A quatre jours de l'ouverture en Centrafrique d'un dialogue national annoncé à la hussarde par le chef de l'Etat, le flou règne sur son organisation et ses objectifs, au-delà d'une vague promesse de restaurer "la paix" mais sans les groupes rebelles qui ne sont pas conviés.
Réclamé par l’opposition, le "Dialogue républicain" de réconciliation nationale, avec "l'opposition non armée et la société civile", avait été promis il y a 15 mois par le président Faustin Archange Touadéra, à peine réélu dans un scrutin très contesté, dans un pays alors aux deux tiers aux mains de groupes armés.
Après de nombreux atermoiements, M. Touadéra l'a annoncé mardi soir à la surprise générale, les leaders de l'opposition l'apprenant à la radio, pour une ouverture du forum six jours plus tard et pour durer moins d'une semaine. Dans un pays meurtri par une guerre civile depuis plus de huit ans.
M. Touadéra l'avait promis au lendemain de sa victoire fin décembre 2020, avec 53,16% des suffrages, alors que moins d'un électeur sur trois avait eu la possibilité d'aller voter en raison de l'insécurité.
Un engagement pour répondre aux pressions d'une communauté internationale qui a mis sous perfusion ce pays classé deuxième le moins développé au monde et dont la moitié de la population vit dans un état d'insécurité alimentaire aigüe selon l'ONU, qui y a déployé depuis 2014 l'une de ses plus coûteuses missions de Casques bleus.
- "Mercenaires" russes -
Lors de la présidentielle, Bangui était menacée par une offensive de plusieurs des groupes armés occupant alors deux tiers du territoire. M. Touadéra avait appelé Moscou à l'aide et des centaines de paramilitaires russes étaient venus s'ajouter à ceux présents depuis 2018, à la rescousse d'une armée démunie.
Ces "instructeurs non armés" selon Moscou, "mercenaires" de la société privée de sécurité russe Wagner selon l'ONU, ont, depuis, facilement repoussé les groupes armés de la majorité des villes et territoires qu'ils occupaient. Non sans être accusés, par l'ONU et la France notamment, de commettre des "crimes de guerre" et d'avoir fait main basse sur les ressources du pays.
Lundi donc, et jusqu'au dimanche 27 mars, l'Assemblée nationale accueillera le Dialogue républicain dont l'objectif affiché se résumait jusqu'alors à "restaurer la paix et la sécurité". C'est seulement jeudi que les organisateurs ont diffusé une liste de cinq "thématiques", dont "Paix et sécurité", "Gouvernance politique, renforcement démocratique et institutionnel" et "Développement économique et social".
Mais les attentes concrètes restent floues. "L’objectif principal est de constituer un forum républicain autour des valeurs et principes de la République", avance Obed Namsio, président du comité d’organisation. "Cela débouchera sur des feuilles de routes, des textes de loi", assure Albert Yaloke Mokpeme, porte-parole de la Présidence.
Sur 450 à 500 participants attendus, nombre de cadres de l'opposition n'avaient toujours pas reçu d'invitation jeudi matin. La liste n'était toujours pas consultable. "Les entités conviées ainsi que les participants seront annoncés à la radio dans les prochains jours, c'est une tâche fastidieuse", explique à l'AFP M. Mokpeme.
- Satisfaire les bailleurs internationaux -
L'opposition ne semble avoir guère plus de visibilité sur la finalité. "Nous attendons de la sincérité, nous voulons un accord politique qui permettra de retrouver la paix", avance seulement Aurélien Simplice Zingas, représentant au comité d'organisation de la principale plate-forme de l'opposition, la COD-2020.
"Notre population souffre, il ne faut pas seulement des paroles mais aussi des actions", lâche Simplice Marigai, un prof de handball de 52 ans, dans une rue de Bangui. Nombre de passants ne savaient même pas qu'un "Dialogue républicain" doit se tenir...
"Le dialogue a deux buts", résume sévèrement Thierry Vircoulon, spécialiste de l'Afrique centrale à l'Institut français des relations internationales (Ifri): "permettre aux acteurs de l’opposition de revenir au pays sans être arrêtés et satisfaire une des conditions émises par les bailleurs internationaux". "Ce qui compte dans le dialogue est donc moins ses conclusions que sa simple organisation", assène le chercheur.
"Je ne pense pas que le dialogue change quoi que ce soit dans le pays, mais un dialogue, même symbolique, rassure la Banque mondiale", renchérit Roland Marchal, du Centre de recherches internationales (Ceri) de Sciences Po Paris. "On fait la paix avec ses ennemis, pas ses amis; or la réconciliation n'intègre pas les groupes armés", conclut-il.
ACTUALITE.CD avec AFP