Réfugiée et victime de violences conjugales, Ruth se reconstruit à Athènes

Stop aux violences faites aux femmes. Ph. ACTUALITE.CD
Stop aux violences faites aux femmes. Ph. ACTUALITE.CD

"Être une femme a souvent été synonyme d'épreuves pour moi, mais aujourd'hui je n'ai plus peur de parler, ni de me faire aider", explique à l'AFP Ruth A., une réfugiée congolaise, victime de violences conjugales, qui se reconstruit dans un foyer d'Athènes.

"Les épreuves ne m'ont pas détruite. Aujourd'hui je vais de l'avant", ajoute, déterminée, la jeune femme de tout juste 23 ans, qui vit seule avec ses trois fils de 5 ans, 3 ans et neuf mois.

Tenant d'une main son petit dernier, un brin turbulent, elle estime avoir été "sauvée" il y a deux mois et demi après avoir été transférée du camp de migrants d'Elaionas en périphérie d'Athènes. 

"Mon mari était violent mais je le cachais depuis longtemps. Puis un jour, je n'ai pas pu mentir, mon visage était marqué par les coups. Une assistante sociale m'a aidée et m'a trouvé une place dans ce centre", murmure Ruth, encore bouleversée. 

Ici, elle tente de se reconstruire grâce au programme "A Step Forward" ("un pas en avant"), mis en place par l'ONG Médecins du Monde, avec SOL Crowe et HumanRights360, dans le cadre du programme "Asile et Migration" financé par des fonds européens.

Depuis juin 2021, le foyer accueille jusqu'à 44 femmes seules avec enfants, majoritairement originaires de République démocratique du Congo, d'Afrique subsaharienne, d'Afghanistan.

"Toutes les femmes qui viennent ici sont victimes de violences. Certaines ont subi des viols, des violences physiques, d'autres étaient oppressées par leurs familles qui les empêchaient par exemple d'étudier", note Evi Papayianni, l'assistante sociale chargée du centre.

- "Redonner un sentiment de sécurité" -
"Notre but est de leur redonner un sentiment de sécurité, de la force et aussi de leur faire comprendre qu'elles ont des droits". "Pour les femmes grecques, c'est déjà difficile de porter plainte, pour les étrangères encore plus!", dit-elle à l'AFP. 

Aide psychologique, séminaire sur les violences faites aux femmes et sur leurs droits, cours de langues, yoga, dessin... autant de services dont les demandeuses d'asile peuvent profiter, le temps d'obtenir leurs papiers. Ensuite, elles sont aidées pour trouver un travail ou être prises en charge par d'autres organismes. 

En quelques mois, Evi Papayianni voit les femmes évoluer, reprendre confiance. "Quand j'ai rencontré Ruth pour la première fois, elle était très renfermée et ses enfants étaient apeurés, ils ne parlaient pas. Désormais, ils nous sourient, ils reprennent goût à la vie", constate-t-elle. 

Pour Ruth, "le plus important c'est de parler, de se libérer de son passé". "Je suis encore perturbée, j'ai dû mal à me concentrer mais la psychologue et les séances de sport m'aident", confie-t-elle. 

Après avoir perdu ses parents au Congo, la jeune femme explique "ne plus avoir eu de protection". "J'ai vécu dans la rue, j'ai subi des violences sexuelles. Puis j'ai trouvé mon mari. Il a vendu sa maison, nous sommes partis en avion pour Istanbul", relate-t-elle en regardant ses fils d'un oeil protecteur.

- Vulnérable mais courageuse - 
Depuis la Turquie, la famille entreprend alors un "dangereux voyage". "J'ai cru que nous n'allions jamais arriver à Lesbos. Le canot était surchargé, deux personnes sont tombées à la mer pendant le trajet", se souvient-elle. 

Le 7 février 2021, sur l'île grecque, à quelques km des côtes turques, la police les attend et tente de les faire rembarquer pour les renvoyer en Turquie, rapporte Ruth. Selon elle, sur les 30 passagers, 18 ont réussi à se cacher pendant 10 heures et à se faire enregistrer dans le camp de Mavrovouni. 

Les garde-côtes grecs sont régulierement accusés de refoulements illégaux, empêchant les exilés de déposer une demande d'asile sur le territoire grec comme le requiert le droit international. Mais Athènes a toujours démenti avoir recours à ces pratiques.

"C'est loin tout ça. Maintenant, je réfléchis à mon avenir. Je voudrais reprendre mes études et devenir sage-femme", affirme Ruth. 

A l'approche de la journée des femmes, Ruth s'interroge: "Est-ce que nous sommes plus vulnérables? en un sens oui, j'ai traversé beaucoup de galères parce que je suis une femme, mais j'ai toujours eu le courage de continuer à me battre". 

Puis, après une pause, elle lâche: "Non, nous les femmes, nous sommes fortes!".


AFP avec ACTUALITE.CD