L’huile de palme, levier d’émancipation pour les petits producteurs de la Tshopo ?

Une productrice agricole de Kisangani
Une productrice agricole de Kisangani

À Mangaza, au cœur de la province de la Tshopo, les parcelles de palmiers à huile émergent comme le symbole d’une transformation agricole en marche. Djemba Ismael, petit producteur, ne cache pas son enthousiasme : « Ces palmiers, c’est notre avenir. Avec un hectare, je pourrai espérer générer un revenu de 5 000 dollars chaque année une fois les plantations à maturité. »

Soutenu par le Programme de mise en valeur des savanes et forêts dégradées (PSFD), ce projet mobilise les petits producteurs autour d’un modèle économique innovant et structuré. À Mangaza, 220 hectares ont déjà été plantés avec des variétés certifiées fournies par Palmélite, et 345 hectares supplémentaires sont en cours d’aménagement. « L’idée, c’est de responsabiliser les producteurs tout en leur offrant un appui technique de qualité », explique Willy Makiadi Mbunzu, coordonnateur national du PSFD.

Un modèle intégratif et durable

L’originalité du modèle économique repose sur une approche collaborative entre les producteurs et les opérateurs économiques. Ces derniers jouent un rôle clé en offrant des conseils techniques, en achetant les récoltes et en investissant dans des infrastructures comme les pépinières et les outils de transformation. « Chaque acteur de l’alliance productive a une responsabilité claire : les paysans plantent et entretiennent les palmiers, tandis que les opérateurs assurent la transformation et la commercialisation », détaille un conseiller du PSFD.

Le modèle met également en avant la complémentarité entre cultures pérennes et vivrières. En attendant les premières récoltes d’huile de palme, prévues d’ici 30 mois, les paysans intègrent des cultures comme le maïs et le soja dans leurs champs. Cela leur permet de générer des revenus intermédiaires tout en garantissant leur sécurité alimentaire.

Une rupture avec les échecs passés

Contrairement aux projets précédents, où l’absence de suivi et de structure avait conduit à des abandons massifs, le PSFD introduit une approche entrepreneuriale. « Le programme ne se contente pas de distribuer des semences. Il assure un accompagnement sur le long terme, avec des paiements directs aux paysans pour l’entretien des parcelles et un suivi rigoureux des performances », souligne Willy Makiadi.

Des techniciens et agronomes sont présents à chaque étape, garantissant que les plantations atteignent leur potentiel maximal. Cette rigueur est essentielle pour éviter les pertes et maximiser la rentabilité des investissements.

Des défis encore tenaces

Malgré ces avancées, le quotidien des petits producteurs reste semé d’embûches. Les routes dégradées compliquent l’évacuation des produits agricoles, augmentant les coûts de transport et réduisant les marges. « Parfois, nos récoltes mettent des semaines pour atteindre les marchés, et cela impacte les prix que nous pouvons obtenir », témoigne un agriculteur.

La qualité des intrants reste également un enjeu majeur. Bien que le PSFD ait introduit des semences certifiées, de nombreux paysans peinent encore à accéder à des engrais adaptés, ce qui limite leur productivité. Et au-delà des défis techniques, les incertitudes politiques et économiques de la RDC pèsent sur la filière. Les financements, souvent insuffisants ou tardifs, freinent les ambitions des coopératives.

Une ambition collective

Pour les petits producteurs de la Tshopo, l’huile de palme représente bien plus qu’une simple culture : elle est l’opportunité de bâtir une économie locale dynamique. Avec une production estimée entre 5 000 et 7 000 litres d’huile par hectare, les perspectives économiques sont encourageantes. Mais ce succès dépendra de la capacité à renforcer la chaîne de valeur locale, en passant par des investissements dans la transformation et une meilleure structuration des marchés.

« Nous avons besoin de routes, de formations et d’un accès aux financements. Sans cela, nous risquons de perdre une partie de cet investissement », alerte un membre de la coopérative Mangaza. Mais pour Djemba Ismael et ses collègues, l’espoir est bien réel : l’huile de palme pourrait bien être la clé d’un avenir prospère pour les petits producteurs de la Tshopo.