Fulgence Muteba considère le partenariat stratégique USA-RDC comme un sacrifice au développement de la population et une confiscation du bonheur aux générations futures

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Signature des accords de Washington pour la paix et la prospérité

Les États-Unis d’Amérique et la République démocratique du Congo ont signé à Washington un accord de partenariat stratégique destiné à encadrer et à accélérer une série de projets jugés prioritaires pour l’industrialisation du pays, la sécurisation des chaînes d’approvisionnement en minerais critiques et le développement d’infrastructures clés. Ce partenariat stratégique, précédemment appelé de "deal minier", constitue l’une des composantes des accords de Washington, signés sous les auspices de l’administration Trump.

Toutefois, ce partenariat peine à faire l’unanimité dans l’environnement sociopolitique congolais et continue de susciter de vives critiques. Si, pour le gouvernement congolais, il traduit un niveau élevé de confiance entre les deux États, Fulgence Muteba Mugalu, archevêque de Lubumbashi (Haut-Katanga), le qualifie de bradage, estimant qu’il vise uniquement à sauver un régime au détriment de l’avenir de toute une nation. Selon lui, cet accord sacrifie le développement du pays et compromet le bien-être des générations futures.

" Il est dès lors inimaginable de gager ou de brader les minéraux de toute une nation pour sauver un régime ou un système politique. Cela revient, de toute  évidence, à sacrifier le développement de la population et à confisquer le bonheur des générations à venir. Êtes-vous au courant qu’on a signé un accord de 99 ans d’exploitation ? 99 ans ! Nous savons pourtant que les minéraux ne sont pas éternels. Comment peut-on hypothéquer l’avenir d’une nation pour 99 ans ? En observant ce qui se passe, j’ai bien peur qu’après la guerre froide, la RDC ne devienne le champ de bataille des puissances occidentales face à la Chine. Tous les indicateurs montrent que nous allons vers cela. Et qui va en payer le prix ? C’est vous. Et si ce n’est pas vous, ce seront vos enfants, vos neveux, vos nièces ", a-t-il déploré dans son message à l'occasion de la messe de nativité jeudi 25 décembre à Lubumbashi. 

Pour le président de la CENCO, ces accords sont déséquilibrés et relèvent de fausses amitiés. Selon lui, dans d’autres régions du monde, les populations subissent également les conséquences négatives de ce type d’accords.

" Tous ces accords dont vous entendez parler sont en réalité : des accords de fausse amitié, des accords de coopération déséquilibrée, des accords de convoitise des ressources naturelles tout simplement. Il y a, comme pour ainsi dire, un déséquilibre géostratégique. Il s’agit en réalité d’une nouvelle forme de colonialisme, plus précisément d’un colonialisme économique. Horrifié par cette idéologie qui sous-tend ces accords déséquilibrés, dont souffrent non seulement la RDC, mais aussi beaucoup de pays africains, l’Amérique du Sud et une partie de l’Asie, je me souviens des mots prononcés lors de la visite apostolique du pape François dans notre pays, il y a trois ans ", a fait remarquer Fulgence Muteba Mugalu. 

Se référant aux propos du pape François lors de son passage en RDC, Fulgence Muteba Mugalu a dénoncé le colonialisme politique et économique dont est victime la RDC.

" Le pape François disait : après le colonialisme politique, un colonialisme économique tout aussi asservissant s’est déchaîné. Ce pays, a RDC, largement pillé, ne parvient donc pas à profiter suffisamment de ses immenses ressources. On en est arrivé au paradoxe que le fruit de sa terre le rend étranger à sa propre terre. Le poison de la cupidité a ensanglanté ces diamants. C’est un drame devant lequel le monde économiquement avancé ferme souvent les yeux, les oreilles et la bouche. Mais ce pays et ce continent méritent d’être respectés et écoutés.Ils méritent espace et attention. Retirez vos mains de la République démocratique du Congo. Retirez vos mains de l’Afrique. Cessez d’étouffer l’Afrique. Elle n’est pas une mine à exploiter ni une terre à dévaliser ", a fait savoir le président de la CENCO. 

Selon le texte de ce partenariat, la RDC devra transmettre , dans les 30 jours suivant l’entrée en vigueur de l’accord une première liste des “DRC Designated Strategic Projects”, une catégorie qui regroupe les projets jugés centraux pour la transformation économique du pays. Ces initiatives devront contribuer à la création d’emplois, à l’ajout de valeur locale, au renforcement des infrastructures énergétiques et logistiques, ainsi qu’à la stabilisation des zones riches en ressources où persistent des tensions.

En parallèle, la RDC fournira également, dans le même délai, une liste initiale d’actifs miniers et zones d’exploration classés au sein du Strategic Asset Reserve (SAR), un mécanisme réservé aux projets liés aux minerais critiques et à l’or. Ces actifs pourront inclure des concessions déjà identifiées ou des périmètres encore non attribués. Les États-Unis disposeront d’un droit de première offre pour tout projet SAR notifié.

L’accord mentionne plusieurs chantiers structurants considérés comme prioritaires, notamment la réhabilitation de la ligne ferroviaire DRC-Angola dans le cadre du corridor Sakania-Lobito, présenté comme un axe stratégique pour l’exportation de cuivre, de cobalt et de zinc. Les deux parties visent une synchronisation des travaux avec la partie angolaise et souhaitent mobiliser financements publics et privés, y compris via des banques multilatérales.

Clément MUAMBA