La représentante du Secrétaire général des Nations-Unies en République Démocratique du Congo et cheffe de la MONUSCO, Bintou Keita, a déploré, ce mardi 30 septembre, le fossé persistant entre les décisions du Conseil de Sécurité de l'ONU et les réalités sur le terrain dans l’Est de la République. Devant les Etats membres de cette instance de l'ONU, Bintou Keita est revenue sur une série de mesures prises par le conseil de sécurité sur la RDC dont les résultats restent mitigés sur le terrain.
" Le 21 février, le Conseil a adressé un message clair à toutes les parties en adoptant la résolution 2773. Cette résolution appelait notamment à une cessation immédiate et inconditionnelle des hostilités et exhortait l'AFC/M23 à cesser les combats, à se retirer de Goma, de Bukavu et de toutes les autres zones contrôlées et à mettre fin à son administration parallèle. Huit mois plus tard, les principales dispositions de la résolution 2773 restent largement non appliquées. Malgré les demandes du Conseil, l'AFC/M23 a poursuivi sa logique d'expansion et de consolidation territoriale ", a déploré Bintou Keita, cheffe de la MONUSCO dans son discours.
Et de poursuivre :
" Depuis la prise de Goma, les AFC/M23 ont remplacé les institutions officielles par des structures alternatives, affaiblissant ainsi les institutions des provinces du Nord et du Sud-Kivu. Plus de 7 000 nouvelles recrues ont suivi une formation militaire au cours des sept derniers mois dans les camps des AFC/M23. Depuis juin, la MONUSCO a reçu de nombreuses demandes de protection personnelle dans les territoires contrôlés par les AFC/M23. Dans le territoire de Rutshuru, Juillet a été le mois le plus meurtrier depuis la résurgence du groupe fin novembre 2021."
Face à ce tableau, la cheffe de la MONUSCO, Bintou Keita, appelle le Conseil de sécurité à « traduire ses engagements en véritables progrès sur le terrain »
" Cela souligne le décalage persistant entre les décisions du Conseil et la réalité sur le terrain. J'appelle le conseil et tous les partenaires à parvenir à un cessez-le-feu permanent et à un accord de paix durable qui instaurera la stabilité dans l'est de la RDC. Ce n'est qu'à cette condition que les engagements se traduiront par des progrès significatifs pour la population. La MONUSCO, pour sa part, reste pleinement engagée à soutenir les efforts de paix en cours et se tient prête à jouer son rôle dans la mise en œuvre d'un cessez-le-feu permanent, à condition qu'elle reçoive un mandat clair du Conseil et les ressources nécessaires ", a souligné Bintou Keita.
Dans son exposé, Bintou Keita a mis en exergue quelques avancées enregistrées dans les initiatives diplomatiques de Washington et celle de Doha sous la médiation du Qatar.
" Permettez-moi d’abord de souligner les progrès enregistrés depuis le 27 juin. Plusieurs jalons importants ont été franchis. Des pays et organisations régionales : les États-Unis, le Qatar, l’Union africaine, la communauté d’Afrique de l’Est et la communauté de développement de l’Afrique australe se sont engagés de manière concrète en faveur de la paix. Les parties se sont engagées dans les pourparlers de paix ", a déclaré Bintou Keita.
Et de poursuivre :
" À la suite de la signature de l’accord de Washington le 27 juin, deux réunions du comité de surveillance conjoint et du mécanisme conjoint de coordination de la sécurité ont eu lieu. Les pourparlers de Doha ont repris. Ils ont abouti à la signature en juillet d’une déclaration de principe entre le gouvernement de la RDC et l’AFC/M23. Les facilitateurs de l’Union africaine ont rencontré des femmes, des leaders communautaires et des représentants de la société civile. Tous sont des acteurs indispensables pour une paix inclusive. "
Malgré les initiatives diplomatiques régionales et internationales, la situation sécuritaire reste critique dans l’Est de la RDC. "Toutefois, la paix tarde à se concrétiser sur le terrain. Depuis juin, la MONUSCO a comptabilisé 1087 civils tués lors d’actes de violence en Ituri et au Nord-Kivu. Et le bilan s’alourdit de jour en jour ", a fait remarquer Bintou Keita, cheffe de la MONUSCO.
Le processus de paix entre la RDC et le Rwanda connaît de nouveaux retards. Prévu pour démarrer dès la mi-juin, avec la mise en place d’un mécanisme conjoint de coordination de la sécurité et un calendrier précis, il a rapidement buté sur des désaccords de fond. Les discussions de septembre ont mis en lumière des divergences persistantes, notamment sur le rôle du M23, le soutien présumé du Rwanda et la responsabilité de neutraliser les FDLR.
Malgré la fixation du 1ᵉʳ octobre comme date de lancement du « Concept des opérations », le calendrier reste incertain et les tensions sur le terrain alimentent les doutes. À Kinshasa comme à Kigali, la méfiance demeure, et le chemin vers une mise en œuvre effective du processus apparaît semé d’embûches. Sur terrain,la violence se poursuit et les deux camps s'accusent mutuellement d'être à la base des violations du cessez-le-feu.
Clément MUAMBA