De la suppression de la Taxe du Registre des appareils mobiles (RAM), à la position de la RDC face à situation en Ukraine, en passant par l'accord conclu entre le gouvernement congolais et l'homme d'affaires israélien Dan Gertler, la semaine qui s’achève a été riche au niveau de l'actualité. Annie Bambe revient sur les faits marquants de la semaine qui s'achève.
Bonjour Madame Annie Bambe et merci de nous accorder de votre temps. Pouvez-vous nous parler de vos activités ?
Annie Bambe : Je suis Annie Bambe Cikunda, juriste et chimiste agro-alimentaire, défenseure des droits de l'homme depuis 1999, également féministe. J'ai occupée des postes dans les organisations et mouvements de la société civile tant sur le plan national (Présidente du Forum pour les Droits des Jeunes et Enfants au Congo « FODJEC ») qu'international (en qualité de communicatrice du réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale(REDHAC), membre du comité directeur de African Defenders) et du Réseau des Institutions Nationales Africaines des Droits de l’Homme (RINADH).
J'ai été députée nationale honoraire, j'ai occupé plusieurs fois le poste de conseillère aux ministères des affaires étrangères, de l’industrie, du genre et celui d'analyste politique à la CENI. J'ai également été coach du Réseau des Jeunes Défenseurs des Droits Humains(RNDDH). Je coordonne également la Coalition Beijing 25+ RDC.
La semaine a été marquée par la suppression de la taxe RAM. Comment avez-vous accueilli cette nouvelle ? L'avez-vous expérimenté sur votre téléphone mobile ?
Annie Bambe : c'est une grande nouvelle en réponse aux cris d'alarme de la population congolaise qui subissait une taxe sans fondement juridique(...). Les revendications des utilisateurs des téléphones ont été entendues. Cela pourrait faire renaître la confiance entre l'État et sa population. Pour votre gouverne, j'ai été moi-même victime de la retenue obligatoire de cette somme sur les unités, presque 14 dollars chaque mois. C'était incompréhensible ! Il était temps qu'une solution soit trouvée.
Une autre problématique s’impose après la suppression du RAM. Il s’agit du remboursement des sommes perçues par les entreprises de Télécoms ainsi que le paiement des dommages et intérêts aux populations congolaises. Une plainte a été déposée par l’avocat Hervé Diakiese à ce sujet. Quelles sont vos attentes de la part du gouvernement congolais et de la justice ?
Annie Bambe : c'est normal que la réparation compense les préjudices causés par ce prélèvement illégal qui a été imposé unilatéralement à la population.
Ce ne sera que justice afin que les dommages et intérêts soient payés. Ce serait là le respect de l'État de droit.
Le mois de mars a commencé, mois au cours duquel on célèbre les droits des femmes. Cette année, les thèmes (international et national) tournent autour de l'autonomisation des femmes et de la jeune fille ainsi que l’égalité des sexes dans le contexte de lutte contre le changement climatique et des réductions des risques des catastrophes. Que faudrait-il comprendre par ces éléments ?
Annie Bambe : par ce thème, il faut retenir entre autres les opportunités qui s'offrent dans la recherche de solution pour limiter le réchauffement climatique. Il est aussi important de prendre en compte les besoins des femmes/filles et des hommes/garçons. Les réponses à la prévention des catastrophes devraient intégrer et protéger les droits des femmes et des hommes.
Au cours de la réunion préparatoire en prélude au lancement du cadre de concertation avec la composante femme, la CENI s’est engagée à résoudre le problème de la sous-représentation des femmes aux élections de 2023. Concrètement, que devra faire cette organisation selon vous ?
Annie Bambe : c'est depuis le 18 février 2006 que la RDC a exprimé son intention de consacrer la parité homme-femme dans sa Constitution. Seize ans après, il est opportun d'harmoniser les lois et règlements avec la Constitution particulièrement en proposant notamment :
- la revisitation de la loi électorale afin de rendre l'article 13 contraignant au bénéfice de la présentation des listes électorales paritaires ;
- Élaborer une stratégie électorale genre qui sera une boussole interne en vue de l'atteinte de l'égalité des sexes au sein de l'administration CENI d'une part et dans les assemblées électives d'autre part.
Le 02 mars à Beni, un soldat a tué par balles deux personnes avant de se donner la mort . Mercredi 9 février, un autre militaire a tué par balles trois civils dont deux femmes dans le quartier Benengule, dans la commune Beu. Quelles recommandations adressez-vous aux autorités pour mettre fin à ce phénomène ?
Annie Bambe : la stratégie à mener serait la formation au sein de la PNC en vue de la rendre professionnelle. C'est le défi à relever. Le professionnalisme manque également au sein des FARDC et autres services de sécurité. Les critères de recrutement devraient être beaucoup plus rigoureux en vue d'assurer une sélection de qualité. La solde des hommes en uniforme et leurs conditions de travail devraient aussi être améliorées.
Le Pape François est annoncé à Kinshasa du 2 au 5 juillet par le gouvernement congolais. Il compte visiter les villes de Kinshasa et de Goma. Ce sera la deuxième visite du pape après celle de Jean Paul II il y a 37 ans. Que pensez-vous de cette visite ?
Annie Bambe : c'est une bonne nouvelle. Une visite d'un chef d'État dans un autre pays suscite toujours de la joie, de la considération, de l'intérêt. La venue du Saint Père va également apporter une lueur d'espoir au sein de la population congolaise en général et des chrétiens catholiques en particulier. Par cette venue, je comprends que le Vatican en sa double qualité d'État et d'Église entretient un mariage de "je t'aime moi non plus" avec l'Etat congolais. Malgré les relations tendues souvent observées entre les deux, un lien d'amitié fort demeure et la compassion du Vatican est toujours la bienvenue en RDC, précisément pour la population de l'Est de la République.
L’un des points de discorde entre l’Eglise catholique et Kinshasa est le processus électoral. Les catholiques, qui avaient déployé la plus grande mission d’observation électorale en décembre 2018, ont finalement pris acte des résultats publiés par la Cour constitutionnelle, tout en clamant qu’ils ne correspondent pas à la vérité des urnes. Pour cette visite qui s’annonce la veille de l’année électorale, quelles sont vos attentes des deux parties ?
Annie Bambe : justement, sa venue est un signal fort pour les élections qui devront se tenir dans un climat apaisé. Aussi, les discussions tourneraient autour des questions sur le rôle régalien de l'Etat, la mission prophétique de l'église, le contrôle citoyen qui devrait aboutir à une observation électorale de qualité. Chaque partie se tiendra à sa place en jouant son rôle.
En Économie, le gouvernement et Dan Gertler ont signé un protocole d’accord au cours de la semaine, qui a abouti à la fin des contentieux judiciaires opposant les deux parties et à la récupération des blocs pétroliers et actifs miniers congolais. Soupçonné d'avoir signé des "contrats miniers et pétroliers opaques et entachés de corruption" en RDC, Dan Gertler, est depuis 2017 sous sanctions américaines. Le pays va par conséquent, partager le contenu de cet accord avec Washington avant de le dévoiler au public congolais. Quel est votre point de vue à ce sujet ?
Annie Bambe : c'est un pas franchi par la RDC bien que le contenu de l'accord ne soit pas divulgué afin de me permettre de porter un jugement. A la lumière de l'accord, on aurait su les noms des bénéficiaires directs de ces milliards récupérés.
L'Assemblée générale de l'ONU a adopté mercredi une résolution qui "exige que la Russie cesse immédiatement de recourir à la force contre l'Ukraine", lors d'un vote approuvé massivement par 141 pays, 5 s'y opposant, et 35 s’abstenant sur les 193 membres que compte l'Organisation. La RDC qui a également voté en faveur de cette décision justifie sa position par celle de l’UA et fait allusion à la situation à l’Est. Quel est votre point de vue à ce sujet ?
Annie Bambe : les États modernes résolvent leurs différends à travers la diplomatie, autrement dit, la résolution pacifique des conflits. C'est normal que la résolution préconise à la Russie de cesser les hostilités. La solution de guerre est la plus destructrice. La seule solution salvatrice demeure la table de négociation pour une paix durable entre la Russie et l'Ukraine. Pour la position de la RDC, elle est logique et contextuelle.
Un dernier mot ?
Annie Bambe : Mon vœux le plus ardent est que la situation redevienne normale en Europe de l'Est de crainte que les hostilités ne s'étendent au-delà des autres frontières et que la crise se mondialise. Aussi, je souhaite que la Congolaise retrouve son panier de la ménagère.
Propos recueillis par Prisca Lokale