Kinshasa: la population inquiète face à la recrudescence des braquages

Ph. Droits tiers
Ph. Droits tiers

Depuis plusieurs mois, la capitale congolaise est secouée par une série d’attaques à main armée. La plus récente, survenue le jeudi 16 octobre, a visé une agence de Rawbank située au rond-point Victoire, dans la commune de Kasa-Vubu. L’opération s’est transformée en une prise d’otages spectaculaire, marquée par des échanges de tirs, l’intervention des forces spéciales, et une foule dense massée autour du périmètre de sécurité, plongeant le quartier dans un climat de panique.

Bien qu’aucune victime n’ait été signalée parmi les clients ou le personnel de la banque, cet incident a ravivé les inquiétudes croissantes liées à l’insécurité urbaine à Kinshasa. La ville est de plus en plus confrontée à une recrudescence des braquages de banques, des cambriolages et des vols à main armée, souvent perpétrés en plein jour. Une situation qui pousse de nombreux Kinois à s’interroger sur leur sécurité au quotidien.

« On ne vit plus en paix, on ne se déplace plus tranquillement. J’ai l’impression qu’on a perdu notre liberté. Même pour ouvrir nos magasins, on a peur », confie Mireille, vendeuse dans un magasin de téléphone à la place Victoire, encore sous le choc. « L’autre jour, c’était la banque … demain, ce sera peut-être une station-service ou encore ils viendront piller nos shops », poursuit-elle, avec une voix teintée d’inquiétude. 

Comme Mireille, de nombreux Kinois partagent le même sentiment d’insécurité. « Les braquages deviennent comme un film à Kinshasa. Les bandits circulent librement, on dirait même qu’ils connaissent les horaires de la Police, parce qu’en général on ne les attrape jamais », déplore Willy, chauffeur de taxi, habitué à sillonner les rues de Kinshasa. Il exprime un désarroi profond face à ce qu’il perçoit comme « un relâchement total du contrôle sécuritaire ». 

Un constat partagé par papa Jean, la cinquantaine passée, qui ne mâche pas ses mots. « On veut juste vivre en sécurité. Ce n’est pas normal que des braquages aient lieu en plein jour. La Police a l’obligation de veiller sur nous, de nous protéger … et elle doit le faire ! », lance-t-il d’un ton ferme, dénonçant l’inaction apparente des autorités face à la montée de l’insécurité.

Au fil des témoignages, un sentiment revient avec insistance : la peur s’installe, la confiance  envers la Police disparaît, et l’appel à des mesures concrètes devient de plus en plus pressant.

« Des actions concrètes et efficaces »

Selon la police, un plan de sécurisation renforcé est désormais en place autour des banques et des principaux marchés de la capitale. Cependant, pour la population, un simple plan ne suffit pas. Les habitants réclament des actions concrètes et plus efficaces sur le terrain, une présence policière plus visible, ainsi qu’une justice plus rapide et réactive.

« Les autorités doivent agir, pas seulement parler. On a besoin de voir plus de policiers, surtout dans les zones à haut risque », souligne Richard, habitant de Matete. 

Et de poursuivre : « la sécurité, c’est la base. Si les banques se font attaquer comme ça en plein jour, qui peut encore espérer être protégé à Kinshasa ? », s’interroge t’il. 

D’après une source au ministère de l’Intérieur, plusieurs braquages ont été enregistrés ces derniers mois dans la capitale, notamment dans les communes de Limete, Bandalungwa et Gombe. Si des enquêtes sont régulièrement ouvertes, elles aboutissent rarement à des arrestations. Face à cette situation, les autorités annoncent un renforcement du dispositif sécuritaire, avec la mise en place de patrouilles mixtes associant la police et l’armée.

Lors d’une réunion tenue le jeudi 16 octobre dans son cabinet de travail, le Vice-Premier Ministre Jacquemain Shabani a exhorté les forces de sécurité à accroître leur vigilance et à renforcer la coordination sur l’ensemble du territoire national. Il a rappelé que la sécurité des citoyens et la protection des biens demeurent une priorité absolue du Gouvernement, dans l’objectif de restaurer la stabilité et la confiance au sein de la population.

"Un cri d’alarme des députés nationaux"

Les députés nationaux élus de Kinshasa ont elles aussi tiré la sonnette d’alarme face à la flambée de l’insécurité dans la capitale. Pour eux, ce braquage perpétré en plein jour dans l’agence Rawbank du Rond-point Victoire illustre la « délinquance de l’autorité de l’État et traduit l’échec manifeste de la politique sécuritaire actuelle ». 

Dans leur cri d’alarme, ils pointent également du doigt l’expansion incontrôlée du phénomène "Kuluna" dans toutes les communes de Kinshasa, ainsi que l’inaction face aux violences de la milice Mobondo à Maluku. Les élus interpellent les autorités provinciales, la Police nationale congolaise et le Vice-Premier ministre de l’Intérieur pour des mesures urgentes de réorganisation sécuritaire afin de restaurer l’ordre public et protéger les citoyens. 

Des attaques de plus en plus fréquentes 

Rien qu’au cours de cette année 2025, plusieurs agences bancaires et bureaux de change ont été la cible d’attaques dans la capitale congolaise. En mai dernier, un braquage a notamment été signalé sur le site de l’Université de Kinshasa, où des hommes armés ont dévalisé un shop après avoir tiré plusieurs coups de feu en l’air pour semer la panique parmi les étudiants.

Dans la soirée du 15 octobre dernier, un autre braquage a été signalé à la Cité verte, dans la commune de Selembao au niveau de la place commerciale Triangle Boulangerie. Les assaillants ont ciblé plusieurs boutiques de téléphones ainsi que des cambistes présents sur les lieux. Le bilan provisoire fait état de deux blessés : un homme atteint par balle à la jambe, et une jeune femme blessée dans la panique. Une importante somme d’argent et une centaine de téléphones portables ont disparu. 

À Kinshasa, entre peur et colère, les habitants réclament avant tout d’être protégés. Pour beaucoup, le braquage de la place Victoire, bien que spectaculaire, est surtout révélateur d’une insécurité urbaine grandissante et de plus en plus inquiétante.

Alors que la ville continue de s’étendre et de s’animer au quotidien, la sécurité reste un défi majeur. Les Kinois, eux, n’aspirent qu’à une chose : pouvoir circuler, travailler et vivre en paix, sans craindre d’être les prochaines victimes.

James Mutuba