Kinshasa : la biennale Yango clôturée par l’exposition itinérante dans la commune de Bumbu

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Ph. ACTUALITE.CD

La biennale Yango a clôturé ses activités ce lundi 8 août dans la commune de Bumbu. Tenue à Kinshasa depuis le 13 juillet dernier dans les rues, établissements d’études supérieures ou centres culturels, la biennale a brillé par un caractère inhabituel dans ses activités. La dernière exposition, dans la commune de Bumbu, en est un exemple éloquent.

Dessins sur papier, tableaux de peinture, œuvres photographiques, collages sur les murs des parcelles de la commune de Bumbu, à proximité du marché de Selembao, dans la direction Matapol. Tout l’après-midi, les habitants de la contrée ont afflué devant les œuvres pour visionner, palper, contempler, non sans discuter et créer l’interaction avec les artistes.

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Jeunes et vieux, tous intrigués, éblouis, pris de jovialité à l’idée de voir l’art se rapprocher d’eux. Un plus grand attroupement a été observé pendant la performance artistique de Falonne Mambu, qui s’est déguisée en femme abusée mais encore résiliente. Elle a circulé quelques avenues avec des sachets d’eau qu’elle se versait sur la tête chemin faisant.

Masque sur le visage, robe transparente, pied nu au milieu d’une foule avec plein d’engouement. Elle a expliqué, à ACTUALITÉ.CD, avoir représenté, comme dans toutes ces œuvres, les victimes des violences et particulièrement des violences sexuelles. Cela pour dire hautement ce que personne ne dit. 

« Dans ce coin, il y a un problème d’eau et d’abus familial dont beaucoup ne parlent pas. C’est pourquoi, j’ai utilisé de l’eau qu’on appelle eau pure pour purifier le corps de cette personne qui se souille à chaque fois. Cette eau, si elle servait à purifier l’âme de la victime, cela l'aiderait à faire une résilience pour sa vie », a expliqué Falonne Mambu.

Cette prestation est aussi un appel à la résilience, à la résistance, à faire tomber le masque qu’on se met sur le visage après avoir été victime. « On peut se purifier soi-même en disant non hautement et faire face à ce qu’on a comme réalité. On peut faire tomber le masque et vivre sa vie comme on le veut », a-t-elle ajouté.

Entre beauté, histoire, sensibilisation, conscientisation

Les œuvres de près de dix (10) artistes ont été placées dans le quartier Matadi, à Bumbu. Sur l’avenue souvenir au croisement avec la direction Matapol, trois tableaux de Bouvy Enkobo rappellent l’histoire. Un représente Lumumba torse nu, sur un cheval pour évoquer l’indépendance ; un autre le roi Léopold II devant un vélo. En face, l’artiste peintre Joâo Kabuanga sensibilise sur l’environnement.

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Sur des treillis, il a placé ses dessins qui, dit-il, veulent qu’ils interpellent les consciences. Notamment au sujet de l’entretien des milieux de vie, la gestion des déchets, le curage des caniveaux, le recyclage des bouteilles en plastique et bien des aspects de la vie liés à l’écosystème. On peut apercevoir dans les dessins, une dame en train de coudre, un policier de roulage, des personnages sans visage. Cela pour dire que tous sont vulnérables.

En plein marché, deux photos de Do Nsoseme sont placées à côté des femmes vendeuses de maïs. Ces œuvres représentent la bravoure d’une femme également. Comme pour rendre hommage à celles qui tiennent une bonne partie de l’économie du pays par le petit commerce. Rodrigo Gukwikila a mélangé des étoffes de couleur militaire pour en faire un. Il y a placé le message de cohésion et d’unité de tout le pays malgré les atrocités.

Deux tableaux de Steve Bandoma ont été également exposés. Ceux sur la série costume dans laquelle il représente les noirs, les africains, qui, pour s’affirmer dans la société sont obligés de porter les costumes des autres. Dans une toile qu’il a dénommée “Chute libre”, il se représente lui-même avec le drapeau de la Sadec, de l’Union africaine, de l’Union européenne, de l’ONU.

Yango biennale : Toko zela lobi te

La biennale Yango a ouvert les portes de ses activités à Kinshasa depuis le 13 juillet. La dernière prestation a eu lieu ce lundi mais elle se clôture officiellement le 14 août prochain. Avec pour thème “Toko zela lobi te” (nous n’attendrons pas demain, en français), il s’est tenu une exposition itinérante, performance dans les rues, échanges et bien d’autres activités, dans différents lieux à travers la ville.

Environ quarante (40) artistes de différentes disciplines entre peintres, photographes, comédiens, performeurs et bien d’autres ont pris part à cette deuxième édition de la biennale Yango. Expérience unique et rêve réalisé pour Arsene Mpiana, que de présenter ses œuvres dans les rues de Kinshasa. Il est chef de département de photographie de l’académie des beaux-arts.

« Je suis très heureux de constater que les amateurs de l’art comprennent mieux mon travail que les experts. Le plus important pour moi, n’était pas d’exposer à Londres, en France ou en Afrique du Sud, mais plutôt que ma communauté, les congolais s’identifient dans mon travail », a-t-il dit.

La biennale Yango a été fondée en 2014 par l’artiste Kiripi Katembo. Axée sur l’art contemporain, elle a placé sa deuxième édition sous les signes du soutien à la pluralité des formes artistiques, leurs structures polyphoniques, leurs mutations et leurs écologies bigarrées. La troisième édition de la biennale Yango se tiendra dans deux ans.

Emmanuel Kuzamba