RDC-M23: à Goma, la vie continue!

Une vue du volcan Nyiragongo à partir de Goma
Une vue du volcan Nyiragongo à partir de Goma

Les rebelles du M23 sont tout près de Goma, mais l'envie de vivre est plus forte que la peur dans la grande ville de l'est de la RD Congo, où on continue de sortir dans les bars, d'y regarder les matchs de foot à la télé et de faire du sport dans la rue.

"La guerre est là bien sûr, mais ça n'empêche pas de prendre la bière le soir", déclare Alain Zoeto, coiffeur de 35 ans venu assister au bar de l'Espace Cinac à un concert d'un artiste local qu'il adore, JC Kibombo.

"Le gouvernement a le devoir de nous protéger et nous, nous avons cette liberté", ajoute-t-il.

Le chanteur reprend des classiques de Papa Wemba et de la rumba congolaise. Venu avec des amis, Machozi Binego, pantalon noir et chemise blanche, danse. "La population de Goma vit encore!", lance-t-il.

Les clients affluent aussi au bar Tango fréquenté par les étrangers ou au "nganda" (bistrot) Burec, pendant que les taxis-motos sillonnent les rues de la ville.

"Je continue à travailler car je sais que le M23 n’arrivera pas à Goma", assure Dani, motard, avant d'embarquer un client sur son engin.

Au Pili Pili, célèbre bar-restaurant de Goma, jeunes et vieux suivent sur un écran géant les matchs de la Coupe du monde de foot qui vient de commencer au Qatar. Là aussi, des verres de bière, des rires, des assiettes de frites. 

"Je n'ai pas peur, ce n'est pas la première fois" que Goma est sous la menace d'une rébellion, "on sait que ça va passer", estime Amos, 19 ans, venu avec sa petite amie Vanessa.

La capitale provinciale a connu plusieurs guerres et rébellions depuis les annnées 90.

Il y a dix ans, le M23 avait déjà occupé Goma pendant une dizaine de jours, avant de se retirer et d'être vaincu l'année suivante. Le mouvement rebelle a repris les armes en fin d'année dernière et grignote depuis du terrain au nord de la ville. Une des lignes de front est à une vingtaine de km.

- "Pas trop réfléchir" - Que les rebelles arrivent ou pas, et parce qu'un jour ou l'autre "une bombe peut tomber sur la maison", "on veut continuer avec la vie", lâche, philosophe, Joseph Katwaza, 60 ans, venu comme d'habitude faire du sport au rond-point Instigo, au coeur de Goma.

Des dizaines d'habitants de tous âges se retrouvent là, comme dans d'autres espaces publics faute de salles de sport, pour des séances de cardio ou d'abdos. 

"Le sport m'aide aussi à ne pas trop réfléchir à la situation sécuritaire", ajoute Joseph. Pour lui, d'ailleurs, tout ça, "ce sont des histoires de politiciens" et le sport est "une bonne façon de mieux vivre et de ne pas se révolter davantage".

Chantal Manyure, 20 ans, coach en legging noir et tee-shirt rouge, note elle aussi à propos des rebelles du M23 que "ce n'est pas la première fois qu'ils sont là". "Et le sport nous aide à nous préparer psychologiquement", estime la jeune femme.

D'autres font du vélo, du roller ou jouent au foot sur la chaussée.

Dimanche dernier encore, comme chaque week-end, des centaines de personnes ont couru en ville jusqu'à la "grande barrière", le poste frontalier avec le Rwanda, sous le regard de passants dont certains allaient comme d'habitude à la messe.

Sur les marchés, le commerce semble normal, même si marchands et clients se plaignent des prix qui augmentent, de l'approvisionnement devenu compliqué. La route du nord vers le Rutshuru est coupée par les rebelles et la menace pèse aussi sur le Masisi, un territoire de culture et d'élevage. 

Mais il n'en faut pas beaucoup pour que la panique s'empare de la ville, comme la semaine dernière quand la rumeur d'une avancée rebelle a vidé une grande partie d'un site de déplacés.

Et au moindre coup de feu qui résonne dans la nuit, les riverains sont aux aguets, pensant que les rebelles sont là.

AFP avec ACTUALITE.CD