De l'investiture du gouvernement Suminwa, à l'augmentation des abus sexuels sur mineurs au Nord-Kivu, en passant par la levée des immunités de l'ex président nigérien Mohamed Bazoum au Niger, la semaine qui vient de s'achever a été riche en actualités. Retour sur chacun des faits marquants avec Débora Sabanga.
Madame Débora Sabanga, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs?
Débora Sabanga : Je suis étudiante en dernière année de droit à l'université de Kinshasa. Meilleure oratrice du concours du procès fictif de la CPI, édition 2024, Ambassadrice de l'université de Kinshasa, en attente de mon diplôme de licence pour embrasser la profession d'avocat.
Le programme du gouvernement Suminwa, investi le 11 juin 2024, se base sur six piliers dont la protection du pouvoir d'achat des ménages, et la protection du territoire national. Comment le gouvernement pourrait-il mieux concrétiser ces piliers, selon vous?
Débora Sabanga: Actuellement, le pouvoir d'achat des ménages est altéré et cette altération est inquiétante puisqu'elle occasionne un déséquilibre économique important. Les causes sont multiples mais s'il faut envisager des solutions. La protection du pouvoir d'achat des ménages peut se concrétiser en luttant contre l'inflation sur le marché. Cette dernière place les consommateurs en général et les ménages en particulier dans une profonde insécurité économique. En plus, la lutte contre la dépréciation monétaire est un élément à ne pas négliger. Pour finir, une rémunération digne et conforme au SMIG doit être placée au centre lorsqu'on envisage la protection du pouvoir d'achat des ménages.
S'agissant de la protection du territoire national, la République démocratique du Congo dispose d'un service militaire à cet effet. Il s'agit des FARDC. Je crois qu'il est temps pour le gouvernement congolais d'affirmer sa souveraineté tant sur le plan national que sur le plan international. Actuellement, s'il faut envisager un recours à la force plus intense par le moyen de la guerre, le gouvernement ne doit pas négliger que cette alternative requiert d'énormes ressources et équipements militaires. Il serait plus convenable de faire également recours à d'autres moyens pacifiques de règlements des différends internationaux prévus par le système onusien et celui de l'Union africaine afin de parvenir à une paix durable et au respect des droits de chaque État.
Y a-t-il des piliers manquants d'après vous?
Débora Sabanga: Actuellement, plusieurs secteurs d'activités en République démocratique du Congo souffrent d'un dysfonctionnement énorme. Les six piliers du gouvernement peuvent donc, s'ils sont exécutés à la lettre, apporter des solutions considérables. Mais j'estime qu'une place particulière doit être accordée à l'éducation et à la recherche (sans les mêler de manière large au renforcement de capacités des Congolais pour participer à la construction du pays).
Le coût de ce programme d'actions pour les cinq prochaines années est estimé à 92,9 milliards de dollars, soit un coût annuel moyen de 18,584 milliards de dollars. Pensez-vous que ce montant est justifié par les objectifs fixés ? Si oui, pourquoi ? Si non, quelles seraient les priorités à réévaluer ?
Débora Sabanga: Évalué à 92,9 milliards de dollars, le programme du Gouvernement Suminwa est ambitieux et audacieux. Tenant compte des objectifs qu'il s'est assignés, j'estime que ce coût est amplement justifié. D'ailleurs, il serait souhaitable de le revoir à la hausse en raison de nos potentialités minières.
Le HCR signale une augmentation des abus sexuels sur mineurs au Nord-Kivu, en particulier dans les zones de combat. Quelle est votre réaction à cette situation alarmante ?
Débora Sabanga: Je suis profondément attristée et indignée de constater que ces enfants sont confrontés à de telles violences. C'est une réalité déchirante qui ne devrait jamais être vécue par les plus vulnérables d'entre nous. Il est impératif que l'État remplisse son devoir en réagissant de manière décisive pour mettre un terme à la guerre qui sévit à l'est de notre pays. Ces enfants méritent de vivre dans la paix, loin de ces traitements cruels.
Un accord de cessez-le-feu, la réparation des préjudices causés aux victimes et le recours à la justice pénale (internationale ou non) sont des moyens qui permettront à ces victimes de recouvrer leur dignité humaine.
La Cour d'État a levé, vendredi 14 juin, les immunités du président déchu du Niger, Mohamed Bazoum. Les autorités nigériennes l'accusent de complot, d'atteinte à la sécurité et l'autorité de l’État, de crime de trahison, des faits présumés d'apologie du terrorisme et de financement du terrorisme. Quelle est votre analyse de la situation ?
Débora Sabanga: Des critiques relatives à la compétence de la Cour d'État qui est la juridiction suprême du Niger bien qu'émises, il ne faut pas se voiler la face, le changement anticonstitutionnelle de gouvernement ne laisse pas subsister le droit, bien au contraire, il en crée un autre qui lui est favorable.
D'ailleurs, comme l'a souligné Maître Moussa Coulibaly, porte-parole du collectif international des avocats, « les droits de Mohamed Bazoum à se défendre ont été violés. On dirait que nous sommes en période d’inquisition, parce que toute l’instruction de cette affaire s’est faite de manière secrète, on a affaire à une restauration autoritaire et on a affaire à une justice surtout instrumentalisée par le pouvoir militaire ».
Tout ce qu'on peut souhaiter est que la justice reste et demeure juste et indépendante, en prenant en compte les droits des justiciables.
La crise entre le Bénin et le Niger s'aggrave suite à la fermeture de la frontière et au refus du Niger de la rouvrir. Le Bénin a bloqué puis autorisé l'embarquement du brut nigérien. Quelle est votre opinion sur cette situation ?
Débora Sabanga: Les relations internationales sont dominées par des conflits d'intérêts et peuvent donner lieu à des résultats désastreux. L'idéal reste de favoriser des rapports amicaux entre États. Il demeure toujours possible pour ces deux nations de parvenir à régler leur différend de manière à favoriser leurs intérêts respectifs. Ce conflit ne ferait qu'entraver le développement de l'un et de l'autre.
Les survivantes de Boko Haram subissent une "double peine" : la violence du groupe djihadiste et la violence des autorités nigérianes. Quelle est votre lecture de cette situation ?
Débora Sabanga: il est essentiel que le gouvernement nigérian réexamine sa politique. Ces survivantes sont des victimes et ne devraient pas être sacrifiées pour des raisons quelconque. Violées, traumatisées, elles ont droit à la vie, droit d'être protégées et sécurisées par l'État nigérian. Elles ne devraient pas être livrées aux mains de ces djihadistes, dont on ne peut attendre que mépris, traitement indigne et rien de louable.
Dix mois après le coup d'État au Gabon, Albert Ondo Ossa, candidat à l'élection présidentielle demande la publication des vrais résultats du scrutin de 2023. Quelle est votre appréciation de cette démarche ?
Débora Sabanga: Avec ma modeste connaissance de l'histoire des putschistes en Afrique, tout porte à croire que c'est une peine perdue, une démarche qui, à mon humble avis ne portera pas des fruits. Actuellement, le Gabon est gouverné par un régime militaire. Il est bien connu que ce type de régimes accorde peu d'importance à l'État de droit.
Le vice-président du Malawi, Saulos Chilima, est décédé dans un accident d'avion. Quel est votre message suite à ce tragique événement ?
Débora Sabanga: Je tiens à exprimer mes condoléances les plus sincères à tous les Malawites, et en particulier aux proches de ceux qui ont perdu la vie dans cette tragédie. Mes pensées vous accompagnent en cette période difficile.
Propos recueillis par Nancy Clémence Tshimueneka