Face à la vague des pétitions et motions qui secouent les provinces, le gouvernement, après instructions du président de la République, avait décidé de suspendre ces initiatives dans les assemblées provinciales en ce temps de guerre. Cette décision, annoncée mardi dernier, rencontre un torrent des critiques dans l’opinion, les opposant accusant le chef de l’Etat de vouloir s’accaparer le pouvoir.
Dans sa tribune publiée jeudi, le secrétaire général du parti politique Envol, Rodrigue Ramazani voit dans cet ordre du gouvernement central la violation flagrante de la constitution sur la libre administration des provinces et de la loi n° 08/012 du 31 juillet 2008, qui veut que les provinces jouissent de la libre administration et de l'autonomie de gestion de leurs affaires dans les domaines de leurs compétences.
« L'instruction donnée par le Vice-Premier ministre de l'Intérieur, sur directive du Président de la République, demandant aux Assemblées provinciales de suspendre les motions et pétitions, constitue une violation flagrante de la Constitution et de la loi sur la libre administration des provinces. Les articles 197, 198 et 200 de la Constitution garantissent le pouvoir de contrôle des Assemblées provinciales sur les Gouvernements provinciaux, tandis que l'article 56 consacre leur autonomie vis-à-vis du pouvoir central. De plus, la loi n° 08/012 du 31 juillet 2008, en son article 4, dispose que « les provinces jouissent de la libre administration et de l'autonomie de gestion de leurs affaires dans les domaines de leurs compétences ». L'article 8 précise que « le Gouvernement central ne peut s'immiscer dans l'exercice des compétences dévolues aux provinces que dans les cas prévus par la Constitution », a écrit l’opposant.
Après tour d’horizon des textes, le SG du parti de l’opposant Delly Sessanga, qui précise en outre que seuls l’état de siège et d’urgence qui peuvent donner lieu à pareille décision, qualifie la suspension des pétitions et motions des députés provinciaux « d'un abus manifeste de pouvoir et d'une ingérence illégale du pouvoir central dans la gestion des province » et d’« une volonté manifeste de museler les contre-pouvoirs et de verrouiller le contrôle parlementaire au niveau provincial ».
"En dehors d'un état d'urgence ou de siège régulièrement proclamé conformément à l'article 85 de la Constitution, aucune autorité, pas même le Chef de l'État, ne peut restreindre ce droit constitutionnel…En dehors de ce contexte spécifique, aucun fondement juridique ne peut justifier l'instruction donnée aux Assemblées provinciales, qui relève d'un abus manifeste de pouvoir et d'une ingérence illégale du pouvoir central dans la gestion des provinces », a-t-il relevé.
Et d’ajouter :
« Cette mesure, dénuée de tout fondement légal, traduit une volonté manifeste de museler les contre-pouvoirs et de verrouiller le contrôle parlementaire au niveau provincial, notamment à l'égard des exécutifs issus de l'Union sacrée…En invoquant fallacieusement la « stabilité » et la guerre à l'Est », le régime Tshisekedi tente de justifier l'injustifiable. Pourtant, la résurgence du M23 et l'occupation persistante de nos territoires ne découlent pas du contrôle parlementaire, mais bien des mauvaises décisions politiques et sécuritaires du Chef de l'Etat. Cette manœuvre vise à transformer les institutions provinciales en chambres d'enregistrement dociles, vidant la décentralisation de sa substance et trahissant non seulement l'esprit de la Constitution du 18 février 2006, mais aussi les articles 4, 6 et 8 de la loi n° 08/012, qui consacrent l'autonomie des provinces et leur liberté de gestion. »
S’exprimant ce mercredi 5 octobre à Kinshasa, devant les gouverneurs des 26 provinces accompagnés des membres des bureaux des assemblées provinciales, le ministre de l’intérieur et sécurité, Jacquemain Shabani a rappelé les directives du président de la République formulées lors des précédentes conférences des gouverneurs. Il a déploré le non-respect des engagements pris pour garantir un fonctionnement harmonieux des institutions provinciales et dénoncé la multiplication des initiatives parlementaires, parfois en violation du droit de réponse.
Le ministre avait ensuite réaffirmé la volonté du chef de l’État de stabiliser les institutions locales dans un contexte marqué par la guerre d’agression attribuée au Rwanda et à ses alliés. Il a insisté sur la responsabilité des gouverneurs et des bureaux des assemblées dans la préservation de la cohésion nationale.
Samyr LUKOMBO