RDC : les répercussions politiques de l'annonce de l'apôtre Roland Dalo sur le "renouvellement à tous points de vue de la gestion" de l'État en 2025 (Professeur Martin Ziakwau)

Roland Dalo et Félix Tshisekedi
Roland Dalo et Félix Tshisekedi

Dans un contexte où les tensions entre le pouvoir et certaines éminentes figures congolaises de l'Eglise catholique romaine se font particulièrement ressentir, notamment en ce qui concerne la réforme constitutionnelle et les enjeux sociaux des Congolais, l'apôtre Roland Dalo, figure emblématique du Centre missionnaire Philadelphie, auquel le Président de la République, Félix Tshisekedi, est étroitement associé, a, lors d'une cérémonie empreinte de prières d'actions de grâce le 31 décembre 2024, fait des révélations.

sur la gestion de la "cité Congo" en cette nouvelle année. Ceci illustre l'engagement du "père spirituel" du chef de l'État dans le domaine politique congolais, une implication qui ne saurait être sans conséquences, sur le plan tant spirituel que politique.

Au jour inaugural du second mandat de Félix Tshisekedi à la tête de la République démocratique du Congo, le 20 janvier 2024, Roland Dalo avait déjà su attirer l'attention. Devant un parterre distingué de chefs d'État et de gouvernements ainsi que de délégations internationales, il n'avait pas hésité à exprimer ses pensées avec une franchise déconcertante lors de la prière d'ouverture de cette cérémonie officielle, riche en couleurs et en symboles. "Seigneur, nous sommes fatigués des voleurs ... Donne-nous des hommes et des femmes capables de s'oublier, de mettre de côté leurs intérêts personnels pour se consacrer au bonheur du Congolais..." avait-il déclaré.

À quelques semaines de l’an un du second mandat duchef de l'État, le 20 janvier 2025, "la question de la vie chère s'invite sur la table des décideurs que nous sommes", a reconnu le Président de la République le 20 décembre dernier, lors de son discours sur l'état de la nation. Ce, en plus de la détérioration préoccupante de la situation sécuritaire et humanitaire dans l'Est du pays.

C'est dans ce climat de morosité quasi omniprésente que Roland Dalo, après avoir exprimé en novembre dernier ses frustrations face à des cas de mégestion de la res publica, a fait des annonces prometteuses sur l'avenir de la RDC.

Dans sa prière collective d'actions de grâce à Philadelphie, Cité d'exaucement à Kinshasa, il a affirmé : 

"Et la sixième action de grâce, je Te bénis pour le renouvellement à tous points de vue de la gestion de la cité Congo. La Bible déclare qu'on ne peut pas mettre du vin nouveau dans les vielles outres. Je Te rends de multiples actions de grâce, Seigneur, parce que petit à petit, Tu es entrain de  renouveler des gens dans la gestion de notre nation ; et si Tu peux nous donner des outres neuves qui ont des vins nouveaux, nous Te bénissons.

Mais, Papa, je refuse, en Te rendant des actions de grâce, qu'il y ait des outres nouvelles pourries d'avance. Nous ne voulons pas seulement des outres neuves mais nous voulons des personnes réellement renouvellées. Et si Tu penses que tu peux renouveler des outres vieilles, et mettre dédans des vins nouveaux, nous Te rendrons aussi de multiples actions de grâce". 

Il n'est guère nécessaire de souligner l'existence de figures emblématiques de l'ancien régime, désormais investies de responsabilités considérables au sein du gouvernement et au-delà. L'apôtre Dalo, se percevant comme "un acteur majeur" dans le paysage religieux congolais, entretient des liens étroits avec certaines personnalités influentes au pouvoir. Il est donc évident qu'il est pleinement conscient de la portée et des implications des énoncés de sa prière collective, témoignant davantage de l'interaction complexe entre spiritualité et politique dans le contexte actuel congolais. 

Cette démarche pourrait bien constituer une expression publique de son soutien au pouvoir en place, et ce, malgré les frustrations qu'il avait précédemment exprimées en novembre dernier au sujet de cas de détournement des deniers publics sans aucune sanction. Une attitude qui, il convient de le noter, ne l'avait pas épargné des critiques acerbes de la part de certains fervents admirateurs du pouvoir.

Ce soutien manifeste pourrait ainsi engendrer une dynamique de mobilisation populaire en faveur particulièrement du chef de l'État.

Une manifestation de la consolidation des liens entre les deux personnalités.

Cependant, à y regarder de plus près, un bémol se profile, révélant un mélange de styles dans sa prière. En effet, lors de son action de grâce, il s'est adressé à la Divinité, formulant des requêtes semblant traduire une insistance pour la concrétisation d'une réalité qu'il désire ardemment. Cette posture, au point de friser le rejet de toute autre voie, même si celle-ci devait être perçue comme la volonté divine, soulève des interrogations sur ses interférences dans la sphère politique.

En somme, Roland Dalo se dresse en fervent promoteur de l'amélioration de la gouvernance, insufflant ainsi une portée sociétale à son ministère. Une telle posture pourrait renforcer non seulement sa stature religieuse, mais aussi son influence politique, à condition que la réalité qu'il anticipe soit en accord avec celle vécue par les Congolais. Dans ce cas, il trouverait un soutien renouvelé dans son rôle de missionnaire, susceptible de le placer au cœur de luttes politico-religieuses concernant les enjeux futurs de l'État congolais.

À l'inverse, si la réalité qu'il dépeint contredit ses annonces, il est fort probable que son aura en souffre quelque peu. En laissant entrevoir ses craintes dans cette prière, il s'inscrit dans une approche anticipatrice, pour négocier le maintien de la pertinence de ses discours sur la gestion des affaires publiques. Dans cette optique, il pourrait s'engager sur une voie de dénonciation, renforçant ainsi des discours proches de ceux de l'opposition politique, avec le risque de se voir amalgamé à celle-ci.

Cette dualité de son rôle, oscillant entre acteur engagé et observateur critique, pourrait le placer dans une position délicate, où chaque prise de parole se muerait en un acte de stratégie politique à calculer minutieusement. Sa profonde identité missionnaire se trouve à un tournant, à l'heure où se manifestent des dynamiques sociétales en constante évolution. Dans ce contexte, il élabore et élèvera des prières qui ne seront pas exemptes d'une dimension politique. Que ce soit dans un sens ou dans l'autre.