Alors que des voix continuent à s'élever pour exiger sa libération, coup de théâtre à l’audience qui s'est tenue ce vendredi 12 janvier 2024 à la prison centrale de Makala dans le cadre du procès du journaliste Stanis Bujakera Tshiamala, l’expert désigné depuis deux mois a décidé de jeter l’éponge. Il devait vérifier à la fois l’authenticité de la note attribuée à l’ANR à l’origine de toute l’affaire sur les analyses numériques menées par le parquet et qui l’auraient conduit à identifier notre confrère comme le premier diffuseur dudit document.
La défense et le procureur avaient critiqué la qualité de cet expert qui n’était autre que l’un des greffiers de la cour d’appel.
D'après Me Jean-Marie Kabengela, l'un des avocats du directeur de publication adjoint de ACTUALITE.CD et correspondant de Jeune Afrique, l’expert s’est désisté par une simple lettre adressée à la cour dont le contenu a été révélé à l’audience.
"Il dit que ses machines ont été calcinées, qu'il était en voie d'en acquérir d'autres ce qui lui prendrait beaucoup de temps et nous avons nous penser qu'il n'avait pas l'expertise demandée parce qu’il n'est que expert en outil informatique alors que la question posée il faut être expert en réseau télécommunications donc il était limité déjà", a expliqué Me Jean-Marie Kabengela.
La défense de Stanis Bujakera avait largement remis en cause les "analyses numériques" du parquet au cours des précédentes audiences, pointant qu’il était impossible d’identifier le premier diffuseur d’un document partagé sur Telegram et sur WhatsApp, ce qui avaient été confirmés par ces deux grandes entreprises.
Depuis l’ouverture du procès, les avocats de notre confrère avaient également demandé à ce que la signature et le sceau du directeur du département de la sécurité intérieure de l’ANR, à qui la note controversée était attribuée, soient produits devant la cour. Elles ne figuraient pas dans le dossier de l’accusation. Le parquet les avait présentés à l’audience, mais le tribunal avait insisté pour que les pièces lui soient transmises directement par l’ANR, ce que le service de renseignements a fini par faire. Mais à la grande surprise des avocats de Stanis Bujakera, les spécimens du parquet sont différents de ceux de l’ANR.
"Oui, en voyant la signature produite par l'ANR et celle qui a été supposée être la vraie produite par le ministère public ce sont deux signatures différentes et donc même la signature produite par le ministère public l'ANR a remis ça en cause comme n'étant pas la vraie signature", a indiqué Me Jean-Marie Kabengela.
L’affaire a été renvoyée au 2 février sur le fond. D’ici là, le tribunal devrait se prononcer sur la désignation de nouveaux experts et sur une nouvelle demande de remise en liberté provisoire.
Arrêté le 8 septembre dernier à l’aéroport de N’djili à Kinshasa, Stanis Bujakera est poursuivi pour un "faux document" attribué à l’ANR sur base duquel un article de Jeune Afrique non signé par Stanis, retrace le rôle qu’aurait joué le service de renseignement militaire dans l’assassinat du député et opposant Chérubin Okende. Le journaliste est accusé de "faux en écriture, falsification des sceaux de l’Etat", "propagation de faux bruits", et "transmission de messages erronés et contraires à la loi".
Il a été détenu quelques jours dans les cachots de la police puis du tribunal de paix avant d’être envoyé à la prison Makala le 15 septembre dernier. La détention avait été confirmée pour 15 jours pour des besoins d’enquête par le tribunal de paix de Kinshasa-Gombe. Depuis, aucune nouvelle décision pour renouveler sa détention avait été prise, ce qui selon ses avocats la rend irrégulière. Bujakera est en prison depuis quatre mois.
Clément MUAMBA