La prévalence de l’hémoglobine S varie entre 30 et 40% pour les formes hétérozygotes, et entre 1,6 à 2% pour les formes homozygotes en RDC, selon la Faculté de médecine de l’Unikin. Dans la capitale, le Centre de Médecine Mixte et d'Anémie SS (CMMASS) appelé aussi « Mabanga » est un hôpital public de référence pour la prise en charge de la drépanocytose. Comment les soins y sont organisés, quels sont les réalités quotidiennes ? Entretien avec Bobo Misengele, médecin directeur adjoint.
« Le centre est organisé en plusieurs sections. Notamment, la pédiatrie, la gynécologie, la maternité, la chirurgie et la médecine interne. Il dispose d’une salle d’urgence qui sert en même temps de salle pour soins intensifs », explique Bobo Misengele.
Doté d’une capacité de 54 lits, l’hôpital accueille autour de 900 cas par mois. La plupart des cas concerne des malades qui bénéficient d’un suivi permanent. Ceci entraine le fait que certains lits sont occupés par deux ou trois malades.
« Un malade peut être sous crise lundi et revenir au cours de la semaine, pour les mêmes soins. Après deux semaines, le même malade revient pour être interné (…). Les cas urgents sont envoyés directement à la salle d’urgence où les premiers soins sont donnés en attendant une prise en charge approfondie » renseigne-t-il.
La drépanocytose, une maladie qui appauvrit
Au sein du centre Mabanga, la majorité des malades proviennent des familles qui n’ont pas suffisamment des moyens. Même lorsqu’elles en auraient assez, les rendez-vous médicaux réguliers élèvent le niveau de dépenses. Riche de son expérience estimée à 8 ans dans ce secteur, Bobo Misengele pense que cette maladie rend pauvre.
« Pendant que le cas urgent est pris en charge, nous demandons en même temps à sa famille de passer à la caisse pour avoir une fiche et payer les frais. La consultation associée au laboratoire et aux médicaments pour les premiers soins peuvent attendre plus de 30 $ (l'équivalent de 60.000 Francs Congolais) par jour pour les malades non hospitalisés. Pour les malades internés au centre, nous fixons un montant forfaitaire comptabilisé à la fin de son hospitalisation. La drépanocytose est à la base une maladie qui appauvrit. Les dépenses pèsent sur les familles et sur les malades », a-t-il expliqué.
Et d’ajouter, « La drépanocytose en RDC est une réalité et il faudrait la démystifier. Il ne s’agit pas de la sorcellerie. La moyenne d’âge est passée de 24 ans à plus ou moins 40 ans de vie. Les personnes qui atteignent cet âge viennent des familles aisées conscientes de leur situation et qui prennent des dispositions ».
Enclavé, sans eau ni électricité stable
Situé à l’issue de l’avenue Kasangulu, dans la commune de Kalamu, l’hôpital Mabanga est presque enclavé. Aucune indication sur l’artère principal (Avenue Kimwenza), à environ 150 mètres, aucune inscription sur la clôture de l’hôpital, des murs délavés, le MDA se plaint.
« Les gens atteignent l’hôpital avec beaucoup de peines. Nous sommes en quelque sorte enclavés », s'offusque le Dr. Misengele.
L’hôpital dispose également d’une unité de néonatologie. Cependant, les coupures intempestives d’électricité ne lui permettent pas de fonctionner normalement. Le groupe électrogène date de plusieurs années et il ne peut plus fonctionner. L’hôpital a un problème d’approvisionnement en eau potable. Le Dr Misengele ajoute, « il y avait un projet avec l’Unicef pour doter l’hôpital d’une fontaine. Les travaux avaient même déjà commencé. Les agents ont creusé mais le projet est resté sans suite depuis près de deux ans maintenant ».
Lutter contre la discrimination faite aux drépanocytaires
« Les drépanocytaires ne sont pas des personnes vivant avec handicap. Ce sont des personnes comme nous . Il va falloir lutter contre la discrimination sociale faite à ces personnes. La plupart des drépanocytaires sont brillants en milieu scolaire et en milieu professionnel. Il suffit de les mettre dans des bonnes conditions de travail », a dit le MDA.
Par ailleurs, Bobo Misengele a précisé que la drépanocytose est une réalité en RDC mais elle demeure une maladie orpheline, oubliée des autorités. Il plaide pour que l’Etat congolais mette les moyens et les mesures qu’il faut pour protéger les malades.
Prisca Lokale