Face à l’urgence climatique et à l’expansion des projets énergétiques à grande échelle en Afrique, les voix des communautés locales longtemps marginalisées tentent de se faire entendre. C’est dans ce contexte que la Coalition des organisations de la société civile pour le suivi des réformes et de l’action publique (CORAP) et partenaires ont lancé, ce mercredi à Kinshasa, la 1ère édition du Forum continental africain sur les Méga-barrages et la Crise climatique. Un événement inédit, qui se tiendra jusqu’au 27 juin, et qui entend jeter les bases d’un mouvement continental des communautés affectées par les grands barrages.
Dans son allocution d’ouverture, Emmanuel Musuyu, Secrétaire exécutif de la CORAP/RDC, a rappelé l’objectif fondamental du forum : mobiliser les acteurs de la société civile et les communautés affectées par les grands barrages pour exiger une transition énergétique juste.
« Nous avons la participation des acteurs de la société civile et des communautés touchées par les grands barrages ou qui les seront bientôt qui viennent de plusieurs coins de l'Afrique, dans le but justement de réfléchir sur quel avenir pour le développement de l'Afrique. Donc, ici la réflexion de ces communautés, c'est de dire, nous sommes conscients que l'Afrique n'est pas l'un des plus grands contributeurs jusque là, ou n'est pas la source au fait de problèmes climatiques que nous avons. Nous voulons limiter le développement des méga-barrages qui entraînent des conséquences irréversibles sur l’environnement, l’économie locale et le tissu social des communautés. », a-t-il déclaré.
Mais aussi, cet événement est une occasion de trouver un positionnement commun face aux nouvelles politiques des institutions africaines de développement et de la Banque mondiale sur les grands barrages.
“ Ce forum, comme je le disais, est tout d'abord motivé par la politique ou les politiques que les États développent autour de ce projet d'infrastructure. Elle est motivée aussi par la vision africaine. Qu'est-ce que l'Afrique, l'Union africaine ou carrément toutes ces institutions africaines mettent en place comme initiative pour le développement énergétique et mais également le développement de façon globale. Elle est motivée également par la vision, la récente vision de la Banque mondiale qui veut revenir dix ans après dans le financement des projets, des grands barrages. On se pose la question, il y a dix ans on avait arrêté pourquoi elle y revient maintenant ?”, a poursuivi M. Emmanuel.
Trouver un équilibre entre les énergies propres et le développement économique
L’ambassadeur Tosi Mpanu Mpanu, conseiller principal à la Présidence chargé de l’environnement, a salué l’initiative. Il a toutefois insisté sur la nécessité de trouver un juste milieu entre les besoins substantiels des communautés et les besoins en énergies sobres en carbone.
“Je crois que nous sommes confrontés à plusieurs scénarios de développement. Nous pouvons choisir le bon, celui qui fasse la part belle à nos besoins énergétiques, à nos besoins de réduction de la pauvreté. On ne peut pas dire que nous allons complètement aller dans un développement sobre en carbone qui ralentit nos possibilités de croissance économique. Donc il nous faut trouver un modèle équilibré. Non pas un modèle totalement vert, non pas un modèle totalement gris, mais un modèle qui soit entre les deux”, a expliqué l’ambassadeur Tosi Mpanu Mpanu.
Et d’ajouter:
“ Mais pour y arriver il faut une démarche inclusive, consultative, participative, où toutes les parties prenantes concernées donnent leur avis, donnent leurs idées qu'on puisse co-construire un modèle de développement qui crée un consensus, qui puisse ensuite être adopté au niveau de la base et envoyé vers les décideurs.
Le premier Forum continental africain sur les méga-barrages et la crise climatique constitue aussi une étape préparatoire à la IVᵉ Rencontre internationale des communautés affectées par les barrages et la crise climatique, prévue pour novembre prochain à Belém do Pará, en Amazonie brésilienne. L’idée est de permettre aux communautés africaines de s’organiser pour porter une voix forte, solidaire et représentative.
Ce forum réunit des participants venus de plus de quinze pays, dont l’Afrique du Sud, le Mozambique, la Guinée, le Nigeria, le Ghana, le Kenya, le Togo, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Sénégal et même le Brésil. En RDC, les délégations de communautés locales affectées – telles que Inga, Sombwe, Ruzizi, Busanga, Luozi et Songololo – sont également présentes, aux côtés d’ONG de terrain basées à Boma, Matadi et Kinshasa.