Masisi : « Un enfant de 4 ans raconte à sa grande sœur que leur frère a été tué, qu’il est mort parce qu’on a tiré sur lui » -Témoignage

En 2007, Médecins Sans Frontières (MSF) soignait notamment des blessés par balle à Masisi. 10 ans après, MSF soigne encore des blessés par balle. Les besoins humanitaires qui ont poussé MSF à ouvrir son projet demeurent encore d’actualité.

<strong><em>Témoignage.</em></strong>

<strong>B.M (nom d’emprunt) a accompagné ses deux enfants de 4 et 2 ans et demi aux urgences de l’Hôpital Général de Référence de Masisi vers la fin du mois de juin 2017. Ils avaient été blessés par balles. Le plus grand a été touché au dos et le plus petit, près du cou. Après deux jours passés à l’Hôpital avec ses enfants, BM se ressasse sans arrêt l’épisode tragique qui l’a amené à l’hôpital soutenu par MSF. </strong>

Nous habitons un village du territoire de Walikale. C’était la nuit, j’ai vu des hommes armés dans ma maison. Je ne sais pas comment ils sont entrés. Je me souviens juste de les avoir vus  à l’intérieur. Dès que je les ai vus, j’ai pris mes deux enfants dans mes bras, mon bébé et son grand frère de deux ans et demi puis j’ai cherché à nous abriter sous le lit. Mon autre fils de 8 ans voulait faire la même chose, mais ces hommes ont tiré sur lui. La balle a atteint sa poitrine et il est tombé à côté du lit.

Après, ils ont encore tiré en direction du lit où nous nous cachions. Les balles ont blessé mes deux autres enfants, celui de deux ans et demi et son frère de 4 ans. J’ai crié «<em> vous êtes en train de me tuer, moi et tous mes enfants</em> », ils ont répondu « <em>vous n’avez qu’à mourir ! </em>».  J’ai continué à crier.

Pendant que certains tiraient, d’autres fouillaient ma maison à la recherche d’argent ou d’autres objets de valeur. Entre-temps, mon mari, lui, avait réussi à fuir hors de la maison.

Après, je les ai entendus sortir. Ensuite, j’ai entendu des voix m’invitant à me rendre dehors parce qu’il n’y avait plus de tirs. J’avais peur et je me demandais si c’était encore ces bandits qui me mentaient pour me pousser à sortir ou si c’était des voisins, des personnes de bonne volonté. Dans le doute, je suis restée encore quelques temps sous le lit. Je ne suis sortie qu’après avoir vu des voisins entrer dans ma maison pour nous venir en aide.

Ils m’ont aidée à transporter mes enfants blessés dans un Centre de Santé. Il faisait encore nuit et nous avons marché pendant environ une heure avant d’atteindre ce Centre. Là, ils ont commencé à donner les premiers soins aux enfants. Mais ils ont commencé à demander de l’argent. Je n’étais pas en mesure de payer ce qu’ils me demandaient, j’ai donc décidé d’aller au Centre de Santé de Maya, l’endroit  où l’ambulance de MSF arrive.

Avant de partir pour Maya, je suis retournée à la maison pour les funérailles de mon fils tué. Nous l’avons enterré et j’ai pris le chemin pour Maya avec mes deux enfants blessés. Nous avons marché de 16 heures à 4 heures du matin, le jour suivant. Ensuite, l’ambulance de MSF est venue nous chercher pour nous amener à l’Hôpital Général de Référence de Masisi.

Mes enfants ont été pris en charge ici à l’HGR. Ils vont un peu mieux maintenant. J’espère qu’ils vont arriver à oublier cet épisode tragique. Jusqu’à maintenant, ils n’en parlent pas. Celui de 4 ans, vient de raconter à sa grande sœur  - qui n’habitait pas avec nous et qui vient de nous rejoindre ici à l’hôpital - que leur frère a été tué, qu’il est mort parce qu’on a tiré sur lui.

Dès qu’ils iront mieux, je vais rentrer avec eux dans mon village natal, à Maya. Je ne vais plus retourner à Walikale car c’est le travail de mon mari qui nous avait amenés à nous installer là-bas. Maintenant, je n’ai absolument plus envie d’y retourner.

Pour le contexte, le projet MSF dans le territoire de Masisi prévoit l’appui à l’Hôpital Général de Référence et au Centre de Santé de Masisi ainsi qu’au Centre de Santé de Référence de Nyabiondo. Dans ces structures, les équipes MSF assurent des services de soins de santé gratuits : chirurgie, médecine interne, gynécologie, maternité, pédiatrie, néonatologie, traitement du choléra, programme nutritionnel et service des urgences avec ambulance. En dehors de l’hôpital et des centres de santé, MSF organise des cliniques mobiles pour assurer une assistance rapide et flexible aux populations habitant des zones très éloignées des structures sanitaires ainsi que le traitement du paludisme. MSF intervient également dans différents centres de santé pour soigner et assister les victimes de violence sexuelle.

<em><u>Légende photo</u> : Les enfants de BM reçus à la salle d’urgence de l’Hôpital Général de Masisi soutenu par MSF </em><em>© Sara Creta/ MSF</em>