Dans un climat de tensions croissantes autour de la gestion de la capitale congolaise, le député provincial Aubin Mukanu Isukama a adressé une question orale avec débat au Gouverneur de la Ville de Kinshasa. Ce document, obtenu par notre rédaction, dresse un bilan accablant de la gouvernance provinciale à mi-mandat, accusant l’exécutif d’une « gouvernance sans boussole » qui s’éloigne des promesses électorales.
Invitant le Gouverneur à « éclairer la lanterne » des élus, cette interpellation met en lumière une série de dysfonctionnements urbains, allant des embouteillages chroniques à l’insécurité galopante, en passant par une gestion financière opaque.
Le programme quinquennal « Kinshasa Ezo Bonga », littéralement « Kinshasa se relève » en lingala, avait été présenté avec enthousiasme lors de l’investiture du Gouverneur, promettant une ville moderne, salubre et sécurisée. Plus d’un an après sa prise de fonctions, le député Mukanu dénonce un écart flagrant entre les ambitions affichées et la réalité sur le terrain. « La population kinoise se retrouve délaissée à son triste sort », écrit-il, évoquant un « tableau sombre et macabre » qui contredit les engagements initiaux.
Parmi les griefs les plus saillants, le parlementaire pointe une gestion « chaotique et hasardeuse » des embouteillages, au point que l’armée nationale a dû intervenir pour pallier les carences provinciales. Les routes, souvent impraticables en raison de leur délabrement ou de chantiers interminables, aggravent ce chaos quotidien. Le député fustige également l’absence de politique rigoureuse sur les tarifs de transport et les parkings publics, laissant les citoyens face à une anarchie généralisée.
L’insalubrité figure en tête des préoccupations : décharges sauvages prolifèrent, caniveaux obstrués rétrécissent les chaussées, et les déchets plastiques envahissent rivières et espaces publics, augmentant les risques sanitaires. « Les services qui curent les caniveaux abandonnent les immondices à même la chaussée », regrette le député, qui accuse le gouvernement provincial d’être « dépassé » par la gestion des déchets ménagers et industriels.
Sur le plan sécuritaire, la résurgence du banditisme urbain – braquages, enlèvements et phénomène « Kuluna » – est alarmante. Le député interroge l’insuffisance des effectifs policiers, leur équipement et leur motivation, dans une ville où l’insécurité « a repris de plus belle ». Par ailleurs, les incendies récurrents détruisent des bâtiments entiers sans intervention des services anti-incendie, soulignant un manque criant d’équipements et de préparation.
Les secteurs sociaux ne sont pas épargnés. Malgré la gratuité de l’enseignement prônée par le Chef de l’État, les écoles manquent d’infrastructures, forçant les enfants à un « parcours du combattant ». Les hôpitaux, promis à la modernisation, restent sous-équipés, rendant la couverture sanitaire un « rêve cauchemardesque ». Le député exige des détails sur les réalisations en éducation et santé, y compris les sources de financement et les délais des travaux.
Financièrement, le tableau est tout aussi sombre. Les recettes provinciales stagnent autour de 5 millions de dollars par mois, selon les déclarations de la Ministre des Finances, loin des 10 milliards de dollars ambitieux prévus sur cinq ans. Le député s’interroge sur la nomination irrégulière d’un chargé de missions à la tête de la Direction générale des Recettes de Kinshasa (DGRK), en violation de l’édit provincial, et sur la chute des mobilisations fiscales. Il dénonce l’opacité autour de taxes comme celle d’embarquement à l’aéroport de Ndjili ou de stationnement, dont la destination reste inconnue. « Pourquoi les recettes peinent à décoller malgré le fort potentiel fiscal de la capitale ? », questionne-t-il réclamant des mécanismes anti-fraude et une digitalisation promise mais non réalisée.
Les marchés urbains, qualifiés de « foyers d’insalubrité » et de « repaires de malfrats », font l’objet d’une critique acerbe, particulièrement le Marché central de Kinshasa, fermé depuis des années et dont la réouverture reste incertaine. Le député pointe aussi des conflits internes au cabinet du Gouverneur, avec des empiètements de compétences dénoncés par des ministres provinciaux, et une passation de marchés publics souvent de gré à gré, contredisant les principes de transparence.
SBT