À l’occasion de la 30ème journée mondiale du livre et du droit d’auteur, une conférence s’est tenue ce mercredi 23 avril au Centre Wallonie-Bruxelles de Kinshasa sous le thème : « Le droit d’auteur à l’ère de l’intelligence artificielle : entre innovation et protection des créateurs ».
Quatre intervenants ont pris la parole pour discuter sur les nouveaux défis que pose l’intelligence artificielle (IA) dans le domaine artistique et littéraire. Junior Luyindula, expert en droit d’auteur, a souligné l’ancienneté de la loi congolaise sur le droit d’auteur, qui date de 1986. Pour lui, cette loi n’est plus adaptée aux réalités actuelles.
« Le problème maintenant en RDC, c'est que nous avons un texte de 1986. Donc, notre texte qui traite du droit d'auteur date de cette année-là. À une époque où l'IA, c'était comme si vous parliez des extraterrestres. À une époque où Internet n'avait même pas le droit de cité », a-t-il affirmé.
Il appelle à un changement urgent pour protéger les créateurs tout en tenant compte de l’évolution technologique.
Patrick Kitenge dit Pat Le Gourou, écrivain et éditeur, s’est penché sur la question de la tromperie autour des œuvres générées par l’IA.
« La question centrale est de savoir si l'acheteur est victime d'une tromperie lorsqu'il achète une œuvre créée en partie ou en totalité par l'IA, en particulier si l'acheteur est influencé par la réputation de l'auteur », souligne-t-il, insistant sur la nécessité d’adapter les lois pour éviter ces confusions et prévoir des sanctions en cas d’abus.
Gracy Omokosso, expert en intelligence artificielle, a illustré son intervention par une chanson entièrement générée par une IA. Pour lui, il est indispensable d’apprendre à utiliser ces outils et à comprendre leurs implications.
« Il s'agit ici de l'évolution. Même l'IA a commencé en 1950. Si aujourd'hui, elle a pris cette ampleur, c'est parce qu'il y a eu une évolution. Et face à l'évolution, surtout technologique, je pense qu'on devrait s'adapter avec l'évolution que de la repousser. Parce que très rapidement, on va devenir obsolète », a-t-il dit.
De son côté, Blaise Bula, président du conseil d’administration de la SOCODA, a exprimé une position plus ferme contre l’usage de l’IA dans la création artistique. Il estime qu’elle risque de dévaloriser le travail humain.
« Il faut défendre l’humanité et l’originalité dans la création et renforcer la protection des artistes au lieu d’ouvrir la porte à des technologies qui pourraient les remplacer », a-t-il indiqué.
Au-delà de différents points de vue, cette conférence a permis de rappeler une réalité sur l’intelligence artificielle qui est déjà présente dans le monde artistique. Pour la RDC, il devient urgent de moderniser ses lois afin de garantir une protection équitable des créateurs, tout en restant ouvert à l’innovation.
De plus, la reproduction et la distribution massives d'œuvres générées par l'IA pourraient potentiellement dévaluer le travail des créateurs humains. Si des IA peuvent produire en continu et à faible coût des contenus similaires à ceux créés par des artistes, des écrivains ou des musiciens, cela pourrait impacter leurs revenus et leur capacité à vivre de leur art.
Un autre danger concerne l'utilisation non autorisée de contenus protégés pour l'entraînement des modèles d'IA. Les vastes ensembles de données utilisés pour entraîner ces IA contiennent souvent des œuvres soumises au droit d'auteur. La question de savoir si cette utilisation constitue une violation du droit d'auteur est un débat juridique majeur. L'IA pourrait également être utilisée pour faciliter la contrefaçon à grande échelle, en permettant de générer des copies quasi parfaites d'œuvres protégées.
Benedicte Mbuku, stagiaire UCC