" Je suis arrivée à Kinshasa il y a presque un an, sans rien, à part un sac à dos avec quelques souvenirs" Gabrielle, une jeune déplacée de guerre témoigne

Photo/ Droits tiers
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Chaque jour, la guerre qui ravage l’Est de la RDC laisse derrière elle des vies brisées, des familles dévastées, et des rêves arrachés. Parmi les victimes de ce cycle de violences, les jeunes forment une population particulièrement vulnérable. Le Desk Femme d'Actualité.cd a rencontré, ce lundi 13 janvier, Gabrielle, une jeune orpheline de 20 ans, actuellement réfugiée à Kinshasa après avoir fui la guerre de l'Est. 

Son témoignage révèle les horreurs vécues par des milliers d'enfants déplacés, contraints de tout abandonner pour survivre. Le nom utilisé est fictif pour préserver son anonymat.

Née à Beni, l'une des régions les plus affectées par les affrontements armés, Gabrielle a vu sa vie bouleversée en quelques mois. 

« Nous vivions dans la peur constante, je me rappelle des bruits de balles et des explosions qui secouaient notre maison », confie-t-elle. À l'âge de 16ans, elle perd ses parents dans une attaque violente. « Nous avons fui la guerre avec ma famille, mais j'ai perdu mes parents dans les affrontements. J’ai vu mon père mourir sous mes yeux. Ma mère a été tuée quelques jours plus tard.» 

Après la disparition de ses parents, Gabrielle, seule rescapée avec ses frères, est contrainte de fuir à pied, traversant des forêts, échappant à des groupes armés et cherchant désespérément un refuge.
Son périple la mène jusqu’à Kinshasa, où elle vit actuellement dans un centre d’hébergement, sans nouvelles de ses frères qu’elle n’a jamais retrouvés. « La vie est injuste. Depuis la mort de mes parents, j’ai tout donné pour protéger mes frères. Mais je suis arrivée à Kinshasa il y a presque un an, sans rien, à part un sac à dos avec quelques souvenirs. En chemin, nous nous sommes perdus. Je ne sais même pas par où commencer pour les retrouver. »

Des milliers d’enfants déplacés souffrent de troubles psychologiques

Dans la capitale congolaise, elle se confronte à une réalité bien différente. « Ici, tout est nouveau et effrayant. Les bruits de la ville, les gens qui ne nous comprennent pas. La peur de l'inconnu, la peur de l’avenir, de ne pas savoir ce qui va arriver demain. La vie ici est loin d’être facile.»
Comme beaucoup d’enfants déplacés, Gabrielle vit dans une précarité constante, privée d’un environnement stable. La situation est d’autant plus difficile pour elle que l’intégration dans la vie urbaine s'avère compliquée. L'isolement social est pesant, et le sentiment de ne pas appartenir à cette ville qui ne lui offre ni réconfort ni compréhension pèse lourdement sur son moral. « On nous regarde comme des intrus. Souvent, je me sens invisible, comme si ma douleur n’existait pas pour les autres », raconte-t-elle.
Au-delà des conditions de vie difficiles, le traumatisme psychologique est omniprésent. Pour Gabrielle, les souvenirs de la guerre hantent ses nuits. « La nuit, je fais des cauchemars. Je revois l’attaque, les visages des hommes armés, le sang partout. » Comme elle, des milliers d’enfants déplacés souffrent de troubles psychologiques, souvent ignorés dans les camps de réfugiés ou les centres d’accueil. En RDC, la prise en charge de ces traumatismes est insuffisante, laissant ces jeunes sans l’aide nécessaire pour se reconstruire.


Privés d'accès à une éducation stable

Privée d’école pendant plus de deux ans, elle a dû reprendre son apprentissage dans un centre d’accueil, mais les conditions sont loin d’être idéales. « L’école, c’est ma seule échappatoire. Mais ici, les ressources sont limitées, et l'enseignement est souvent interrompu à cause des crises. »
À travers son récit, Gabrielle lance un appel aux autorités nationales et à la communauté internationale pour qu’elles n’ignorent plus le sort des enfants déplacés. « Les enfants comme moi ont des rêves, mais ces rêves sont étouffés par la guerre et le manque de soutien. Nous avons besoin d’aide. Nous avons besoin d'une vraie protection. J'espère qu'un jour, plus aucun enfant ne vivra ce que nous avons vécu. Qu'on nous donne des opportunités de grandir en paix et d'aller à l'école. Ce n'est pas trop demander. » Son vœu le plus cher est de retrouver la paix, mais aussi de pouvoir grandir dans un environnement propice à son épanouissement.
Malgré tout, Gabrielle continue de nourrir l’espoir de voir un jour sa vie se reconstruire. « Je veux devenir médecin, soigner les autres, aider ceux qui, comme moi, souffrent en silence. » Cependant, pour que ces espoirs deviennent réalité, il est crucial que les enfants déplacés bénéficient de l’aide nécessaire pour guérir de leurs traumatismes, accéder à l’éducation, et enfin vivre dans un environnement sûr.
Nancy Clémence Tshimueneka