Le samedi 1er juin 2024, la Cour militaire de l’ex-Kasaï Occidental s’est déclarée incompétente pour juger certains hauts responsables étatiques accusés d’implication dans les crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis par les milices Bana Mura à Kamonia entre 2017 et 2018. Parmi les 11 prévenus figurent un haut commandant de la police nationale congolaise et un sénateur national, justifiant la décision de renvoyer le dossier à la Haute Cour Militaire à Kinshasa.
Cette issue décevante pour les victimes prolonge leur attente pour voir les responsables des crimes sanctionnés. Le 20 mai 2024, la Cour militaire de l’ex-Kasaï Occidental, basée à Kananga, s’était déplacée en audience foraine à Tshikapa afin de faciliter la tenue du procès pour près d’une centaine de victimes constituées parties civiles. Lors de l’identification des prévenus, la cour avait appris la nomination récente de l’un des prévenus, Hubert Mbingho Mvula, au poste de sénateur national, et la promotion de Polydore Omokoko au grade de Général au sein de la police congolaise.
La cour s’est ensuite rendue à Kamonia pour identifier et entendre les victimes des crimes. Cependant, elle n’a pas pu terminer ce processus en raison d’un contexte sécuritaire volatile marqué par des menaces contre les autorités judiciaires, les victimes et les avocats, en raison des appartenances communautaires des prévenus. Revenue à Tshikapa, la cour a suspendu le procès et renvoyé l’ensemble des prévenus devant la Haute Cour Militaire à Kinshasa.
Me Isaac Ntambwe, avocat au barreau de Tshikapa et porte-parole du collectif des avocats des victimes, a exprimé sa déception : « Quand bien même que le début de l’instruction à Kamonia a prouvé la solidité du dossier vu que plusieurs dizaines de victimes ont pu comparaitre en personne devant les juges, nous sommes très déçus de cette décision de la Cour militaire qui renvoie le dossier à Kinshasa, à presque 1'000 kilomètres de là où les crimes ont été commis ».
Malgré la déclaration d’incompétence de la cour, la plupart des prévenus ont été mis en liberté provisoire, en dépit des risques de représailles pour les parties civiles. Daniele Perissi, responsable du programme de TRIAL International en RDC, a souligné : « Nous demandons aux autorités judiciaires à Kinshasa de prendre rapidement les dispositions nécessaires pour que tous les prévenus dans ce dossier comparaissent devant la Haute Cour Militaire et soient jugés conformément à la loi et en toute transparence. Il revient à la cour de démontrer qu’il n’y a pas de justice à deux vitesses selon le statut des auteurs et que personne n’est au-dessus de la loi, particulièrement en matière de crimes graves ».