Journaliste en danger (JED) et Reporters sans frontières (RSF) sont très préoccupés par l’offensive des autorités contre la libre de circulation de l’information à l’approche de la fin du mandat du Président Joseph Kabila, le 19 décembre 2016. Les deux organisations appellent les autorités congolaises à permettre aux médias de fonctionner librement et en toute sécurité.
A l’approche de la fin officielle du mandat du Président Joseph Kabila, le 19 décembre 2016, RSF et JED s’inquiètent des mesures de censure qui frappent les médias, et plus largement, l’accès à l’information des citoyens congolais. Suspension prévue et assumée d’internet, interdictions des émissions politiques au Kasaï Oriental, irruption de la police dans des locaux des médias, brouillage continu des antennes de RFI à Kinshasa… Les exactions des autorités nationales et locales contre la presse sont nombreuses.
Le 14 décembre, les compagnies de télécommunications ont reçu une lettre de l’Autorité de Régulation des Postes et des Télécommunications (ARPTC) - sous autorité de la présidence de la République - leur intimant de bloquer l’accès aux réseaux sociaux à partir du 18 décembre à minuit, et de suspendre l’accès à Internet si le blocage ciblé n’était pas possible. Selon Jeune Afrique, les opérateurs ont été menacés de se voir retirer leur agréement s’ils n’obtempéraient pas.
Au Kasaï Oriental, le Gouverneur de province, en plus de renforcer le couvre-feu, a tout simplement interdit la diffusion de toute émission ou débat traitant de politique au prétexte de “prévenir des messages et les informations d’incitations à la haine, aux troubles à l’ordre public et aux violences”. Pour rappel, un journaliste de la RTNC, Marcel Lubala a été assassiné dans la province du Kasaï Oriental dans la nuit du 14 au 15 novembre 2016. Plusieurs sources faisaient état de l’implication de la police dans ce crime.
Pour JED, “les journalistes n’ont pas à obéir à ces mesures, car il est de leur devoir, au nom de la liberté d’information et d’expression, d’avoir un esprit critique, de s’intéresser et de questionner les choix et pratiques du gouvernement et des acteurs politiques afin d’engager avec responsabilité un débat public sur des questions qui concernent toute la population.”
Le 6 décembre 2016, à Matadi au Kongo Central, des individus en tenue de policiers ont fait irruption dans les locaux de Canal Congo Télévision (CCTV) puis Horeb Télévision (HTV), alors que les deux chaînes diffusaient des émissions de débats portant sur un projet de motion de défiance contre le Gouverneur de la province Jacques Mbadu. Ils ont interrompu la diffusion, malmené les journalistes et saccagé le matériel de la radio.
“En continuant de prendre des mesures liberticides contre les médias, ou de laisser impunies les agressions contre les journalistes, le président Kabila dévoile ses dispositions anti-démocratiques, ce qui laisse présager du pire pour le 19 décembre et les jours qui suivront, déclare Reporters sans frontières. L’ensemble des mesures récentes de censure et les attaques non sanctionnées contre les médias sont autant de messages envoyés sur le fait qu’aucune dissidence ou contestation ne sera tolérée.”
Le Commissaire de police de Kinshasa, Célestin Kanyama, récemment visé par des sanctions européennes, réclamées notamment par RSF, a menacé toute personne qui descendrait dans la rue à partir du 19 décembre, de violentes représailles, interdisant par là même toute couverture journalistique. Il a invité les parents à ne pas laisser sortir leurs enfants, ou sinon “ à bien regarder la photo de leurs enfants car ce serait la dernière fois qu’il les verrait”.
En septembre 2016, RSF et JED avaient demandé au vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur, Evariste Boshab (également sous le coup de sanctions américaines), l’ouverture d’une enquête après les exactions recensées contre au moins huit journalistes lors de la répression des manifestations des 19 et 20 septembre 2016.
Depuis novembre, les médias étrangers font l’objet de mesures visant à les réduire au silence. Le signal de RFI à Kinshasa continu d’être brouillé depuis le 4 novembre 2016.
La République démocratique du Congo occupe la 152è place sur 180 pays dans l’édition 2016 du Classement de la liberté de la presse établi par RSF.