Les États-Unis par le biais de son Département du Travail, a ajouté le minerai de cobalt de la RDC à sa liste 2024 comme étant des biens produits par le travail des enfants ou le travail forcé. Dans une note d’information adressée au gouvernement de la RDC, intitulé « Cobalt Institute » et publié ce mardi 24 septembre, les USA indiquent que ce minerai présente un risque élevé car provenant des mines artisanales, tandis que la mise à jour de cette année établit un lien entre le travail forcé et l'exploitation minière artisanale et industrielle.
Cette liste est destinée à être utilisée comme ressource par la société́ civile qui cherche à mettre en évidence les violations des droits du travail dans les chaînes de valeur mondiales, et par les entreprises qui s’efforcent de prévenir et d’atténuer ces violations.
« L'inclusion du cobalt de la RDC dans la liste des produits soumis au travail forcé a été́ motivée par une étude financée par l'ILAB en 2023, qui a révélé́ que les travailleurs des mines industrielles et artisanales étaient soumis au travail forcé. Cette étude a mis en évidence les indicateurs du travail forcé, notamment les heures supplémentaires excessives, les travaux dangereux, les licenciements, les salaires impayés, les amendes, la servitude pour dettes et d'autres conséquences négatives sur les droits de l'homme. Le rapport fait également une référence secondaire au fait que l'industrie du cobalt en RDC est dominée par de grandes mines appartenant à des Chinois », peut-on lire dans cette note.
Cette décision suscite des réactions. Les activistes impliqués dans les ressources naturelles estiment que ce rapport devrait mettre à nu même les bévues commises par certaines entreprises américaines. Chadrack Mukad, président de la plateforme Comprendre et agir dans le secteur minier industriel et artisanal (CASMIA), pense qu’il est favorable à l’objectif de cette note qui consiste à sensibiliser plus le gouvernement à se soumettre aux normes internationales.
« Je suis intéressé par l'objectif de ce rapport qui n'est pas celui de dissuader les consommateurs ou acheteurs du cobalt de ne pas acheter, mais de sensibiliser ces derniers à s'assurer que leur approvisionnement est responsable et aussi conforme aux normes internationales et aux bonnes pratiques du secteur », a dit à Actualite.cd, Chadrack Mukad.
Une attitude que condamne Evrys Bantu, expert en gouvernance minière basé à Goma, dans l'Est du pays. Pour lui, ce rapport s’explique par le monopole que détient la Chine sur ce minerai stratégique.
« Pensez-vous que les entreprises américaines sont propres? Apple qui finance les guerres à l'Est de la RDC pour le monopole des minerais extraits par les groupes étrangers sous la coordination du Rwanda fait-elle proprement lorsque cela se fait suivre des morts des pauvres citoyens dans le Rutshuru et Masisi? Aujourd’hui, ce rapport est rendu public parce que les américains n’ont plus le monopole de ces minerais surtout dans la région du Grand Katanga. Quand ils détenaient l’entreprise TFM à Fungurume, avez-vous vu ces gens nous pondre ces genres de rapports ? Parce que même à l’époque, les enfants étaient toujours dans les mines et ces mêmes américains achetaient ces minerais », a fait savoir Evrys Bantu.
Et d’ajouter : « Les États-Unis sont-ils devenus les sanctificateurs des minerais, surtout ceux qui viennent de la RDC, que lorsque cela vient des zones où ils n'ont pas d'influence, et nous, nous devons gober et en faire notre sujet de lutte? ».
Le cobalt congolais est l'un des 29 nouveaux produits ajoutés à la liste, qui comprend également le minerai de cuivre de la RDC et de la Zambie. Les produits contenant du cobalt comprennent des biens considérés par le Département du Travail comme essentiels à la transition vers l'énergie verte, à l'informatique de pointe et à la sécurité nationale « tels que les véhicules électriques, les semi-conducteurs et les batteries, et sont également jugés à risque ».
Pour l’Administration américaine, les parties prenantes de la chaîne de valeur du cobalt doivent se préparer à cette éventualité́ et continuer à veiller à ce qu'ils exercent une diligence raisonnable, rigoureuse en matière des droits de l’homme afin de s’assurer qu’elles identifient, préviennent, atténuent et remédient au travail des enfants et au travail forcé dans leurs chaînes d’approvisionnement. Comme le souligne le rapport, en tirant partie des informations fournies par la liste et en investissant dans de solides systèmes de conformité́ sociale axés sur les travailleurs, les parties prenantes peuvent s’engager auprès des fournisseurs pour favoriser les améliorations, démontrer leur engagement en faveur d’un approvisionnement éthique et créer de bons emplois. Ce faisant, les parties prenantes protègent non seulement les travailleurs, mais aussi leur réputation sur un marché mondial de plus en plus compétitif.
Il est important de préciser que cette décision américaine ne signifie pas que les marchandises seront automatiquement arrêtées aux frontières des États-Unis. Par contre, cela renforce la surveillance, que ces minerais fassent l’objet d’un examen plus approfondi de la part des autorités américaines pour ce qui est de l’interdiction.
Le Gouvernement congolais est donc appelé à prendre en urgence des mesures qui s’imposent pour éviter que son économie déjà fragile, soit de plus en plus étouffée par cette décision de l’Administration américaine.
Ben Akili