Devant la justice, l'ONU dénonce le projet britannique d'expulser des migrants vers le Rwanda 

Une vue du centre-ville de Kigali
Une vue du centre-ville de Kigali/Ph. ACTUALITE.CD

L'ONU s'en est pris vivement vendredi au projet du gouvernement britannique d'expulser vers le Rwanda des migrants entrés clandestinement, lors d'une audience judiciaire tenue à Londres à quelques jours des premiers départs prévus.

Face à des traversées illégales de la Manche toujours plus nombreuses, le Royaume-Uni prévoit de renvoyer dans ce pays d'Afrique de l'est, situé à plus de 6.000 kilomètres de Londres, des demandeurs d'asile arrivés illégalement sur le sol britannique. Le premier avion transportant des migrants vers le Rwanda doit décoller mardi.

Vendredi, la Haute Cour à Londres a examiné ce projet très décrié, qui rappelle la politique menée par l'Australie et a été dénoncé vendredi par l'opposition travailliste comme une tentative de "diversion" face aux scandales politiques affaiblissant le Premier ministre Boris Johnson.

Représentant le Haut commissariat aux réfugiés (HCR), l'avocate Laura Dubinsky a déclaré que l'agence onusienne s'inquiétait du risque de "préjudice grave et irréparable" causé aux réfugiés envoyés au Rwanda, et n'approuvait "en aucun cas l'arrangement anglo-rwandais". 

"Le HCR n'est pas impliqué dans l'arrangement entre le Royaume-Uni et le Rwanda, malgré les affirmations contraires de la ministre d'Etat", a-t-elle souligné, accusant le gouvernement de déclarations trompeuses.

Elle a ajouté que le HCR avait eu "un certain nombre de réunions" avec le ministère de l'Intérieur britannique, à qui il a signifié que le projet était illégal.

Cette audience à la Haute Cour se tient après qu'un syndicat et les associations de défense des droits humains Care4Calais et Detention Action ont lancé mercredi, aux côtés de quatre demandeurs d'asile, un recours en urgence devant la justice pour tenter de bloquer leurs expulsions vers le Rwanda.

Selon l'organisation Care4Calais, quelque 35 Soudanais, 18 Syriens, 14 Iraniens, 11 Egyptiens mais aussi 9 Afghans ayant fui les talibans font partie des plus de 130 demandeurs d'asile qui se sont vus notifier leur possible départ le 14 juin.

Plus de 90 migrants concernés ont toutefois déjà lancé des recours judiciaires pour rester au Royaume-Uni, affirment des avocats.

- Autres vols prévus - Selon l'avocat du gouvernement britannique, Mathew Gullick, 32 migrants doivent être envoyés au Rwanda la semaine prochaine et d'autres vols devraient suivre dans les prochains mois.

L'avocat des plaignants, Raza Husain, a fait valoir que renvoyer des migrants au Rwanda n'est "pas sûr".

Le Rwanda, dirigé par Paul Kagame depuis la fin du génocide de 1994 qui a fait 800.000 morts, selon l'ONU, principalement des Tutsi, est régulièrement accusé par des ONG de réprimer la liberté d'expression, les critiques et l'opposition politique.

Vendredi, vingt-trois ONG ont appelé les dirigeants du Commonwealth à faire pression sur le Rwanda, qui accueille à partir du 20 juin une réunion de l'organisation, pour que ce pays libère des critiques du pouvoir et permette une plus grande liberté d'expression.

Concernant son projet controversé, le ministère de l'Intérieur britannique a dit dès le départ s'attendre à des recours en justice tout en se disant "déterminé" à le mettre en oeuvre et martelant qu'il était "pleinement conforme au droit international et national". 

Depuis le début de l'année, plus de 10.000 migrants ont traversé illégalement la Manche pour atteindre les côtes britanniques sur des petites embarcations, une hausse considérable par rapport aux années précédentes, déjà marquées par des records.

Pour le porte-parole de Boris Johnson, ce plan est "la bonne approche, notamment pour lutter contre les gangs criminels qui exploitent les migrants sur les côtes françaises et les forcent à monter dans des embarcations inaptes à la navigation pour effectuer une traversée incroyablement dangereuse vers le Royaume-Uni".

L'audience finale dans cette affaire aura lieu en juillet. 

Lundi, la Haute Cour doit entendre un autre recours intenté par l'association d'aide aux réfugiés Asylum Aid, soutenue par le groupe Freedom From Torture.

AFP avec ACTUALITE.CD