Kinshasa : des cas de bavures des militaires “chikata” à la base de la terreur et de l'insécurité à Kisenso

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Kinshasa/Kisenso

Composée en majorité des jeunes, tous pourvus d'armes AK-47 neuves, l'unité militaire dénommée « Chikata» est accusée depuis quelque temps de plusieurs cas d’abus dans certains coins de la ville de Kinshasa où elle est disséminée. Au quartier Kabila, ex anciens combattants, dans la commune de Kinseso, l'une des banlieues de la capitale, les habitants haussent le ton notamment sur des arrestations arbitraires, torture et tueries. 

Venus en masse pour contenir d'abord le phénomène Arabes-Américains, des guérillas qui opposaient des jeunes hostiles en 2022, puis le banditisme urbain (Kuluna), la présence de ces «chikata», dont la base est bordée par la rivière Polo, frontière entre les communes de Kisenso et Mont-ngafula, installe littéralement la peur au ventre des gens, en raison de leur brutalité et agressivité contre les habitants.

Un professeur d’universités, qui a témoigné sous couvert d'anonymat, a relaté son humiliation par les chikita qui l'avaient contraint de se déshabiller, lui, et son collègue, les forçant à leur donner de l'argent. 

« Je suis victime de ces gens-là qu'on appelle des chikata.  Je suis à Kisenso, précisément au quartier Kabila. On a fait un deuil à la maison et puis je suis allé récupérer les chaises. C'était aux alentours de 21 heures. Et j'étais muni de ma carte d’électeur. J'arrive sur l'avenue de la paix, je trouve une moto qui passait qu'on appelle Kweiseke. Et ces gens-là arrivent et ils nous poursuivent et nous arrêtent arbitrairement. Je leur ai posé la question, pourquoi vous nous arrêtez ? Ils n'ont rien dit et puis ils nous ont fait monter comme des animaux dans cette moto-là. Ils nous ont conduits près de là où ils ont un cachot. Je leur ai présenté ma carte d’électeur et ils ont dit que cette carte-là ne les intéressait pas. Ce qui est important pour eux, c'est l'argent », a-t-il dit à ACTUALITE.CD, en espérant qu'une solution soit trouvée. 

Moto Keweseki : outil pour opérer

Plusieurs jeunes du quartier Kabila sont déjà au courant du modus operandi de ces jeunes de la garde républicaine, appelés Chikata. Ces derniers, d'après des habitants, s'éclipsent pendant le jour pour apparaître le soir dans un tricycle, surprenant des passants le long de la route de la paix, qu'ils arrêtent avec violence et embarquent dans leur moto à trois pneus confisquée. Direction : leur base où ils infligent des supplices, surtout à ceux qui tentent de les recadrer. 

Cent mille francs congolais obligatoire avant relaxation

À en croire certains témoignages, lorsqu'une personne tombe entre leur main, cette dernière doit choisir entre l'humilité pour éviter l'humiliation en public et l'obéissance à toutes leurs exigences, dont la première est inéluctablement le versement de 100 mille francs congolais après un traitement supplicié. Alors qu'ils louaient leur première intention, feignant la protection de la population civile contre les actes de bavure des policiers de la place, les habitants sont désormais exacerbés par la cruauté de Chikata, les pointant d'être responsable de l'insécurité au quartier, pourtant pacifique jadis.

« Alors comment on peut vivre avec des gens qui sont venus pour nous sécuriser et qui sont les mêmes qui créent de l'insécurité. En tout cas, cette sécurité devient vraiment criante. C'est comme ça que nous disons au gouvernement de revoir ce problème de chikata et s'il faut le remplacer par d'autres troupes, ou par des policiers bien éduqués, et parce que nous sommes dans l'ère civile, où on respecte la police, la police doit aussi nous respecter. On respecte les militaires, les militaires doivent nous respecter, ils ne doivent pas nous traiter comme des animaux », soupire un autre.

Viols et tueries dans leur actif 

Dorénavant, s'inquiète un père de famille, ces gardes républicains se coalisent avec les policiers du quartier Kabila 1, 2 et 3, commettant d'actes insupportables, jusqu'à violer des filles qu'ils arrêtent et tuent à la moindre contestation.

« Dès qu'il est 20 heures, c'est fini. Que tu viennes du travail, où que sais-je, que tu montres tes cartes ou je ne sais quoi, ce n'est pas leur problème. Ils vont t'arrêter, te menacer jusqu'à t'amener dans leur base, te faire ce que bon leur semble pour qu'enfin tu leur payes 100 mille avant d'être libéré. Ils ont renforcé leur présence au quartier Kabila 2, où ils ont récemment fait irruption dans une parcelle, arrêtant sans raison plusieurs jeunes garçons et la fille d'un policier, qu'ils ont violée dans leur base de la rivière qui sépare Kisenso et Mont-Ngafula », relate-t-il péniblement.

“Ils disent avoir reçu l'ordre du président de la République”

Posant ces actes, explique un autre enseignant, ces militaires se targuent,  disant avoir reçu l'ordre du président de la République. C'est ainsi qu'ils sont capables de te tirer dessus si seulement tu oses bouder», dit-il. Il invite les policiers militaires (PM) en mission d'arrestation de ces éléments de la GR, de laisser à distance leur pick-up pour saisir les Chikata, dont les opérations débutent à partir de 20 heures. 

« En tout cas, ça ne va pas ici. Ils se permettent de torturer tout le monde: les autorités, les responsables. C'est pourquoi nous lançons ce cri d'alarme au gouvernement de retirer ces jeunes d'ici », souhaite-t-il. 

Au niveau de leur base ( rivière Polo) et vers Ndjili brasserie dans la commune de Mont-ngafula, ils installent à partir du soir des barricades sur la route pour arrêter des motards ainsi que leurs passagers dépourvus de cartes d'électeurs, prétextant qu'ils veulent combattre l'infiltration des «ennemis». Cette opération vire le plus souvent aux affrontements occasionnant des embouteillages sur fond de panique. 

Samyr LUKOMBO