Arrivé directement de Goma sous occupation, Kikaya Bin Karubi, collaborateur proche de l’ancien président Joseph Kabila – accusé par Félix Tshisekedi de diriger la rébellion soutenue par le Rwanda dans l’Est du pays – séjourne depuis quelques jours à Washington DC, où il affirme mener une mission d’explication. C’est dans la capitale américaine qu’ACTUALITE.CD l’a rencontré.
Alors que les délégués de Kinshasa et de Kigali affluent vers Washington pour négocier le plan de paix initié par les États-Unis, qui ambitionnent de parvenir à un accord entre les deux parties en conflit d’ici juillet prochain, un acteur majeur de la crise, resté en retrait de la diplomatie américaine jusqu’à présent, cherche à se faire entendre et à faire valoir ses arguments auprès des autorités de Washington. Joseph Kabila, prédécesseur de Félix Tshisekedi à la tête du pays, a mandaté l’un de ses plus proches collaborateurs, Kikaya Bin Karubi, dans la capitale américaine. Une mission qui coïncide avec la présence également depuis quelques jours à Washington de l’opposant Moïse Katumbi, déjà reçu au Département d’État, et qui devrait, parallèlement à ses contacts auprès de l’administration Trump, participer à la Coupe du monde des clubs qui se déroulera à partir du 15 juin dans plusieurs villes américaines.
« Je suis venu rencontrer les officiels du Congrès, de la Chambre des représentants, du Conseil de sécurité nationale, certains milieux qui réfléchissent sur la question de la RDC et notamment des organisations comme Human Rights Watch », précise à ACTUALITE.CD Kikaya Bin Karubi, rencontré jeudi entre deux rendez-vous près de la Maison-Blanche.
Le but, martèle Kikaya Bin Karubi, collaborateur depuis 25 ans et l’un des principaux conseillers de l’ancien président congolais de 2001 à 2019, « est celui d’expliquer le bien-fondé du retour actif en politique de Joseph Kabila, défendre la famille politique de Kabila, ses idées et faire comprendre la situation réelle du pays qui vit une catastrophe avec le régime actuel. Le message principal, c’est celui qui est contenu dans son discours et présenté aux décideurs américains : le plan de paix proposé par Joseph Kabila qui vise à mettre fin à la tyrannie ».
Le 26 mai, Joseph Kabila a fait son retour en RDC par la ville de Goma, mettant fin à un exil débuté en décembre 2023, après avoir, dans sa première adresse à la nation depuis 2019, lancé une violente critique contre la gouvernance de son successeur Félix Tshisekedi. Il avait alors annoncé son intention de revenir dans la capitale provinciale du Nord-Kivu, tombée sous le contrôle des rebelles et de leurs soutiens rwandais en janvier, pour jouer un rôle actif et, selon ses termes, mettre un terme à la dictature et à la tyrannie de Félix Tshisekedi. « Les objectifs du président Kabila ne sont pas en contradiction avec ceux de la rébellion. Ils visent tous à mettre fin à la tyrannie de Tshisekedi », dit Kikaya Bin Karubi.
Si les diplomates et observateurs internationaux s’interrogent vivement sur les véritables intentions de Joseph Kabila, dont le choix de retourner à Goma soulève de nombreuses questions sur une possible alliance avec les rebelles ou une stratégie politique audacieuse, Félix Tshisekedi, son successeur, craint que ce retour ne soit qu’un prélude à une tentative de renversement par la force, visant à restaurer Kabila au pouvoir.
Depuis la levée de ses immunités le 22 mai, Joseph Kabila est visé par de graves accusations formulées par l’auditeur général près la Haute Cour militaire, qui l’inculpe notamment de « trahison, crimes de guerre, crimes contre l’humanité et participation à un mouvement insurrectionnel », en raison de son prétendu soutien à la rébellion M23, appuyée par le Rwanda. « Nous savons que la prochaine étape, c’est qu’au-delà de ses biens qui sont confisqués, ils veulent émettre un mandat d’arrêt international contre Kabila », ajoute Kikaya.
Alors que le gouvernement congolais accuse Kabila de se faire sécuriser à Goma par une rébellion défaite en 2013 et par des militaires rwandais, l’entourage de Kabila soutient que ce dernier, « dépouillé » de sa garde par Félix Tshisekedi avant son exil, a formé sa propre garde composée de plusieurs éléments qui sont avec lui « partout, et même à Goma ».
Stanis Bujakera Tshiamala, à Washington