De la prise de pouvoir de la RDC à la CEEAC, à la remise d'un lot des 100 bus aux étudiants, en passant par la marche arrière de Jean-Marc Kabund et le désaveu qui s'en est suivi, la semaine qui s’achève a été riche au niveau de l'actualité. Harmony N'singa revient sur chacun de ces faits marquants.
Bonjour Madame Harmony N’singa et merci d’avoir accepté de nous accorder de votre temps. Pouvez-vous nous parler brièvement de votre parcours?
Harmony N'singa : Je suis diplômée en Science Politique de l’Université de Montréal et détentrice d’une accréditation en formation professionnelle (management) délivrée par le telco Orange RDC. Je suis associée et spécialiste en formation chez A H&F Consulting, une structure spécialisée en accompagnement professionnel des entreprises. Je gère au sein de la structure, le volet renforcement des capacités via la formation et le coaching. J’ai à mon actif près de 22 ans d’expérience professionnelle. Dans le secteur privé, j’ai travaillé dans les télécommunications (Canada) et les banques (RDC), mais aussi dans le secteur public comme manager d’équipe au Ministère de l’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté au Canada. J’ai embrassé le monde de l’entrepreneuriat à temps plein il y a de cela 3 ans et je continue de parfaire mes connaissances en poursuivant mes études en vue d’obtenir un MBA en entrepreneuriat et gestion des PME à l’Université Laval à Québec.
La semaine qui s’achève a démarré avec la commémoration de la mort du premier Premier ministre, Patrice Emery Lumumba. Que reste-t-il de lui aujourd'hui ?
Harmony N'singa : je retiens de Lumumba l’audace d’incarner et de provoquer le changement. Il était jeune, n’avait certainement pas les réponses à toutes ses questions, mais il était conscient de la nécessité d’arracher notre liberté. C’est la raison pour laquelle il vit encore au Congo et même au-delà de nos frontières. Nous sommes des milliers de Lumumba car nous comprenons que nous avons un rôle à jouer dans l’avènement d’un Congo fort et prospère. Pour le paraphraser je dirai « Le Congo écrira sa propre histoire, une histoire de gloire et de dignité. Cette histoire s’écrira dans nos villes et villages. Elle s’écrira à Kinshasa, Kasangulu, Idiofa, Kisangani, Kipushi, Goma, Nsontin etc ». Nous écrivons notre histoire.
Au cours de la semaine, la RDC a pris les commandes de la Communauté économique des Etats de l'Afrique centrale (CEEAC, 11 pays). Que pensez-vous de cette nouvelle responsabilité ?
Harmony N'singa : c’est l’occasion de démontrer notre leadership en orientant les actions vers plus de responsabilités et de redevabilité des pays membres vis-à-vis de leurs populations. Il est en effet impossible de parler d’intégration régionale et de force économique avec des pays membres « malades » en interne.
Dans son discours, Félix Tshisekedi a déploré la pauvreté et le chômage en Afrique centrale. Comment selon vous, la CEEAC pourrait-elle relever ces défis cette année ?
Harmony N'singa : pour relever ces défis, il convient d’établir un diagnostic clair et précis des causes de la pauvreté et du chômage dans la région et mettre en place des mécanismes viables et pérennes pour y remédier. La CEEAC tirera sa force de celles des pays membres prêts à travailler dans le sérieux pour obtenir des résultats.
En politique au niveau national, Jean-Marc Kabund est revenu sur sa décision de démissionner de son poste au bureau de l'Assemblée Nationale. Que pensez-vous de cette réaction du premier Vice-président après une expédition punitive de la Garde Républicaine effectuée à son domicile ?
Harmony N'singa : un homme d’État doit lier la parole à l’acte. Le Congo manque de cohérence et de repères.
Entre temps, les députés nationaux de l’Union sacrée, ceux de l’UDPS, les jeunes du parti, ainsi que les députés provinciaux de Kinshasa l'ont désavoué. Quelle attitude devrait-il avoir face à ces prises de position ?
Harmony N'singa : en politique, si le groupe qui vous porte vous désavoue, vous avez le choix entre partir dignement ou être chassé honteusement.
Lors de la 36ème réunion du conseil des ministres, Félix Tshisekedi a invité le gouvernement à apporter une solution durable et attend un rapport de tous les projets d'entretien et construction sur la voirie. Quelles sont vos recommandations à ce sujet ?
Harmony N'singa : ma recommandation se résume ainsi: l’action au plus près des citoyens. Il n’est pas normal que pour un si grand pays ce soit le Chef de l’État qui instruise sur ce qui relève de la responsabilité des gouverneurs de provinces et des bourgmestres de communes. Quid de la décentralisation ? Et surtout qu’en est-il des autres provinces. Les actions ne doivent pas se limiter à Kinshasa.
100 premiers bus de Trans Academia ont été mis à la disposition des étudiants le mardi 18 janvier. Que pensez-vous de cette action du gouvernement congolais ? Des recommandations ?
Harmony N'singa : c'est un bon début, il faut maintenant veiller à l’entretien (propreté incluse) de ces biens publics. Et le plus important reste les routes sur lesquelles ces bus devront circuler. Ces dernières sont aussi une cause importante d’un amortissement précoce des véhicules.
Dans le procès des viols collectifs des femmes à la prison de la Kasapa, le TGI de Lubumbashi a condamné dix prévenus à 15 ans de servitude pénale avec paiement d'une amende de 800.000 FC. Que faudrait-il faire pour prévenir de tels actes dans les prisons congolaises selon vous ?
Harmony N'singa : revoir l’organisation des prisons : comment est géré le quotidien des prisonniers ? Existe-t-il une séparation nette entre les hommes et les femmes ?
Mais par-dessus tout, il faut des sanctions exemplaires et dissuasives pour que les gens craignent de passer à l’action.
Un dernier mot ?
Harmony N'singa : puisqu’il s’agit d’une rubrique dédiée aux femmes, je nous invite à oser le pari de la confiance pour relever les défis de notre société et reprendre notre place à la table des décisions.
Propos recueillis par Prisca Lokale