À une semaine de la rentrée scolaire prévue le 1er septembre, les enseignants des territoires de Masisi et Rutshuru, dans la province du Nord-Kivu, tirent la sonnette d’alarme. Sans salaire depuis plus de six mois pour la majorité d’entre eux, ces professionnels de la craie exigent du gouvernement congolais le paiement immédiat de leurs arriérés comme condition à la reprise des cours.
Selon les syndicats locaux, seuls quelques enseignants de Masisi ont perçu leurs salaires pour les mois de mars et mai. Le reste attend toujours.
Outre les salaires, les enseignants dénoncent également l’irrégularité des primes de gratuité et des frais de fonctionnement. Depuis le début de l’année, seul le mois d’avril aurait été payé. Une situation jugée intenable dans une région déjà fortement affectée par l’instabilité sécuritaire.
« Pendant que ce 1er septembre marque l’ouverture de l’année scolaire sur toute l’étendue de la République pour l’année scolaire 2025-2026, l’enseignant de Masisi et celui de Rutshuru ne sait pas où il va toucher pour acheter les fournitures scolaires pour son enfant. Quand vous allez nous dire de nous laisser sans nous payer nos salaires, où est-ce que nous allons toucher ? Ou peut-être vous croyez que l’enseignant ne met pas au monde ? Vous devez savoir quand même que nous sommes aussi des parents, comme les autres parents. Mais les autres parents commencent maintenant à se préparer pour acheter les fournitures scolaires de leurs enfants. Quant à nous, qui sommes enseignants, nous allons toucher où ? », s'interroge Bandu Bauma Exauce, représentant de la Force syndicale des enseignants du Congo (FOSYNAT) dans le territoire de Masisi.
Et de poursuivre :
« Quand un enfant va manquer même un stylo, un parent… quand il manque même un cahier, un parent… quand il manque même l’uniforme de son enfant, pendant qu’il est enseignant, pendant qu’il est fonctionnaire de l’État… Le gouvernement doit vraiment s’impliquer pour que la Caritas paie les enseignants. Dans ces conditions, comment voulez-vous que nous préparions la rentrée de nos propres enfants ? Nous sommes totalement abandonnés ».
Les inspecteurs d’enseignement aussi dans l’impasse
La grogne ne se limite pas aux enseignants. Réunis en assemblée générale extraordinaire le 20 août dernier, les membres du Syndicat national des inspecteurs d’enseignement au Congo (SYNIECO) Nord-Kivu II ont également dénoncé le non-paiement partiel de leurs primes liées à la surveillance des épreuves certificatives nationales de cette année.
Ils réclament notamment le solde de la prime de prestation, ainsi que les primes de fonction spéciale et d’itinérance, indispensables, selon eux, pour mener à bien leur mission dans des zones parfois inaccessibles.
« Nous avons tout de même lancé un ultimatum au gouvernement afin qu’il verse la prime pour fonction spéciale des inspecteurs, ainsi que la prime d’itinérance. Sans cela, il n’y aura pas de véritable rentrée scolaire. Car lorsqu’un inspecteur doit se rendre à Kamango, à Kirumba ou dans des zones encore plus reculées en cette période de guerre, il est constamment exposé au danger, voire à la mort. Il peut bien sûr se déplacer, mais avec quels moyens ? Il donnera peut-être l’impression de travailler, mais en réalité, il ne pourra pas fournir un service de qualité.
Le gouvernement avait dit que c’était la première tranche pour l’ENAFEP et la hors session. Mais nous avons constaté qu’à ce jour, la deuxième tranche n’est toujours pas là. Nous interpellons donc le gouvernement à payer cette deuxième tranche en urgence, parce que nous avons organisé la session ordinaire et le TENASOSP sans moyens. Et nous sommes toujours dans l’attente », souligne le syndicat des inspecteurs.
Face à cette grogne, la ministre d’État à l’Éducation nationale, Raïssa Malu Dinanga, a rencontré, le 21 août à Kinshasa, les leaders syndicaux nationaux dans le cadre des préparatifs de la rentrée scolaire 2025-2026. Cette rencontre, tenue au Collège Boboto, visait à évaluer les engagements pris lors des assises de Bibwa en août 2024, selon la cellule de communication de son ministère, une réponse qui peine toutefois à convaincre les syndicats des zones en conflit.
Le président de l’intersyndical, Godefroid Matondo, a salué la volonté de dialogue de la ministre, tout en rappelant que les attentes sur le terrain restent élevées.
Dans la province du Nord-Kivu, située dans la partie Est de la RDC, l’aggravation de l’insécurité due à l’occupation de plusieurs localités, notamment autour de Goma, par les rebelles de l’AFC/M23, avait provoqué l’arrêt des activités bancaires.
Cette situation complique davantage le paiement des enseignants et des fonctionnaires, malgré les promesses du gouvernement de mettre en place des mécanismes alternatifs. Promesses qui, jusqu’à présent, n’ont connu aucun début d’exécution.
En mars dernier, la ministre de l’Éducation s’était engagée à ce que Kinshasa prenne en charge les enseignants non rémunérés. Près de six mois plus tard, cet engagement n’a toujours pas été concrétisé.
Josué Mutanava, à Goma