L’art performance en RDC : une scène en pleine mutation au cœur d’une réflexion à Kinshasa

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Conférence sur l'art performance à l'Institut Français de Kinshasa

L’Institut français de Kinshasa a accueilli, les 24 et 25 janvier derniers, deux journées dédiées à la recherche sur l’art performance, dans le cadre du festival Kin-Etelemi-Telemi. Placé sous le thème « Litaka » (têtard), cet événement a rassemblé des artistes, des chercheurs et des penseurs pour explorer les origines et les enjeux de cet art en République démocratique du Congo (RDC).

Organisé par le collectif Farata, en partenariat avec Krithika Artprojects, cet événement s’inscrit dans une volonté de rendre l’art plus accessible et compréhensible au grand public. Le collectif Farata, déjà initiateur du festival Kinshasa Up, s’efforce d’introduire des formes artistiques expérimentales auprès d’un public non initié. L’une des particularités de leurs performances réside dans l’utilisation de costumes confectionnés à partir de matériaux de récupération, glanés dans les rues ou achetés à bas prix.

Cette deuxième édition du festival Kin-Etelemi-Telemi a ainsi posé des jalons importants pour une meilleure compréhension de l’art performance en RDC. Cette discipline, encore méconnue d’une partie du public, suscite un intérêt grandissant, notamment grâce aux échanges enrichissants qui renforcent une communauté artistique unie et engagée.

Intervenant lors de la première journée de réflexion, le Professeur Charles Ntumba a souligné l’importance d’une telle initiative, se disant très touché par cette soif de la jeunesse de comprendre les tenants et les aboutissants de cet art performatif. Il a également mis en avant le déficit d’enseignement de cet art dans les institutions académiques.

« Dans les cours d’esthétique, on ne parle pas de cette forme artistique. Les ateliers, conférences et événements comme Kin-Etelemi-Telemi sont donc des opportunités d’apprentissage majeures », a-t-il souligné.

L’art performance s’est pourtant implanté progressivement en RDC depuis le début des années 2000. L’Académie des Beaux-Arts et l’Institut français de Kinshasa ont joué un rôle clé dans son développement, permettant à plusieurs artistes de bénéficier de formations en Europe grâce à des bourses et des opportunités de perfectionnement.

Malgré cette évolution, le défi majeur demeure le financement. Nombreux sont les artistes qui créent et se produisent avec leurs propres moyens, sans soutien institutionnel.

« Beaucoup de performances sont réalisées avec des ressources limitées. Il est temps de s’interroger sur la viabilité économique de cette discipline », indique le le Professeur Charles Ntumba à ACTUALITE.CD

Loin d’être une simple expression artistique, la performance est un moyen d’interroger la société congolaise. Selon le Professeur Ntumba, les artistes devraient s’inspirer des réalités actuelles pour nourrir leur démarche.

« On impose pas aux artistes mais l’art doit s’engager sur des thématiques contemporaines telles que l’insalubrité, l’insécurité, les inégalités sociales, la condition des femmes, ou encore la situation sécuritaire à l’Est du pays », a-t-il ajouté.

L’art performance se distingue par sa capacité à aller vers le public, dans les marchés, les rues ou les transports en commun. Il rompt avec les conventions des salles de spectacle et offre une expérience immersive où l’artiste devient lui-même une œuvre d’art.

Si l’art performance a su trouver sa place au sein de la scène artistique congolaise, son intégration dans les programmes d’enseignement reste un enjeu majeur. L’absence de formation officielle freine son développement et alimente les réticences de certains enseignants.

« Il faut un effort de formation et de recyclage des enseignants pour que cet art trouve sa place dans nos écoles. Pour l’instant, il est enseigné de manière informelle, à travers des workshops et des initiatives ponctuelles », a indiqué le Professeur Ntumba.

Les journées de recherche du festival Kin-Etelemi-Telemi ont permis de poser les bases d’une réflexion plus large sur l’avenir de l’art performance en RDC. Après les échanges, pendant les deux jours, les performances du collectif Libongo et Mpeve ont captivé le public, pour lier les paroles à l’acte exprimant au passage la richesse et le potentiel de cette discipline.

Kuzamba Mbuangu