1 600 éléphants de forêt.

Les bonobos sont une espèce de grands singes endémique de la RDC. À ce jour, le nombre total de bonobos dans la nature demeure inconnu, car les inventaires n’ont été effectués que dans environ 30 % de l’aire de répartition totale des bonobos. Dans cette zone d’étude, la stratégie de conservation des bonobos UICN/ICCN 2012-2022 faisait état d’une population de bonobos estimée au minimum à 15 000 à 20 000 individus. Pour le PNS, les estimations antérieures de la population de bonobos étaient fondées sur les résultats d’inventaires publiés en 2006 et 2008, et signalaient entre 7 000 et 20 000 bonobos. Les inventaires récents de 2015-2018 confirment et améliorent ces résultats : en combinant les données de toutes les organisations concernées, nous estimons que le Parc national de la Salonga compte environ 12 600 bonobos (de 9 500 à 16 800). En incluant le corridor d’environ 10 000 km2 du parc, le nombre moyen estimé de bonobos s’élève à 15 000. Malgré des pressions de braconnage historiquement élevées, le PNS reste un véritable bastion des bonobos pour le pays et est considéré comme étant d’une importance cruciale pour la conservation de cette espèce.

En 2004, le programme CITES-MIKE (Monitoring the Illegal Killing of Elephants) estima que le PNS comptait entre 600 et 2 400 éléphants de forêt. Encore une fois, ces estimations plus anciennes sont confirmées et améliorées par les résultats du récent inventaire 2015-2018 : nous estimons ainsi que la Salonga abrite environ 1 400 éléphants de forêt (de 900 à 2 300). En incluant le corridor du Parc, le nombre moyen estimé d’éléphants de forêt s’élève à 1 600. La nouvelle estimation se situe toujours dans les limites des estimations MIKE de 2004. Ces chiffres sont encourageants, étant donné le déclin drastique observé par ailleurs des populations d’éléphants d’Afrique centrale au cours des dernières décennies. Le statu quo de l’abondance des éléphants dans le PNS pourrait être dû à une protection accrue et une meilleure gestion du parc au cours des dernières années, avec une intensité, une couverture et une efficacité accrues des patrouilles. Cependant, ce statu quopourrait également être dû ou influencé par une “compression”, autrement dit que les éléphants de l’extérieur du parc se seraient déplacés dans le Parc et leur aire de répartition concentrée à l’intérieur de ses limites, le Parc étant maintenant mieux protégé que le paysage environnant.

En 2017 et 2018, dans le secteur sud du Parc national de la Salonga, une collaboration entre l’ICCN, MPI, LMU et WWF a permis de réaliser des inventaires sur les grands mammifères, les papillons et la flore, en utilisant des méthodes multiples et innovantes de collecte de données. Ainsi, en appliquant une méthodologie récemment mise au point à l’aide de pièges photographiques basés sur l’échantillonnage de distance (distance sampling-based camera trap methodology), il a été possible pour la première fois d’établir des données de référence pour des espèces cryptiques ou rares comme le pangolin, l’oryctérope, le chat doré, le chevrotain aquatique et le paon congolais.

L’échantillonnage à distance avec des pièges photographiques a ainsi permis d’obtenir la toute première estimation de l’abondance du très discret paon congolais Afropavo congensis, uniquement présent dans les forêts de basses terres de la RDC : rien que dans le secteur sud de Salonga, la population est estimée à environ 25.000 individus. L’estimation préliminaire de la Liste rouge de l’UICN (2016) de jusqu’à 15 000 individus devra donc être révisée à la hausse.

À l’aide des données de référence actuelles, il est possible d’évaluer les tendances futures de l’abondance et de la répartition de diverses espèces de la faune ainsi que d’évaluer l’impact des initiatives de conservation. Les différentes méthodes de collecte de données (échantillonnage à distance à l’aide de transects linéaires et de pièges à caméra, marches de reconnaissance) et les différentes intensités des relevés peuvent être comparées, contribuant ainsi à l’élaboration de stratégies de suivi écologique et de conservation les plus efficaces possibles dans le futur.

Tous les inventaires menés par ces différentes institutions de conservation et de recherche ont évalué quantitativement le type, l’intensité et la répartition de l’impact humain. Des signes de présence, -environ un signe par kilomètre en moyenne -, principalement liés au braconnage, ont été trouvés dans l’ensemble du parc, en particulier près de ses limites. La pression du braconnage sur le parc est susceptible d’augmenter dans l’avenir à mesure que d’autres zones de nature vierge dans le paysage s’appauvrissent de plus en plus. En outre, les études ne fournissent qu’un aperçu de la situation de nombreuses espèces menacées, et une surveillance continue à long terme sera nécessaire pour s’assurer que le Parc national de la Salonga reste un refuge pour ces espèces. Afin de protéger la faune sauvage remarquable du plus grand parc de forêt tropicale humide d’Afrique, l’ICCN et le WWF gèrent conjointement le Parc et s’emploient à améliorer les moyens de subsistance et la participation de la population locale à la sauvegarde du Parc national de la Salonga.

« Cela me remplit de fierté que les divers partenaires de conservation et de recherche se soient réunis pour établir des données de base à jour sur les espèces phares et d’autres espèces difficiles à recenser, ainsi que sur les menaces auxquelles elles font face dans le plus grand parc de forêt tropicale humide du continent africain, permettant ainsi à la direction du parc de surveiller et évaluer de près nos efforts de conservation » a déclaré le Directeur général de l’ICCN, Pasteur Cosma Wilungula.

Dans le cadre de la coopération financière, la KfW a soutenu, au nom du gouvernement allemand, le suivi biologique du bloc sud du parc. USAID-CARPE et le Fonds Européen de développement (EU-FED) ont soutenu les inventaires dans une partie du Sud et dans le secteur Nord et le Corridor. Le travail a été réalisé sous la cogestion du WWF et de l’Autorité congolaise pour la conservation de la nature (ICCN) responsable de tous les parcs nationaux de la République démocratique du Congo.