L’univers juridique de la République démocratique du Congo a accueilli, le samedi 6 décembre à Kinshasa, la parution de deux nouvelles œuvres du professeur d’université et président du tribunal de grande instance de Kinshasa/Matete, Samutondi Ikomba Samy.
Le double vernissage de ces ouvrages a été conjointement organisé par l’Université de Kinshasa (UNIKIN) et le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM), en présence de nombreux acteurs politiques du pays ainsi que de personnalités scientifiques du monde juridique congolais.
Le premier livre, intitulé les traits fondamentaux de la nationalité, propose une analyse multidimensionnelle de la notion de nationalité. L’auteur y distingue cette dernière de concepts voisins, tels que l’État, la nation ou la citoyenneté. Il met en lumière ses dimensions juridiques, politiques, sociologiques et culturelles, révélant ainsi la complexité de ce concept d’appartenance à une communauté politique ou culturelle.
Selon le constitutionnaliste André Mbata, cet ouvrage est interpellant et suscite de profondes réflexions. Il mérite d’être largement lu, d’autant plus qu’il est l’œuvre d’un professeur et magistrat. Il souligne également la responsabilité croissante du juge congolais face aux enjeux liés à la nationalité.
« Est-ce que cette question de nationalité n'est pas déjà venue devant nos cours et tribunaux ? Quelle est la position du juge ? Nous avons affaire à un ouvrage écrit par un professeur d'université et par un juge. Quelle est la jurisprudence dans la matière ? Est-ce que cette question n'a jamais été portée devant nos juridictions pour que le juge puisse se prononcer ? », s'est interrogé ce professeur de droit à l’Unikin et deputé national.
Félicitant l’auteur pour ses œuvres, le professeur Jacques Djoli était très remonté contre l’absence de la prise de position du juge congolais sur le dossier de la nationalité.
« L'absence de la position du juge congolais, c'est notre infertilité à produire une pensée juridique sur cette question de nationalité au-delà du débat sur jus soli ou jus sanguinis. Quel est le jus congolis sur cette question-là ? Il y a un vrai problème. Si aujourd'hui nous avons des difficultés dans la déconstruction de notre état, c'est parce que nous avons une doctrine de la nationalité endocoloniale. Cfr l'article 10 de la constitution, qui donne une définition tribale et zoologique et qui nous crée des problèmes », a fustigé cet enseignant de droit et rapporteur de l’Assemblée nationale.

Dans son second ouvrage, Le Code civil des obligations annoté, l’auteur Samutondi Ikomba examine en détail chaque article afin d’en identifier les éléments constitutifs et les principes fondamentaux, tout en clarifiant les termes juridiques et les concepts spécifiques.
Les doctrines congolaises, françaises et belges ont été mobilisées pour expliquer les sources historiques et les fondements théoriques de chaque disposition. Les contributions d’éminents juristes et universitaires y sont intégrées, enrichissant ainsi la réflexion autour des articles du Code. Pour chaque texte, les jurisprudences pertinentes et disponibles en droit congolais, français et belge sont recensées et analysées, illustrant l’application concrète des normes.
Il convient de souligner que, pour chaque disposition, Samutondi propose une double lecture : une approche académique, en tant que chercheur, et une lecture pratique, fondée sur les décisions rendues par les juridictions nationales et internationales. Cette démarche vise à éclairer les praticiens du droit.
Invité à livrer son analyse de l’ouvrage, le doyen de la faculté de droit de l’Université de Kinshasa, Vincent Kangulumba, n’a pas mâché ses mots. Il a salué le travail de l’auteur et déclaré : « Le Code civil n’était pas destiné aux Congolais. Nous avons acquis notre indépendance, les choses ont commencé à changer, mais on n’a jamais touché à ce document. ».
En définitive, Samutondi Ikomba Samy, docteur en droit de l’Université de Kinshasa depuis 2013, dont les deux ouvrages ont été portés sur les fonts baptismaux ce jour-là, a précisé : « la nationalité est une question transversale, capitale. C’est une question d’âme et d’esprit. La nationalité est un état d’esprit, une mentalité. Vouloir se limiter à des considérations pratiquement d’ordre subjectif, en la définissant simplement comme un lien qui rattache une personne à un État, ce serait l’empoisonner. Il faut l’ouvrir pour que chacun puisse y apporter sa contribution.»
Ce président de la Commission scientifique nationale d’experts pour l’adhésion de la RDC aux conventions des Nations Unies sur l’apatridie, et membre de la Commission scientifique pour la reconnaissance internationale du génocide commis sur le territoire de la RDC (Génocost), a également souligné que la nationalité demeure, une question d’actualité. Elle exige un engagement courageux, « pour qu’un jour nous puissions apporter des solutions concrètes et précises, sans passion, à une problématique qui reste irrésolue ».
Ce professeur d’université et directeur du Centre de recherche interdisciplinaire de droit de l’homme en Afrique centrale a abordé cette question sous ses aspects juridiques, sociologiques, politiques, philosophiques et psychologiques. « Pour dire que la nationalité n'est pas seulement juridique, mais aussi spirituelle, j'ai tenté d'y apporter des réponses pour que nous ayons le courage d'aborder cette question en y apportant des solutions en nous focalisant ses angles qui donnent plusieurs opportunités et plusieurs solutions », renchérit-il.
S’agissant du droit civil, il a révélé : « ce que nous appliquons aujourd’hui en matière de contrats et d’obligations date du 30 juillet 1888. Plus d’un siècle s’est écoulé depuis sa promulgation, et ce texte ne répond plus aux réalités actuelles. »
Pour lui, il s’agissait de procéder à une mise à jour, laquelle ne passe pas uniquement par une réforme législative, mais aussi par une adaptation ou une critique nourrie par la doctrine et la jurisprudence.
Censés baptiser les deux ouvrages du professeur Samutondi, le président de la Cour constitutionnelle et du Conseil Supérieur de la Magistrature, Dieudonné Kamuleta, ainsi que Jean-Marie Kayembe Ntumba, recteur de l’UNIKIN, étaient absents à ce rendez-vous de vernissage et se sont fait représenter.
César OLOMBO